Human Rights Watch dénonce une « persécution politique » contre Evo Morales en Bolivie

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L’ancien président bolivien Evo Morales, en février 2020 à Buenos Aires (Argentine) où il vit en exil.

Depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2019, la présidente autoproclamée de Bolivie par intérim, Jeanine Añez, semble déterminée à écarter définitivement Evo Morales de la vie politique du pays. « Sédition », « terrorisme », « financement du terrorisme » et même « génocide »… Les accusations contre l’ex-président se sont multipliées au cours de ces derniers mois.

Des dizaines de plaintes ont par ailleurs été déposées contre d’anciens fonctionnaires de l’administration Morales ou des sympathisants de son parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS), pour corruption, terrorisme, ou encore appartenance à une organisation criminelle.

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Depuis son exil en Argentine, Evo Morales dénonce une persécution politique. Il n’est pas le seul. L’organisation Human Rights Watch (HRW) publie ce vendredi 11 septembre un rapport intitulé « La justice comme une arme : persécution politique en Bolivie », dans lequel elle assure que la plupart de ces accusations « paraissent motivées par des intérêts politiques ». Le gouvernement de Mme Añez « a imposé des pressions publiques contre des procureurs et des juges pour qu’ils agissent selon ses intérêts », dénonce le texte.

Son auteur, César Munoz, chercheur auprès de la division Amériques de HRW, pointe des « preuves d’accusations infondées, des violations du processus pénal, des restrictions de la liberté d’expression et l’usage excessif et arbitraire de la détention préventive ».

« La chasse » aux « séditieux »

Dans son rapport, HRW commence par rappeler que « l’ingérence politique dans le système judiciaire est un problème qui existe depuis longtemps en Bolivie » et qui a été utilisée par Evo Morales lui-même à de nombreuses reprises : « Pendant ses presque quatorze ans au pouvoir, le parquet a présenté des accusations contre plusieurs de ses rivaux politiques dans des affaires qui paraissaient motivées par des raisons politiques. » Son gouvernement, assène le texte, « a fragilisé l’indépendance du système judiciaire en créant une situation qui a permis au gouvernement d’alors, et à celui d’Añez maintenant, d’utiliser de manière indue le système judiciaire à des fins politiques ».

Jeanine Añez, souligne l’ONG, « avait la possibilité de rompre avec le passé et de garantir l’indépendance judiciaire ». Elle ne l’a pas fait, regrette HRW, bien au contraire. Dès le début de son mandat, en novembre 2019, le ministre du gouvernement, Arturo Murillo, appelait à faire « la chasse » aux « séditieux » et demandait au procureur général de réaliser une « purge » au sein du parquet.

Une plainte déposée en juillet contre Evo Morales pour terrorisme, souligne le rapport de HRW, se fonde sur un seul appel téléphonique que l’ex-président aurait passé le 14 novembre 2019, quatre jours après sa démission forcée. Il y aurait exhorté un collaborateur à mobiliser les manifestants pour couper les accès aux villes et empêcher l’entrée de denrées alimentaires. Mais « les coupures de routes sont une forme de protestation courante en Bolivie et dans d’autres pays de la région », rappelle l’ONG.

Un partisan porte un drapeau représentant Evo Morales, en soutien au candidat du MAS Luis Arce, pour les élections présidentielles boliviennes d’octobre, jeudi 9 septembre 2020 à El Alto.

« La Bolivie a le droit de considérer qu’empêcher l’arrivée d’articles essentiels dans les villes est un délit et de le punir, mais ce n’est pas une action que l’on puisse qualifier de terrorisme », considère le rapport, qui estime que l’accusation contre l’ex-président ressemble « plutôt à une attaque politique contre Morales et ses partisans », alors que les élections présidentielles et générales doivent se tenir le 18 octobre.

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Régime répressif

Ce n’est pas le premier rapport d’une organisation internationale à dénoncer des persécutions judiciaires contre des opposants et des représentants du MAS par le gouvernement intérimaire. Au moins trois autres rapports publiés ces derniers mois ont fait le même constat : ceux de la Commission interaméricaine des droits humains en décembre 2019, du bureau des droits humains de l’Université de Harvard en juillet, d’Amnesty International à la mi-août et du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains fin août. Et plusieurs ont pointé le caractère répressif du régime de Jeanine Añez et les « graves violations des droits humains » commises sous son mandat.

Mais c’est la première fois que les persécutions judiciaires sont étudiées de manière aussi détaillées. « Nous avons eu accès aux 1 500 pages du dossier de plainte pour terrorisme contre Evo Morales », explique au Monde César Muñoz, qui s’est rendu en Bolivie en février et a réalisé environ 90 entretiens dans huit villes, y compris avec le ministre Murillo et avec des procureurs.

Le rapport donne, parmi d’autres exemples, celui de Patricia Hermosa, fondée de pouvoir d’Evo Morales et ex-cheffe de cabinet de son gouvernement. Elle a été accusée de terrorisme, de financement du terrorisme et de sédition sur la foi d’un seul contact téléphonique avec Evo Morales après sa démission. « Arrêtée le 31 janvier 2020 et détenue de manière préventive alors qu’elle était enceinte », elle a fait une fausse couche en prison en mars, dénonce le texte, qui pointe aussi des pressions contre des juges.

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Une plainte devant la CPI

Les poursuites judiciaires du gouvernement Añez contre la précédente administration ne se cantonnent pas au parquet bolivien : le 4 septembre, le procureur général du pays a déposé une plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Il assure que les membres du MAS et des « organisations complices » ont « adopté une politique » pour « attaquer la population bolivienne en coordonnant la mise en place d’un blocus ». Evo Morales est en effet considéré comme l’instigateur moral des blocages de routes, en août, qui auraient empêché l’acheminement d’oxygène dans les hôpitaux lors de manifestations contre le second report des élections décidé en raison de la pandémie de Covid-19.

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Selon La Paz, qui dénonce « un génocide » et des crimes contre l’humanité, l’opération aurait visé à « porter un coup aux habitants » et provoquer ainsi « une crise majeure » pour forcer « les autorités à prendre une décision » sur la date de l’élection présidentielle.

La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a annoncé mercredi, avoir ouvert un examen préliminaire à la suite de ce dépôt de plainte. Mais la décision ressemble plus à un accusé de réception qu’une validation de l’initiative de La Paz. En effet, le bureau du procureur ouvre automatiquement un examen préliminaire lorsqu’un des 123 Etats membres de la Cour lui renvoie des crimes présumés.

Dans les prochaines semaines, la procureure devra évaluer si les crimes relèvent de la compétence de cette Cour. La plainte, qui a tout l’aspect d’une énième instrumentalisation de la CPI contre des opposants, a peu de chance d’aboutir, les violences enregistrées au cours de l’été ne relevant pas de crimes contre l’humanité.

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