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C’est l’histoire d’un exilé qui rentre chez lui par la grande porte. Le 12 mai, sur un canapé de la Cité de l’Union africaine (UA), résidence d’accueil des invités de la présidence congolaise, Jérôme Munyangi s’assoit timidement face à Félix Tshisekedi. Le chef de l’Etat a mis à sa disposition, quelques jours plus tôt, « un jet sécurisé » pour rentrer chez lui après dix mois passés en exil entre la Centrafrique et la France. « Le président de la République s’est montré très intéressé par nos travaux de recherche sur le paludisme et par nos projets sur le Covid-19 », raconte le médecin chercheur convié à l’issue de l’entretien à rejoindre la « task force » anti-coronavirus de la République démocratique du Congo (RDC).
En mars 2019, ce scientifique de 33 ans avait quitté précipitamment son pays, s’estimant « persécuté » pour avoir fait la promotion d’une tisane à base d’artémisia comme traitement contre le paludisme. En cherchant des solutions alternatives et locales, Jérôme Munyangi dérange « les millionnaires » qui prospèrent sur le trafic de faux médicaments : « Une mafia organisée qui arrive à détourner nos dirigeants (…). Pensez-vous qu’ils vont laisser tranquille un petit jeune qui dit qu’on peut soigner avec de la tisane ? » Deux arrestations musclées début 2019 après la diffusion du reportage Malaria business sur France 24 l’ont convaincu de s’exiler en France.
Sept ans de recherche
L’enfant du pays, désormais prodigue, ne s’attarde pas sur les raisons de sa réhabilitation, mais elles se comprennent aisément. Alors que le monde scientifique s’est lancé dans une course contre la montre pour trouver un vaccin ou un traitement contre le Covid-19, Jérôme Munyangi pourrait représenter une solution africaine à la pandémie. Et si l’antidote contre le mal qui sévit sur la planète naissait en République démocratique du Congo (RDC) grâce à une plante utilisée depuis des millénaires dans la médecine traditionnelle chinoise et africaine ? Jérôme Munyangi a déjà consacré sept ans de sa vie à l’artémisia.
Sa rencontre avec « la belle dame » date de 2014. Arrivé en France par le biais du programme de la Fondation Bettencourt après un diplôme de médecine à Kinshasa, l’étudiant en master de biologie à Paris fait la connaissance de Lucile Cornet-Vernet, une orthodontiste française, présidente de la Maison de l’artémisia qui promeut une « solution africaine au paludisme » par l’utilisation de la plante consommée en tisanes.
Ses premières expérimentations se font au laboratoire de biologie moléculaire du campus d’Orsay (université Paris-XI). En 2015, il quitte ses éprouvettes et décide de mener le premier essai clinique dans la province de Maniema, en RDC : 957 patients atteints du paludisme sont invités à boire des tisanes à base de la plante séchée. La revue Phytomédecine publie les résultats en décembre 2018 : les tisanes d’artémisia se sont montrées plus efficaces que les médicaments conventionnels contre le paludisme, les ACT, combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les conclusions suscitent de nombreuses réactions. La méthodologie utilisée pour mener l’essai est critiquée et plusieurs institutions scientifiques déconseillent l’administration en tisane, arguant qu’on ne peut pas contrôler les doses des principes actifs. « Nous avons été beaucoup critiqués mais, aujourd’hui, mes résultats sont des hypothèses de recherche. C’est ainsi que la science avance », se rassure Jérôme Munyangi.
L’ancien paria est devenu une personnalité choyée. Le 27 mai, accompagné du conseiller spécial de Félix Tshisekedi chargé de la « task force » de lutte contre le Covid-19, Roger Kamba, le jeune médecin traverse le fleuve Congo pour une mission officielle à Brazzaville où se trouve le siège régional de l’OMS. L’agence onusienne a assoupli sa position le 4 mai en évoquant la plante « comme l’un des traitements possibles contre le Covid-19 » et le jeune chercheur a été invité à discuter du « protocole artémisia » et de la collaboration de l’OMS sur les essais cliniques.
Financement participatif
Voyant une occasion d’accélérer son plaidoyer, la Maison de l’artémisia a lancé, depuis la France et avec le soutien de sportifs tels que les footballeurs Claude Makelele ou Blaise Matuidi, une opération de financement participatif pour pousser la recherche. La Fondation estime qu’il faut « 2 millions d’euros pour mener un essai clinique » à plus large échelle, qui serait piloté par le docteur Jérôme Munyangi avec d’autres équipes de recherche de pays africains constituant le réseau Artemisia for Africa.
« Jusque-là, aucun gouvernement ne voulait nous soutenir financièrement. La pandémie permettra peut-être de poursuivre avec des moyens notre travail sur la plante », espère Jérôme Munyangi. La cagnotte s’élevait le 18 juin à un peu plus de 14 000 euros. Trop peu pour démarrer un essai sérieux, mais assez pour parler d’un vrai début de mobilisation.
Et, depuis son retour à Kinshasa, le jeune médecin se démène : réunions, sessions de recherche en laboratoire, rencontres avec la presse… « Nous avons un protocole cohérent déjà prêt et on pourrait commencer rapidement un essai », s’impatiente-t-il. Il aura fallu une pandémie pour que ses études sur l’artémisia soient prises au sérieux.
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