Justice : Dans les rouages de la justice avec le métier de Greffier

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Il apparaît aussi en robe noire dans les prétoires, une pile de dossiers sous le bras, mais ne prend pas la parole à l’audience. Essentiel au fonctionnement de la justice, au cœur de la mise en œuvre de ses réformes, le greffier en constitue un rouage discret et peu connu du grand public – ils sont 11 000 en France.

Ombre muette des magistrats lors des débats, ce technicien de la procédure, garant de l’authenticité des actes, est leur partenaire constant dans les coulisses. « Les magistrats sans nous ne sont rien, et nous sans les magistrats non plus », ont-ils coutume de dire. « C’est un métier intense où l’on ne s’ennuie jamais », souligne Anaïs Leconte, devenue directrice de greffe à Nanterre (Hauts-de-Seine) après trois ans au pôle crimes contre l’humanité du tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

Anaïs Leconte, directrice du greffe à Nanterre./LP/Jean-Baptiste Quentin
Anaïs Leconte, directrice du greffe à Nanterre./LP/Jean-Baptiste Quentin  

Un métier que la transformation numérique fait fortement évoluer : « Le rôle du greffier dans sa mission d’assistance au public s’est considérablement développé ces dernières années », explique le directeur des services judiciaires (DSJ) Peimane Ghaleh-Marzban. En ce sens, et pour renforcer les greffes dans les juridictions, le ministère de la Justice vient de lancer un nouveau concours, ouvert à des professionnels dotés de quatre ans d’expérience dans le domaine du droit. « En 2020, 900 greffiers seront recrutés, pour 284 créations nettes de postes », détaille le DSJ.

À l’instruction, «discret mais incontournable»

La porte est ouverte ; la plaque « instruction en cours » à l’envers : signes que l’entrée au cabinet d’instruction n° 10 du TGI de Nanterre est possible. À droite, le bureau du juge, où auditions et interrogatoires se tiennent. À gauche, resserré d’armoires pleines de dossiers, celui de son binôme, le greffier, souvent présenté à l’écran muet et quasi invisible au côté du magistrat, les doigts rivés sur un clavier…

Une image que Thomas, 31 ans, à ce poste depuis sa sortie de l’école nationale des greffes de Dijon il y a cinq ans, tient à nuancer : « On est un peu dans l’ombre mais l’interlocuteur privilégié de tous les tiers. À l’instruction, on est très sollicités : policiers, avocats, mis en examen, familles… Le greffier est discret, oui, mais incontournable », sourit-il.

Non loin de son ordinateur, un panneau de métal gris est vissé au mur : le « tableau détenus » et ses fiches colorées. Sur chacune : un nom et des dates -autant de délais contraints à respecter. Sur 86 dossiers criminels et correctionnels, Thomas gère une trentaine de « dossiers détenus » -toujours prioritaires « parce qu’une erreur de procédure peut avoir de graves conséquences », explique-t-il.

À ses débuts au cabinet n° 1, il y a deux ans, son collègue Pierrick se souvient de réveils nocturnes sur le mode : « Ah mince est-ce que j’ai bien fait ça ! » « Un oubli de saisine du JLD (NDLR : juge des libertés et de la détention) et le type sort », décrypte-t-il.

Comme Thomas à Rouen, Pierrick a découvert ce métier à Dijon durant ses études de droit, en allant assister à des audiences au tribunal. L’idée de « travailler pour la justice, un service public de l’Etat, et non pour enrichir un employeur privé » le séduisait. Le principe « d’une liberté de choix » des postes au fil de cette carrière de fonctionnaire et la possibilité de « changer de région » aussi.

À l’instruction, où tout se passe « sur le vif », « le rapport d’égal à égal avec le juge » lui plaît. Reste ce regret, exprimé par la plupart des greffiers rencontrés : « Vu la charge de travail, la dureté des dossiers, la peur de l’erreur, on mériterait d’être payés plus (NDLR : un greffier débutant touche 1700 euros net) ! »

Au JLD, «c’est 365 jours par an»

Autre étage, autre couloir sécurisé. Au JLD, l’antre des greffières, qui occupent un bureau commun où la moindre info se partage, résonne de coups de tampon. « Ça et les agrafes, c’est un peu notre drogue », rigolent-elles. Ce jour-là, Valérie, doyenne du quatuor par son expérience, gère la permanence pénale. Une tâche que l’équipe, chargée également des hospitalisations d’office, assure en relais trois jours par semaine. « JLD ou jamais là pour dîner, plaisantent-elles. Ici c’est 365 jours par an, ça ne s’arrête jamais. » Placements en détention, prolongations ou contrôles judiciaires : le service vit au rythme du flot des procédures où se joue la liberté.

Concentrée sur son écran, Valérie prépare un dossier avant une audience pour une demande de remise en liberté. Le mis en examen, en détention provisoire depuis un an dans une affaire de stupéfiants, a été extrait de prison pour les débats, qui se dérouleront dans une pièce voisine. Son avocate passe une tête ; dépose ses observations. Coup de fil du procureur : « M. X. est-il arrivé ? » Passage express du juge, qui s’empare du dossier. Valérie prépare les trames du procès-verbal d’audience – « ce qu’on note authentifie ce qui s’y passe »- et de l’ordonnance du magistrat. Ses coups de tampons parapheront chaque page des trois copies de la décision -en l’occurrence, il s’agira d’une prolongation.

