« L’Affaire Mattei », de Francesco Rosi, Palme d’or maudite

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Les six morts d’Enrico Mattei (2/6). En mai 1972, le cinéaste italien est récompensé à Cannes pour son film retraçant le destin tragique du patron de la compagnie nationale d’hydrocarbures ENI. Après un tournage tourmenté, le long-métrage verra sa sortie en salle sabordée.

Sur la scène du Palais des festivals à Cannes, le nœud papillon d’Alfred Hitchcock reste vissé à son double menton. Celui de Francesco Rosi, en revanche, ne tient pas en place. Sourire crispé, regard de travers, sueurs froides : c’est à peine si le cinéaste napolitain se réjouit de cette Palme d’or, reçue des mains du maître anglais pour L’Affaire Mattei. N’allez pas croire qu’il soit déçu de la partager avec son compatriote Elio Petri, récompensé ex aequo pour La classe ouvrière va au paradis. Non, en ce mois de mai 1972, Rosi a des raisons plus graves de perdre sa contenance : un collaborateur a disparu en Sicile pendant la préparation du film ; des menaces tout au long de la production ; et, bientôt, une sortie en salle sabordée… « Maudit Mattei ! », aurait de quoi maugréer le réalisateur.

Lire la nécrologie : Francesco Rosi, maître du cinéma italien

Personne, du reste, ne voulait de ce film consacré au magnat italien du pétrole, mort en 1962 dans un mystérieux crash aérien. Même le délégué général du Festival de Cannes, Maurice Bessy, y était hostile. « C’est aussi inintéressant qu’un film sur Citroën ! », se serait-il exclamé, selon le critique Michel Ciment. Sa présence en sélection officielle, Rosi la doit à sa réputation. Depuis Salvatore Giuliano (1961), il est le champion d’un sous-genre en vogue, le « film dossier ». Le principe ? Mener, en amont, une investigation aussi neutre et documentée que possible. De quoi nourrir, en aval, le portrait d’hommes puissants : chefs mafieux, entrepreneurs immobiliers… Un pouvoir dont les ambiguïtés sont accentuées par le montage, souvent kaléidoscopique, façon Citizen Kane : « Rosi est obnubilé par les personnages forts, dont il faudrait canaliser la charge vitale, analyse le critique Jean-Antoine Gili. Avec Enrico Mattei, il trouve l’incarnation suprême de cette énergie – au propre comme au figuré. »

Une allégorie plausible de l’Italie

Dès 1964, alors qu’un faisceau d’hypothèses entourent le crash – accident ? sabotage par la mafia, la CIA ou l’OAS ? –, le réalisateur planche sur une biographie filmée du patron de l’ENI, la compagnie nationale d’hydrocarbures. C’est que l’homme est une allégorie plausible de l’Italie : « Mattei s’était fait tout seul, il se présentait sur la scène mondiale avec tout le poids des revendications propres à sa condition sociale, expliquera Rosi au Monde, en 1972. Il était populiste, nationaliste, avec peut-être une vocation de démocrate, mais aussi d’autocrate. » En dehors d’Hollywood, les Transalpins sont alors ceux qui filment le mieux la chose politique, estime Michel Ciment : « Comme les Etats-Unis, l’Italie est une nation jeune, inachevée ; son cinéma, une quête perpétuelle d’identité ; et ses auteurs, des enfants à la recherche de parents. »

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