« La situation en Europe de l’Est est bien moins inquiétante qu’à l’Ouest »

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Devant le château de Schönbrunn, à Vienne (Autriche), le 26 avril.
Devant le château de Schönbrunn, à Vienne (Autriche), le 26 avril. ALEX HALADA / AFP

Alors que l’Autriche commence son déconfinement, Jean-Baptiste Chastand, correspondant du Monde à Vienne, a répondu à vos questions sur les mesures prises par les différents pays d’Europe centrale pour sortir de la crise sanitaire actuelle, lors de notre direct, le 27 avril.

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MC : Qu’en est-il de la situation en Europe centrale ? Et quels pays incluez-vous dans les termes « Europe centrale » ?

Vaste question pour l’Europe centrale, mais au Monde, je m’occupe personnellement des pays allant de la frontière allemande à la mer Noire à l’est, ainsi que des Balkans, à l’exception de la Pologne, couverte par mon collègue Jakub Iwaniuk.

La situation sur le plan du coronavirus est jusqu’à présent bien moins inquiétante qu’à l’Ouest, avec nettement moins de cas de contamination et de morts. Cela s’explique par des décisions strictes de confinement prises dès les premières contaminations. Dans ces pays, les systèmes sanitaires sont plus fragiles qu’en Europe de l’Ouest et les populations locales ont vraiment peur du coronavirus. Il y a aussi l’étonnante exception autrichienne, qui a fait face très tôt à des contaminations, mais est fière désormais d’être le pays d’Europe à sortir en premier du confinement.

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Karima : Le confinement en Europe centrale est-il plus strict qu’en France ?

Difficile de généraliser, car chaque pays a suivi sa politique propre. Le pays le plus sévère de la région est la Serbie, où les autorités imposent aux habitants de rester enfermer chez eux tous les week-ends avec interdiction quasi complète de sortie. D’autres pays comme la République tchèque et la Slovaquie ont aussi limité drastiquement les déplacements.

Lisa : Des pays comme la République tchèque semblent avoir déjà amorcé le déconfinement. Comment cela s’explique-t-il ? Ont-ils aplati la courbe plus rapidement ?

Dans la région, la République tchèque et l’Autriche ont en effet déjà amorcé le déconfinement avec la réouverture de certains commerces notamment. Ces décisions ont été prises en raison de chiffres rassurants et du nombre de nouvelles contaminations très faibles, de l’ordre d’à peine 50 par jour actuellement en Autriche (pour 8,8 millions d’habitants). Ils ont en effet aplati la courbe plus rapidement qu’en France, mais, surtout, ils n’ont jamais été débordés.

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Pour la République tchèque, cela s’explique par des mesures de confinement très strictes, prises dès les premiers cas détectés sur le territoire. En Autriche, il y a eu un gros « cluster » dans une station de ski, mais les personnes contaminées y étaient surtout des étrangers (touristes et saisonniers), et les autorités ont ensuite placé la population locale sous une forme de couvre-feu qui a empêché que la contamination se répande largement dans le pays.

Performance d’artistes sur un parking, lors d’un festival « confiné », à Prague (République tchèque), le 26 avril.
Performance d’artistes sur un parking, lors d’un festival « confiné », à Prague (République tchèque), le 26 avril. Petr David Josek / AP

AS : Le confinement autrichien était-il aussi strict que le confinement français ? Qu’en est-il aujourd’hui des rassemblements de personnes ? Peut-on envisager de recevoir des amis ou des voisins à domicile ? Les bars et les restaurants ont-ils rouvert ? L’Autriche a-t-elle rouvert ses frontières ?

Le confinement autrichien a été moins strict qu’en France. Les Autrichiens ont toujours gardé le droit de sortir se promener dans les parcs par exemple, mais seulement avec les membres de leur foyer et en gardant les distances de sécurité. Il n’a jamais été nécessaire de produire une attestation de sortie non plus.

C’est plus facile à respecter dans une ville comme Vienne, avec sa faible densité et ses gigantesques parcs, qu’à Paris. Les rassemblements sont pour l’instant toujours interdits mais pourraient être de nouveau autorisés dans le cercle familial ou amical le week-end prochain. Les bars et les restaurants doivent rouvrir le 15 mai. Quant aux frontières, elles restent pour l’instant peu ou prou fermées, avec obligation de produire un test de coronavirus négatif datant de moins de quatre jours.

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Plombier polonais : Un des enjeux majeurs du déconfinement en Europe est la réouverture des frontières intra-Schengen. On sait qu’un redémarrage de l’économie en France et dans le reste de l’Europe occidentale est en partie dépendant de la main-d’œuvre venue d’Europe de l’Est, notamment dans le secteur de la construction. Or ces pays ont procédé très tôt à une fermeture drastique de leurs frontières, appliquant ainsi dans les faits leur rhétorique protectionniste. Quelles sont les perspectives de ce point de vue ?

La fermeture drastique des frontières est un problème majeur pour les économies de ces pays dont l’économie dépend en grande partie de cette liberté de mouvement. Les marchandises peuvent toujours transiter, mais c’est très compliqué pour la main-d’œuvre, qui voudrait venir travailler en France par exemple.

