la troisième mort du port de Beyrouth

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Destruction at the port of Beirut, Lebanon, Wednesday, August 5, 2020, a day after the explosion.

DALIA KHAMISSY POUR « LE MONDE »

Par et

Publié aujourd’hui à 12h59

Eventré et noirci, l’imposant silo à grains domine, seul, une marée de gravats et de ferraille. Cet emblème du port de Beyrouth est resté debout malgré la double explosion qui a ravagé la capitale libanaise, le 4 août, et tué plus de 190 personnes. Tel un bouclier, il a protégé les quartiers ouest de la ville. De l’autre côté, tout n’est plus que désolation. Des entrepôts – dont le n° 12, où étaient stockées 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium –, il ne reste qu’un cratère béant de 140 mètres de diamètre. Les seize grues du terminal des conteneurs trônent, encore intactes, mais derrière elles, les quartiers de l’Est beyrouthin, de la Quarantaine aux hauteurs d’Achrafiyé, ont souffert de destructions dont ils mettront des mois à se relever.

En quelques secondes, Beyrouth a vécu l’apocalypse. Et le port, qui avait façonné la ville et le pays en une « porte d’Orient » ouverte sur le monde et la prospérité, est devenu le symbole de la faillite de l’Etat. Derrière la négligence de ceux qui ont laissé, six ans durant, une « bombe » prête à exploser au cœur de la capitale libanaise, il y a la corruption et l’incurie d’une classe politique qui accéda au pouvoir avec la guerre civile (1975-1990), et ne l’a plus quitté à la faveur d’éternels arrangements communautaires. Les mêmes maux qui précipitèrent le Liban, à l’automne 2019, dans une crise financière et économique sans précédent ont dévoré le port, transformé en « pompe à fric » par des élites prédatrices.

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« Détricotage de l’Histoire »

« Avec la ruine du secteur bancaire puis l’explosion du port, c’est au détricotage de l’Histoire que l’on assiste. Ce qui avait apporté la prospérité à Beyrouth s’est effondré. C’est une chute symbolique, une fin de cycle incroyable », affirme l’architecte Hala Younès. Maintes fois dans l’histoire tourmentée de ce pays, le port de Beyrouth a été le champ de bataille des rivalités locales et étrangères. Chaque fois, sa reconstruction s’est inscrite dans un nouvel équilibre politique et géopolitique. Alors que le Liban vacille à nouveau au bord du gouffre, les appétits s’aiguisent sur les décombres du port.

Protégée des vents dominants du sud-ouest, la rade de Beyrouth aurait pu n’être qu’un havre tranquille et sans prétention. A l’époque de la brève occupation égyptienne (1831-1840), la construction d’une jetée dans la baie de Saint-Georges et d’un lazaret, où la quarantaine allait être obligatoire pour les voyageurs, incurva la destinée de ce qui n’était alors qu’un petit bourg de 3 000 âmes baigné par les flots. Moins d’un siècle plus tard, la rade paisible s’était muée en une florissante cité portuaire de 140 000 habitants, mêlant de grandes familles chrétiennes et sunnites enrichies par l’élevage du ver à soie, pôle d’attraction pour les négociants de Saïda, de Tripoli et de la Syrie intérieure.

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