Fonctionnaire de justice depuis vingt-neuf ans, Valérie est devenue greffière par concours interne il y a onze ans. Longtemps au parquet, elle est au JLD depuis sept mois, par choix. « Ce service en début de carrière, cela peut être un peu perturbant. Pour moi, c’était le bon moment. Se plonger dans les textes en permanence, c’est intéressant. Et on travaille en direct avec les magistrats. »

La charge de travail est lourde mais ses jeunes collègues Anaïs et Pauline, affectées là en sortie d’école, apprécient d’ainsi « rentrer dans le bain ». « Ici, c’est quelque chose de nouveau toutes les dix minutes », dit l’une. « On est parfois considérées comme des secrétaires ou des gratte-papier, enchaîne l’autre, alors que sans nous… »

Au référé civil, «pas de routine»

L’heure de l’audience du matin approche. Farrah Chaar, 34 ans, enfile sa robe. Sur son chariot, dans une boîte cartonnée, elle a placé tampon horodateur, surligneurs et stylos. Les dossiers ont déjà été emportés dans la salle par l’huissier. En poste au service des référés civils depuis cinq ans, la dynamique greffière ne se lasse pas. « Aux urgences du civil, il n’y a pas de routine. Les histoires de fuites d’eau, de désordres sur les bâtiments… C’est varié et très technique, il y a beaucoup de procédures, énormément d’avocats. Ça bouge beaucoup. »

« Affaire n° 19… » ou l’histoire d’une intervention dentaire litigieuse dans une clinique privée. Au pied de l’estrade, face à la présidente, se massent les avocats concernés. Farrah empoigne les jeux de conclusions, vérifie les signatures, note les noms des conseils, appose son tampon… Puis elle écoute et inscrit sur sa note d’audience : renvoi ou pas ; demandes d’expertises ; dates de délibérés… Tout va très vite. Et c’est vers elle que magistrate et avocats se tournent quand un doute procédural surgit : « Faudra-t-il que je réassigne de nouveau ? » interroge l’un. « Non, je ferai un avis », répond-elle du tac au tac.

Farrah Chaar, greffière au service des référés civils, a un Bac + 4 en droit./LP/Jean-Baptiste Quentin
Farrah Chaar, greffière au service des référés civils, a un Bac + 4 en droit./LP/Jean-Baptiste Quentin  

Bac + 4 en droit, fille d’un couple de fonctionnaires, Farrah Chaar a entendu parler du métier de greffier par la mère d’un ex. « Travailler dans un tribunal, servir la justice, me sentir utile : ça m’a parlé. »

Durant l’un des stages d’école, à l’instruction, la jeune femme a compris qu’elle ne voulait pas d’un poste au pénal : « J’ai vu des photos dans les dossiers… Je préfère me préserver. » Son service lui plaît tant qu’elle ne souhaite pas solliciter une mutation. Même si elle a vu sa tâche s’alourdir : un greffier en moins, plus d’audiences… « On aime notre métier, on l’a choisi et on exerce avec le sourire. Mais le ministère de la Justice est le parent pauvre. Il faut le dire : on manque de moyens. »

«Oppressée par les dossiers papiers»

Après quatre ans à l’exécution des peines à Créteil, Émilie Soulier, 28 ans, exerce depuis mars « à l’audiencement parquet » à Nanterre. Avec une collègue, elle gère les dossiers des 14e et 15e chambres correctionnelles : affaires « d’escroqueries, d’abus de confiance, de droit de la consommation… » Son rôle, comme celui des autres greffiers de cette ruche du 4e étage : « Préparer un dossier pour qu’il puisse être jugé ».

« Lors de réunions plusieurs fois par an avec le magistrat référent, le parquet, le président et le greffier de la chambre concernée, on prend le stock : des dates d’audience sont calées. À nous de citer prévenus, parties civiles, témoins ; de vérifier détentions, contrôles judiciaires, demandes d’extractions ou d’interprètes… »

Le bureau d’Émilie Soulier croule sous les dossiers./LP/Jean-Baptiste Quentin
Le bureau d’Émilie Soulier croule sous les dossiers./LP/Jean-Baptiste Quentin  

Émilie a fait du droit parce qu’elle « n’aimait pas les chiffres » et a passé avec succès « par hasard » le concours de greffier. « J’ai eu de la chance : j’aime ce métier ! Il a tant de facettes qu’avant d’en avoir fait le tour… » Elle trouve son poste actuel « un peu rébarbatif » et se sent « oppressée par les dossiers papiers » – « j’ai hâte de passer au tout numérique »-, mais elle sait qu’elle pourra en changer. Voire, comme d’autres, utiliser plus tard son expérience comme « passerelle ».

Elle montre son bureau, qui croule sous les piles de dossiers : « Quand je suis en partie en vacances, il n’y avait rien. Quand je suis rentrée, je ne voyais plus la couleur de la table… »

D’après le Parisien

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