Il y a trente ans à Montréal, le premier féminicide de masse

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Publié aujourd’hui à 14h20

« Les filles à gauche, les garçons à droite. » L’homme tire une première fois au plafond. Nathalie Provost n’a pas encore peur. « J’avais en tête tous les mythes “les femmes et les enfants d’abord”, je pensais plutôt à un guet-apens pour les gars. » Il est 17 h 10, ce 6 décembre 1989. La nuit tombe, la neige s’accroche sur les interminables marches qui grimpent jusqu’à l’École polytechnique de Montréal, perchée sur le mont Royal. Derniers cours de l’année avant les examens, puis ce sera les vacances de Noël. Bientôt, les étudiants chercheront leur premier job d’ingénieur pour construire routes, barrages et centrales du pays. On ne se bat pas encore pour dire « ingénieure », les filles sont si peu nombreuses dans l’école.

Au deuxième étage du bâtiment, dans la salle C-230.4, un homme vient d’entrer. Les deux mains agrippées à un fusil. Personne ne saisit qui est ce jeune homme au look de chasseur, casquette militaire sur la tête. Est-ce une mise en scène de fin d’année ? Une arme de pacotille ? Flottement. Le professeur lui demande de sortir. L’homme s’énerve : « Les filles, au fond de la classe ! Les gars, sortez ! » Nouveaux tirs de sommation. Un à un, les garçons et leurs deux professeurs quittent la pièce, lancent un regard à celles qu’ils laissent derrière eux. Certains ne se remettront jamais de cet abandon forcé.

« Je n’ai retrouvé la mémoire de ce moment de terreur qu’un an plus tard, par un rêve. » Nathalie Provost, blessée dans l’attentat

Il reste neuf filles dans un coin de la salle. Neuf filles sur cinquante étudiants. « Savez-vous pourquoi vous êtes-là ? », leur demande l’homme. « Non », ose l’une d’elles. « Vous êtes toutes des féministes et je hais les féministes », réplique-t-il. « On n’est pas des féministes », rétorque Nathalie Provost. Qu’a-t-elle encore le temps de lui dire ? « Mon cerveau a bloqué les sons, les images, les odeurs. Je n’ai retrouvé la mémoire de ce moment de terreur qu’un an plus tard, par un rêve… Alors, aujourd’hui, je ne sais plus très bien… »

Qu’importe, l’homme ne la laisse pas finir. Il tire. Rafales de bas en haut, puis de gauche à droite. Neuf corps qui virevoltent et tombent. Des femmes au peloton d’exécution. Six d’entre elles meurent sur le coup, quelques-unes leurs mains entrelacées. Nathalie Provost est encore capable de mimer la danse macabre qui agite son corps, son visage qui pivote vers le mur, « le temps de voir le regard d’une camarade qui meurt », son buste qui fait un tour complet sur lui-même, « c’est curieux comme le temps est court et long à la fois », ses jambes qui ploient. Trente ans plus tard, elle effleure pensivement les cicatrices laissées par les quatre balles qui l’ont atteinte.

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