Ces travailleurs sont toujours bloqués dans leur pays d’origine, mais on a vu apparaître des solutions spectaculaires ces derniers jours pour les faire venir à l’Ouest. Alors qu’il est quasi impossible de traverser des frontières dans la région, l’Allemagne et l’Autriche ont mis en place des avions et des trains spéciaux pour faire venir des travailleurs agricoles et des assistantes à domicile de Roumanie, par exemple.

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Localement, ces mesures sont populaires pour des raisons sanitaires et protectionnistes, mais cela ne pourrait pas durer si les millions de personnes travaillant d’habitude en Europe de l’Ouest ne peuvent plus le faire.

Autrichienne : Pensez-vous que la Hongrie va redevenir une démocratie normale, sans loi d’urgence, après la crise sanitaire ? Comment l’Union européenne pourrait-elle aider ce processus ?

Vous faites référence à la loi d’urgence votée par le Parlement hongrois le 30 mars, qui prévoit de donner les quasi-pleins pouvoirs pour une durée illimitée au premier ministre, Viktor Orban. Ce dernier s’est défendu de toutes les critiques venant de l’Europe et de l’opposition en disant qu’il rendrait ses pleins pouvoirs sans difficulté dès que la crise serait terminée.

On est forcé de le croire, les pouvoirs de l’Union européenne étant limités et la Commission européenne n’ayant pas très envie de lancer une procédure contre la Hongrie en pleine crise sanitaire européenne. Depuis qu’il a fait adopter cet état d’urgence, il a pris plusieurs mesures par décret qui ont eu pour conséquence d’affaiblir les finances des partis d’opposition sans qu’on comprenne toujours le lien avec le coronavirus. Des ministres ont expliqué que certaines de ces mesures avaient vocation à rester en place après la fin de l’état d’urgence.

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Athome : Quelle est la densité dans les pays que vous suivez ? Est-ce que les habitudes sociales sont très différentes des nôtres ? Ces deux éléments peuvent-ils expliquer en partie que ces pays sont moins touchés ?

Vous relevez une hypothèse intéressante, mais il faut noter que la densité de l’Autriche, de la Hongrie, ou de la République tchèque sont comparables, voir légèrement supérieures, à celle de la France. En termes d’habitudes sociales, il est vrai que les populations locales sont un peu plus distantes, mais je crois surtout qu’elles sont d’un civisme extrême, ce qui a pu jouer.

Guibis : Est-ce que l’espace Schengen en Europe centrale sera ouvert cet été ?

Difficile à dire pour l’instant, mais on a vu ces derniers jours des discussions s’ouvrir entre les différentes capitales de la région afin de permettre, entre autres, aux populations locales de partir en vacances cet été. La République tchèque a commencé à négocier avec la Croatie, qui est très dépendante du tourisme.

Si cela se confirme, on pourrait envisager une forme d’« alliance des pays largement épargnés par le coronavirus » qui pourraient rétablir la liberté de circulation entre eux. Cela ne donnerait pas forcément une très bonne image de l’Europe, sans compter que la France en serait très probablement exclue.

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Sonia : Comment se passe le déconfinement en Autriche ? Le gouvernement a-t-il communiqué de façon précise sur ses modalités ou rédigé des guides de bonnes pratiques ?

Le gouvernement autrichien organise jusqu’à plusieurs conférences de presse par jour afin d’évoquer tous les détails techniques pour organiser le déconfinement… C’est assez impressionnant.

Une employée des transports publics distribue des masques à la station de métro Szell-Kalman, à Budapest (Hongrie), le 27 avril.
Une employée des transports publics distribue des masques à la station de métro Szell-Kalman, à Budapest (Hongrie), le 27 avril. Zsolt Szigetvary / AP

Karajeorgevic : Quelle est la situation dans les pays de l’ex-Yougoslavie, dont on a peu parlé ? Il me semble que les Croates ont dû faire face à un séisme, en plus de la pandémie ?

La situation dans les Balkans a, au départ, été très inquiétante, avec plusieurs cas de contamination, souvent dus à des travailleurs revenant de l’Ouest. Et la Croatie a en effet dû, en outre, faire face à un séisme. La Serbie a pris des mesures d’une extrême fermeté pour confiner sa population, sur le modèle chinois ouvertement brandi en exemple par le président serbe. Mais on sent que, désormais, l’inquiétude économique l’emporte.

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Confinement vôtre : Qu’en est-il des personnes âgées et fragiles (de plus de 65 ans) en Europe centrale ?

C’est une inquiétude majeure dans la région, en raison, notamment, d’une population plus âgée qu’à l’Ouest. Plusieurs maisons de retraite ont été contaminées, ce qui a renforcé les inquiétudes. A mon avis, en plus de systèmes de santé plus fragiles, cela explique grandement pourquoi les populations locales ont largement approuvé les mesures de confinement strictes prises très tôt.

Iasi : Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est de la situation en Roumanie ?

La Roumanie est probablement le pays de la région qui a le plus peur du coronavirus. Personne ne fait confiance aux hôpitaux locaux et il y a une pénurie grave de personnels médicaux, dont beaucoup sont partis à l’Ouest. On a aussi signalé des contaminations dans des villages roms, importées de l’Ouest, comme en Slovaquie ou en Bulgarie.

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Malgré ces inquiétudes, la situation y est pour l’instant moins inquiétante qu’en Europe de l’Ouest. La peur du coronavirus a probablement dû aider à convaincre la population locale de respecter les mesures de confinement.

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Le Monde

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