« Il est tout à fait possible que certaines espèces soient perdues à jamais »

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La flore et la faune australiennes, qui comptent des espèces uniques au monde, ont été durement touchées par les incendies qui ravagent le pays depuis le mois de septembre. Si les pompiers ont annoncé, lundi 13 janvier, avoir réussi à maîtriser le plus important « mégafeu » du pays, hors de contrôle depuis presque trois mois, les scientifiques s’inquiètent des risques qui pèsent sur la biodiversité de l’île-continent. Pour David Phalen, professeur du département vétérinaire de l’université de Sydney et spécialiste de la biodiversité australienne, « l’Australie a malheureusement de très mauvaises statistiques en matière de préservation de la biodiversité ».

L’université de Sydney a publié, le 8 janvier, une étude parlant d’un milliard d’animaux affectés par les incendies dans le seul Etat de Nouvelle-Galles du Sud. Ce nombre vous paraît-il pertinent ?

Cela prendra beaucoup de temps pour connaître le véritable impact de ce feu sur la faune, mais il est évident que le bilan sera effectivement très lourd, et ce pour deux raisons. D’abord, il y a son intensité. Un feu aussi brûlant, qui détruit tous les arbres jusqu’au houppier [la partie haute du branchage], est beaucoup plus meurtrier pour les animaux qu’un feu qui ne brûle que la végétation basse de la forêt.

En outre, il y a son impressionnante étendue. L’incendie n’a pas progressé de petites zones en petites zones, mais a tout ravagé sur des zones très larges. Cela signifie que les animaux n’ont pas pu trouver de refuge. Dans certaines régions, il leur faudra plusieurs années pour retrouver un territoire épargné par le feu, d’autant que la sécheresse va rendre plus lente la régénération de la flore.

Y a-t-il des risques de voir des espèces animales endémiques disparaître ?

L’Australie a malheureusement de très mauvaises statistiques en matière de préservation de la biodiversité. Les espèces nuisibles introduites par l’homme, comme les renards, les souris, les rats et surtout les chats sauvages, ont déjà causé l’extinction de nombreux oiseaux, reptiles et mammifères. En outre, l’homme a fait beaucoup de mal à son environnement pour adapter les terrains à l’agriculture, l’industrie et l’implantation résidentielle. Cela a déjà conduit à une fragmentation de l’espace naturel. Ces incendies ajoutent une nouvelle pression sur des espèces animales qui luttaient déjà pour leur survie. Aujourd’hui, il est tout à fait possible que certaines espèces soient perdues à jamais.

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Quelles sont les espèces les plus vulnérables ?

Les plus grandes inquiétudes concernent les espèces dont le territoire de vie est très petit, et celles qui sont déjà menacées et dont le nombre d’individus est faible. C’est le cas notamment du cacatoès de Latham, de la grenouille Pseudophryne corroboree ou encore de l’opossum nain des montagnes. Certaines espèces ont pu perdre l’entièreté de leur milieu naturel, et cela peut compromettre définitivement leur survie.

En combien de temps une forêt peut-elle se régénérer ?

Cela dépend à la fois du type de forêt et de l’intensité du feu. Les forêts de Nouvelle-Galles du Sud ont évolué avec le feu, qui fait partie intégrante de leur cycle naturel. Les eucalyptus peuvent ainsi reprendre leur croissance épicormique, c’est-à-dire l’apparition de nouvelles branches et feuilles sur le tronc, en deux semaines. Les herbes et les fougères arborées peuvent aussi repartir quasiment immédiatement, à condition qu’il y ait de la pluie.

Certaines variétés d’arbustes, telles que le banksia, ont un fonctionnement encore plus impressionnant : les follicules renfermant leur graine ne s’ouvrent que lorsqu’ils sont stimulés par la chaleur d’un feu. Mais d’un point de vue général, plus le feu est étendu et important, plus le système mettra du temps à se régénérer. Il faudra donc au moins plusieurs années pour que la vie reprenne son cours, et l’intervention de l’homme sera parfois nécessaire pour retrouver l’état d’origine des forêts.

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Quelles sont les principales difficultés pour prendre en charge les animaux blessés par les flammes ?

Les brûlures sont des blessures terribles, qui requièrent des soins très agressifs et de longue durée, et qui doivent être pris en charge le plus vite possible. Au moment où un animal sauvage arrive devant un vétérinaire, ses tissus ont souvent brûlé depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Il est déjà faible, et sa peau brûlée est souvent infectée, ce qui réduit ses chances de survie. En général, un animal dont les brûlures s’étendent à plus de 25 % de son corps ne peut pas survivre. Un koala qui a les pieds ou les mains brûlés va de manière quasi certaine mourir de ses blessures. Cela explique pourquoi les vétérinaires sont obligés de procéder à de nombreuses euthanasies.

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Qu’est-ce qui doit être mis en place à court terme pour préserver la faune et la flore du pays ?

Etant donné la superficie si importante des zones brûlées et le fait que les feux sont toujours très actifs, on ne peut pas faire grand-chose pour l’heure. Des études montrent qu’il sera impossible d’arrêter les plus gros foyers sans des précipitations apportant au moins 200 millimètres de pluie. Cela pourrait ne pas arriver avant plusieurs mois.

Des initiatives existent toutefois. Certains koalas qui faisaient l’objet d’une étude ont été capturés préventivement et ont été placés dans le zoo de Taronga, à Sydney, en attendant de pouvoir être relâchés dans leur milieu naturel. Ailleurs, il y a eu des opérations de largage de nourriture pour que les animaux ne meurent pas de faim, faute de végétation ou de proies. Mais cela reste compliqué, car il faut trouver des aliments qui répondent aux besoins des espèces à assister en priorité. On a constaté, par exemple, que certaines personnes, pourtant bien intentionnées, avaient placé de la nourriture qui avait rendu malades les animaux. Il faut donc que toutes ces actions soient menées sous la houlette de spécialistes.

Les rangers du Willemi National Park organisent une action de largage de nourriture, le 10 janvier.
Les rangers du Willemi National Park organisent une action de largage de nourriture, le 10 janvier. NSW DPIE / via REUTERS

Et à moyen terme ?

Beaucoup de programmes pour aider faune et flore à reprendre vie après un incendie ont déjà été menés par le passé, et il faudra s’en inspirer dans les prochains mois. En 2009 par exemple, après les incendies destructeurs dans l’Etat de Victoria, au nord-est de Melbourne, un plan avait été mis en place pour aider le phalanger de Leadbeater, un petit mammifère dont le territoire de vie est inférieur à 5 000 km2. Des boîtes avaient notamment été mises en place pour leur permettre de nidifier, et de la nourriture adaptée avait été répartie sur le territoire. Dans le cas du galaxie barré, un petit poisson d’eau douce qui ne vit que dans la rivière Goulburn, c’est un scientifique qui avait réalisé d’importantes captures avant que le feu n’atteigne ce territoire et en a pris soin jusqu’à ce que leur environnement soit de nouveau vivable.

Pensez-vous que les autorités ont pris la mesure de la crise en termes de biodiversité ?

C’est encore trop tôt pour le dire. Pour l’heure, le gouvernement a promis de l’argent pour venir en aide à la faune pendant et après la crise. Mais combien précisément ? On ne sait pas encore, et on ne sait surtout pas si cela sera suffisant pour faire face à l’ampleur du défi qui nous attend dans les prochains mois et années, et que nous sommes encore loin d’imaginer.

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