La justice turque fait du mouvement de Gezi une « manipulation de l’étranger »

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L’homme d’affaires Osman Kavala et quinze personnalités de la société civile turque seront jugés le 24 juin pour avoir cherché à « renverser le gouvernement » lors des manifestations anti-Erdogan du printemps 2013. En filigrane, l’accusation évoque un « soutien étranger » et notamment européen.

Par Marie Jégo Publié aujourd’hui à 18h17

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Portrait de l’homme d’affaires emprisonné Osman Kavala, affiché à l’occasion d’une conférence de presse tenue par ses avocats le 31 octobre 2018.
Portrait de l’homme d’affaires emprisonné Osman Kavala, affiché à l’occasion d’une conférence de presse tenue par ses avocats le 31 octobre 2018. OZAN KOSE / AFP

Les autorités turques ont enfin annoncé, mardi 5 mars, que le procès de seize intellectuels turcs, dont l’homme d’affaires et mécène Osman Kavala, se tiendrait le 24 juin à Istanbul. Les audiences auront lieu au tribunal de la prison de haute sécurité de Silivri, à la périphérie d’Istanbul, où M. Kavala, 61 ans, est incarcéré depuis seize mois et demi. L’homme d’affaires est accusé d’avoir « tenté de renverser le gouvernement » lors des manifestations antigouvernementales de 2013, assimilées rétroactivement à une tentative de putsch.

A ses côtés comparaîtront l’avocat Can Atalay, l’architecte Mucella Yapici, l’urbaniste Tayfun Kahraman, la documentariste Cigdem Mater, le représentant de la fondation néerlandaise Bernard van Leer en Turquie, Yigit Aksakoglu, et sept autres personnes. Réfugiés en Europe, les artistes Mehmet Ali Alabora et Ayse Pinar Alabora, et le journaliste d’opposition Can Dundar seront jugés en leur absence.

La sévérité du procureur s’explique par le fait que tout le gouvernement de l’époque, s’est constitué partie civile.

La fine fleur de l’intelligentsia turque sera ainsi sur le banc des accusés dans ce qui s’annonce comme « le » procès de la décennie. Le procureur a requis la perpétuité. Sa sévérité s’explique par le fait que tout le gouvernement de l’époque, soit 27 personnes, s’est constitué partie civile. Le numéro un sur la liste des plaignants est l’ancien premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, aujourd’hui président.

Les crimes reprochés aux seize prévenus remontent au printemps 2013. A l’époque, 3 millions et demi de Turcs étaient descendus dans la rue pour protester contre l’autoritarisme de M. Erdogan et de son gouvernement. Parti de rien – un projet d’urbanisme contesté qui visait à couper des arbres dans le centre d’Istanbul –, les manifestations, appelées « mouvement de Gezi », se sont ensuite propagées au reste du pays pour devenir le premier grand mouvement de contestation du numéro un turc, du jamais-vu depuis son arrivée au pouvoir en 2002.

Le 15 juillet 2018, une foule commémore le deuxième anniversaire du coup d’Etat manqué de 2016, près du « Pont-des-martyrs-du-15-juillet », à Istanbul.
Le 15 juillet 2018, une foule commémore le deuxième anniversaire du coup d’Etat manqué de 2016, près du « Pont-des-martyrs-du-15-juillet », à Istanbul. OZAN KOSE / AFP

Les manifestations avaient été rapidement matées. Les procès intentés par la suite à certains des participants, accusés eux aussi à l’époque d’avoir tenté de renverser le gouvernement, avaient abouti à des relaxes. C’était en 2015, avant la tentative de putsch de juillet 2016 qui a fait basculer la Turquie, signataire de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’arbitraire, en matière judiciaire surtout.

Des accusations lourdes, des preuves dérisoires

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