Kaïs Saïed, le candidat intégre ? – JeuneAfrique.com

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Kaïs Saïed, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle en Tunisie intrigue. Régulièrement décrit comme le candidat intègre, honnête et « propre », l’homme et son programme interrogent néanmoins nombre de tunisiens qui hésitent à voter pour lui au second tour. Ses promesses résisteront-elles à la réalité ?


« Il est correct, dès qu’il a annoncé sa candidature nous l’avons soutenu », explique Sofian Cheikh, entrepreneur de 37 ans à Sfax, deuxième ville du pays, où Kaïs Saïed a largement remporté le premier tour de l’élections présidentielle. «Ça se voit qu’il a des idées, c’est un professeur, pas un voleur », renchérit son ami Mohamed Loumi, 42 ans, également entrepreneur. « Avec Nabil Karoui (son rival au second tour), rien ne changerait », «  Tandis que Saïed lui veut reprendre l’argent des hommes d’affaires qui ont volé le pays et créer des projets avec  comme des écoles et des hôpitaux », enchaînent les deux hommes qui se sont mobilisés dans leur quartier pour le soutenir ces dernières semaines. 

Des propositions hors normes 

Le candidat arrivé en tête s’est positionné comme garant de l’esprit de la révolution. Au menu : lutte contre la corruption, justice et représentativité pour tous. « Je propose tout simplement une autre manière de voir et une autre organisation politico administrative, j’insiste sur les instruments juridiques en mesure de permettre au peuple de s’exprimer car les jeunes ont leur programme. Il faut que l’élu soit toujours responsable devant ses électeurs, et que celui qui a été marginalisé soit un acteur au niveau local puis régional », explique-t-il à Jeune Afrique après sa victoire du 15 septembre. 

C’est d’ailleurs aussi ce a qui séduit cet homme d’affaire, rencontré dans la ville de Sousse, jamais politisé et qui s’est fortement impliqué dans sa campagne : « Nous vivons un tournant, on parle de changer le système, car rien n’a changé depuis l’Indépendance, les grosses têtes de Ben Ali on laissé la place à leurs subordonnés corrompus, donc ce ne sera pas un grand mal si on risque cinq années de notre vie pour tester quelque chose d’autre », défend-t-il. 

Kaïs Saïed parle d’humain et de dignité et non d’intérêts. « Le problème n’est pas seulement national mais concerne l’humanité toute entière, oeuvrons ensemble à ce que les peuples et nations s’entraident pour un nouveau monde, et peut-être qu’un jour il y aura un citoyen du monde », va-t-il jusqu’à proférer. 

Mais pour les plus critiques, ses promesses risquent de rester lettre morte. Beaucoup le qualifient même d’ « utopiste », « idéaliste » voir d’ «  hors sol ». « Cela pourrait expliquer  le vote des jeunes en sa faveur, car eux même sont plus utopiques que leurs aînés, dans le contexte actuel, il ne leur reste désormais que le rêve », décrypte Fathi Rebika, sociologue du laboratoire Etat culture et mutation de société, de l’université de Sousse. « Le Mouvement des jeunes tunisiens qui le soutient par exemple, refuse le système, ce sont plutôt des anarchistes », souligne son collègue Zouheir Benjannet. 

Manque de ceinture politique 

Plébiscité pour sa promesse de refonte du système électoral, il expliquait ainsi concrètement sa méthode le 11 septembre dernier à Jeune Afrique : un projet présidentiel de réforme de la Constitution, pour établir un pouvoir qui partirait du local, via la création de conseils locaux dans chaque délégation [département]. Leurs membres seraient élus au scrutin uninominal et leur mandat révocable. L’un de leurs membres, tiré au sort, les représenterait au niveau régional. Les conseils régionaux éliraient ensuite leurs représentants au niveau central. Critiquant l’actuel mode de scrutin de listes, avec représentation proportionnelle au plus fort reste, il prône ainsi un parlement reflétant davantage les volontés locales.

« C’est presque un système soviet », commente Abdelfatah El Gardouri, candidat indépendant aux législatives de Sfax, homme de gauche et co-fondateur de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme. Lui n’a pas soutenu Kaïs Saïed et hésite encore pour le second tour. « Sa proposition pourrait avoir du bon, comme pour notre ville, capitale économique, qui a toujours été délaissée par le pouvoir central, poursuit-il, mais c’est idéaliste, je ne pense pas qu’il pourra le faire, la mafia va le bloquer, comme d’habitude ». 

Le dernier mot reviendra à l’Assemblée. Tout projet de loi présidentiel pour réformer la Constitution devra en effet être approuvé à la majorité des deux tiers. Or, en l’absence de parti et donc de députés, Kaïs Saïed pourrait peiner à obtenir des soutiens de l’hémicycle. D’autant plus q’un tel projet demanderait à la prochaine Assemblée élue de s’auto-dissoudre pour le mettre en place. Certains de ses partisans y sont déjà prêts, comme Habib Heli, candidat indépendant aux législatives pour Sfax : « Je me moque de dégager. Si on fait ça pour le peuple, j’accepterai de quitter mon siège ». Mais qu’en sera-t-il de ceux qui oeuvrent depuis des années au sein de partis ? Qu’ils l’appuient ou non au second tour. 

Son indépendance lui permettra de rassembler la classe politique, se projettent déjà à l’inverse ses partisans. «  Le fauteuil de président n’est pas vide, sa légitimité populaire lui permet d’influer sur le fonctionnement des institutions  », veut aussi croire Kaïs Saïed. Mais il assure déjà qu’il ne fera pas d’alliances et n’appellera pas au vote pour tel ou tel en vue des législatives, lui qui s’est toujours positionné contre  » le scrutin de la honte et des intrigues », citant Lamartine.

Or, sa neutralité pourrait à terme le paralyser. Et avec lui le pays tout entier, anticipent déjà des tunisiens. « Je n’ai pas peur, l’appuis viendra du peuple souverain », leur répond le candidat.



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JeuneAfrique

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