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« Pas une de plus ! » C’est le cri lancé par des centaines Mexicaines qui ont défilé à travers le pays, samedi 15 février, en réaction au meurtre barbare d’Ingrid Escamilla, 25 ans, tuée et dépecée une semaine plus tôt dans la capitale. Par leur mobilisation, elles dénoncent aussi l’incurie des autorités dans un pays où, en moyenne, dix femmes sont assassinées chaque jour.
Au son des tambours, les manifestantes ont marché le visage souvent masqué par des cagoules noires ou des foulards verts. « On cache notre identité par peur des représailles », confie l’une des membres du collectif féministe No las olvidamos (« on ne les oublie pas »). Cette productrice culturelle de 36 ans se dit « encore sous le choc du meurtre sauvage d’Ingrid ».
Le corps de la jeune femme a été découvert le 9 février dans un appartement du nord de la capitale. La victime a été poignardée puis éventrée par son compagnon, un ingénieur de vingt et un ans son aîné. Ce dernier lui a ensuite arraché les organes, avant d’en jeter certains dans les toilettes. « Aucune femme n’est à l’abri ! », soupire Bereniza Gonzalez, 20 ans, qui brandit le portrait de sa cousine Brenda. « Elle a été tuée par son fiancé, mercredi 12 février, à Ecatepec dans la banlieue de Mexico », raconte-t-elle la gorge serrée. C’est l’un des derniers féminicides d’une liste morbide à rallonge : 3 825 femmes ont été tuées en 2019, un chiffre en hausse de 7 % en un an, selon les autorités. La plupart ont été assassinées par un proche. « On dort avec l’ennemi », soupire Bereniza Gonzalez.
« Apologie de la violence machiste »
A côté, Veronica, étudiante de 24 ans, arbore un maquillage qui couvre son visage et ses bras de faux hématomes. « Le cas d’Ingrid est emblématique de la crise que nous vivons toutes, raconte la jeune femme, venue déposer un bouquet de fleurs au pied de l’autel dressé en l’honneur de la victime devant le lieu du crime. Son corps a non seulement été mutilé par son bourreau mais les détails de cette barbarie ont été rendus publics, le lendemain, par des journaux. C’est de l’apologie de la violence machiste. » Les clichés du cadavre d’Ingrid Escamilla, pris probablement par des policiers ou des médecins légistes, ont été publiés en « une » de plusieurs tabloïds. La vidéo des confessions de son assassin, le torse taché de sang, a largement circulé sur les réseaux sociaux.
Si les manifestantes ont rendu hommage à la jeune femme dans le calme samedi à Mexico et dans sept autres Etats, elles avaient exprimé leur colère la veille devant le siège de La Prensa, dans le centre de la capitale. Trois véhicules appartenant au quotidien à sensation ont été saccagés puis incendiés face au refus du directeur du journal de présenter des excuses publiques. « L’intégrité de la victime a été violée, condamne Siomara, 23 ans, courtière en assurances. L’extrême violence machiste ne peut pas être un produit de consommation. Que représentent quelques vitres cassées face aux blessures provoquées par les violences de genre commises en toute impunité ? »
Six Mexicaines sur dix de plus de 15 ans ont subi des agressions physiques ou sexuelles, selon l’Institut national des statistiques (Inegi). Mais 88 % d’entre elles confient ne pas les avoir dénoncées auprès des autorités. « Ça ne sert à rien », juge Siomara en réajustant son bandeau vert, couleur du combat pour l’avortement, légal seulement à Mexico et dans l’Etat de Oaxaca (sud-ouest). La jeune femme, qui porte aussi le foulard violet, emblème des féministes, a fait elle-même les frais des failles de la justice : « J’ai échappé de justesse, l’année dernière, à une tentative d’enlèvement à la sortie d’une station de métro. Quand j’ai porté plainte, les policiers m’ont reproché de ne pas être accompagnée et de porter une tenue provocante. » Sa plainte est restée lettre morte.
« Mes amies me protègent, pas les policiers »
Les manifestantes se sont aussi rassemblées vendredi devant le Palais présidentiel pour exiger que le président, Andres Manuel Lopez Obrador, agisse contre le fléau des féminicides. « AMLO » ne les a pas reçues, mais a assuré qu’il ne faisait « pas la politique de l’autruche ». Quant à la ministre de l’intérieur, Olga Sanchez Cordero, elle a confirmé sur son compte Twitter que « l’agenda [des revendications] des femmes était une des priorités du gouvernement ». Elle a aussi promis des « sanctions contre les responsables de la diffusion » des images du crime d’Ingrid Escamilla, et une enquête a été ouverte. A Mexico, les autorités ont déposé un projet de loi au congrès local prévoyant des peines de huit à seize ans de prison pour la divulgation de scènes de féminicides.
Siomara reste sceptique. « C’est scandaleux de voir comment nos mortes passent au second plan pour le gouvernement », dit-elle. Les critiques contre le président de gauche se multiplient, les alertes contre les violences de genre émises dans 18 des 32 Etats mexicains n’ayant pas permis de contrer l’hécatombe. A Mexico, la mobilisation déclarée en novembre 2019 par la mairie prévoit la création d’un ministère public consacré aux féminicides. Depuis, aucun budget ni responsable n’ont encore été désignés.
« Mes amies me protègent, pas les policiers ! », scandaient samedi les manifestantes. Un slogan révélateur des défaillances des autorités, de l’ultraviolence machiste et des dérives médiatiques. Autant d’ingrédients d’un cocktail mortifère qui place le Mexique en tête des pays les plus meurtriers du continent américain pour les femmes.
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