La « Change Room » de l’artiste Baaraan Ijlal sonde les peurs des Indiens

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La jeune femme a créé un espace garantissant l’anonymat et invité ses compatriotes à y verbaliser et enregistrer leurs peurs, souvent refoulées. Le résultat donne à voir une Inde cachée derrière les non-dits et les tabous.

Par Julien Bouissou Publié aujourd’hui à 06h15

Temps de Lecture 2 min.

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La « Change Room » conçue par l’artiste indienne Baaraan Ijlal.
La « Change Room » conçue par l’artiste indienne Baaraan Ijlal.

Les visiteurs hésitent avant d’entrer dans la « Change Room » conçue par l’artiste Baaraan Ijlal. Il y fait sombre, et on se retrouve immédiatement enveloppé dans un épais nuage de fumée blanche. Seules des voix occupent la pièce, chacune pouvant être écoutée séparément grâce à un casque. Il y a celle d’un adolescent, d’une réfugiée afghane, d’un employé, d’une étudiante, d’un hijra (transgenre) ou encore d’une travailleuse du sexe, qui ont tous répondu à une même et seule question : « De quoi avez-vous peur ? »

L’artiste s’est servie de son enregistreur comme d’un sismographe pour sonder les angoisses, petites et grandes, qui parcourent le pays. Sa prouesse artistique donne à voir une Inde se cachant derrière les non-dits et les tabous, à l’approche des élections générales qui démarrent dans le pays le 11 avril. « A l’origine de ce projet, il y a la paranoïa que je sens autour de moi, cette peur et cette défiance de l’autre qui peuvent conduire à la violence verbale et physique, et, en même temps, la tendance croissante à se censurer à cause des intimidations en tout genre », explique Baaraan Ijlal.

Echo de la violence de la société

Les enregistrements durent de trois minutes à sept heures, et l’artiste ne relance les interlocuteurs que rarement. Beaucoup de peurs sont liées à la montée en puissance des extrémistes hindous, à la polarisation des communautés religieuses ou encore aux lynchages de musulmans dans le nord de l’Inde. L’un évoque le souvenir d’un corps carbonisé vu dans son enfance lors d’émeutes, une autre exprime sa crainte d’être attaqué par des extrémistes armés. S’y ajoutent les angoisses trop longtemps enfouies comme le harcèlement sexuel.

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Certains lui parlent parce qu’ils ont besoin d’être écoutés, d’autres parce qu’ils n’ont jamais pu encore dire certaines choses. Comme cette hijra rejetée par sa famille, qui, en commençant l’enregistrement, s’est mise à regarder le plafond et à parler comme si elle s’adressait à son père. Ou une étudiante venue de loin pour parler de son père qui l’avait enfermée toute une nuit, à l’âge de 8 ans, en la menaçant de l’électrocuter parce qu’elle affichait une trop grande promiscuité avec un enfant de son âge.

Dans un pays fracturé par les identités religieuses et par les castes, l’installation sonore favorise l’empathie. Ecouter une voix anonyme permet d’échapper aux préjugés : on ne prête pas attention à la couleur de peau, au nom de famille ou au style vestimentaire, qui sont souvent des indicateurs de la caste ou de la religion. Dans la « Change Room », l’identité ne transparaît qu’à travers la langue parlée – l’hindi ou l’anglais pour les plus éduqués –, l’accent ou le vocabulaire utilisé. La barrière sociale entre celui qui écoute et celui qui parle s’efface.

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