[ad_1]
En 2010, les autorités britanniques décrètent les eaux autour de l’archipel des Chagos zone marine protégée (contestée par Maurice). Ce qui rend la pêche dans ces eaux illégale mais pas que. Cette décision a aussi permis au Chagos Conservation Trust de mieux protéger les espèces sur les îles et en mer. Helen Pitman explique que le CCT est à l’origine de cette demande. Elle nous livre aussi les ambitions de l’organisation et son point de vue sur la question du retour des Chagossiens sur leur archipel.
Quel est le rôle du Chagos Conservation Trust (CCT) ?
Nous sommes une petite organisation à but non-lucratif, incorporée et enregistrée au Royaume-Uni. Nous avons pour mission de nous assurer que le cachet naturel de l’archipel des Chagos est conservé. Nous faisons des recherches historiques et scientifiques et des travaux de conservation. Nous nous efforçons d’attirer l’attention sur cet écosystème qui peut agir comme exemple en matière de conservation et de gestion des parcs marins dans le monde. Nous aidons aussi à préserver le stock de poissons de l’océan Indien et les refuges pour tortues, oiseaux marins et crabes, dont le nombre a grandement diminué dans d’autres régions.
Pouvez-vous donner une brève description des espèces qui se trouvent sur l’archipel ?
Il y a un grand nombre d’espèces intéressantes ! Les barrières de corail abritent plus de 300 espèces de coraux, particulièrement importantes pour les efforts de conservation en général. Parmi ces espèces, l’on retrouve le corail-cerveau dédale et le corail corne de cerf. Ils constituent un laboratoire naturel pour que les scientifiques comprennent comment vivent les coraux en bonne santé. Ils aident aussi à reconstituer l’écosystème corallien dans d’autres endroits de l’océan Indien.
L’archipel est aussi la demeure de plusieurs espèces d’oiseaux marins, avec plus de 175 000 paires d’oiseaux migrateurs chaque année. 18 différentes espèces d’oiseaux marins ont leurs nids sur les îles des Chagos. Restaurer et conserver leur habitat est un de nos rôles principaux.
Parmi les espèces les plus nobles qui y habitent, l’on retrouve le fou à pieds rouges. Ces oiseaux se démarquent par leurs pattes rouge vif. Leurs nids ont été trouvés sur les îlots, où ils peuvent pondre un oeuf chaque année et y vivre pendant plus de 20 ans. Il y a près de 800 espèces de poissons, incluant des espèces qui sont soumises à une surpêche ailleurs. Plusieurs espèces – incluant le poisson-clown endémique des Chagos – vivent près des côtes. Il y a aussi une importante population de poissons qui vit en pleine mer comme les raies manta, les requins, les thons et grands labres et des mérous, que l’on ne retrouve plus dans d’autres régions.
En trois points, quels sont les principaux défis auxquels le CCT doit faire face dans sa mission de préservation des espèces ?
Travailler dans le secteur de la préservation des espèces dans n’importe quelle partie du monde est difficile, surtout lorsque notre planète fait face à tant de menaces dont la perte des habitats naturels, le changement climatique et la pollution. Le CCT veut préserver l’archipel des Chagos, ce qui comporte de nombreux obstacles. Les trois principaux défis sont d’abord de travailler sur une partie aussi retirée que sont les Chagos. Cela nous coûte très cher d’y aller et c’est difficile de trouver le financement. D’autant plus que le public ne comprend pas toujours ce que nous faisons. Mais c’est notre travail de dépasser ces obstacles et de continuer à parler de l’importance de l’archipel des Chagos, de dire comment il contribue à l’avancement de la science et à la restauration de ce qui reste de l’océan Indien.
Comment auriez-vous décrit la contribution du CCT dans la protection des espèces ?
Le CCT existe depuis 1992. Une partie des tâches est réalisée par des volontaires. La plus grande réalisation du CCT a été de mener une campagne de sensibilisation autour des Chagos. Nous avions demandé à ce que l’archipel soit désigné comme zone marine protégée. Ce qui est effectif depuis 2010.
Cette désignation nous assure que les espèces de l’océan Indien telles que les tortues de mer, les oiseaux marins, les requins et les thons, aient un refuge pour vivre et se multiplier. Ce qui nous aide à préserver leur population, puisque dans d’autres régions du monde, leur nombre diminue.
Existe-t-il des espèces qui ont, malheureusement, disparu ou qui ne peuvent plus être vues sur les îles? Soit à cause du changement climatique, des espèces envahissantes ou de la pêche illégale ?
Hélas, beaucoup d’espèces ont vu diminuer leur population dans l’océan Indien. D’où l’importance des Chagos qui leur permettent de se multiplier. C’est le cas des crabes de cocotiers et des oiseaux marins. Ces populations vont, ensuite, faire grandir le nombre dans d’autres régions.
En 1998, puis en 2016 et 2017, nous avons vu l’impact du changement climatique, de manière violente, sur la barrière de corail des Chagos. Le corail-cerveau dédale avait été très affecté par le réchauffement des eaux. Ce qui a causé le blanchissement des coraux. Beaucoup de chercheurs étaient inquiets de les voir mourir. En 2018, la situation a tellement empiré et le nombre de coraux a tellement diminué que l’espèce est maintenant considérée comme étant morte écologiquement. Nous espérons que dans quelques années, nous verrons des signes de restauration, afin que nous puissions en voir sur les barrières des Chagos. Mais ce sera possible uniquement si nous nous préoccupons du changement climatique.
De plus, certaines espèces viennent de temps en temps dans la zone marine protégée. Elles sont aussi menacées. Le thon obèse est le thon qui a le plus de valeur commerciale et en raison d’une surpêche, il est sur la liste des espèces les plus vulnérables de l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN). L’organisation considère aussi la tortue verte comme étant en danger et la tortue imbriquée en danger critique.
La moitié des îles de l’archipel est envahie par des rats. Existe-t-il des solutions pour les éradiquer tout en protégeant les autres espèces ?
Les rats détruisent les populations d’oiseaux marins. La récente étude démontre que les rats diminuent les excréments d’oiseaux qui agissent comme fertilisants naturels pour les coraux. Pour protéger ces habitats délicats, les scientifiques veulent exterminer les rats.
Le CCT a tenté d’éradiquer les rats de l’île Vache Marine en 2014, pour voir s’il est possible de les enlever de toutes les îles affectées. Mais c’est une tâche plus difficile dans les environnements tropicaux, parce qu’il existe une abondance de nourriture qui permet aux rats de survivre et de se multiplier tout au long de l’année. L’exercice avait été un succès. Une autre visite sur l’île l’a confirmé. Il y avait davantage de végétation et d’oiseaux marins. À présent, nous voulons obtenir plus de financement pour faire la même campagne dans les autres îles affectées.
Le terme «Zone marine protégée» veut, par définition, dire que les eaux autour de l’archipel sont sécurisées. La base militaire de Diego Garcia nous indique que la pêche illégale n’est pas une menace. Comment expliquez-vous que cette activité soit toujours suggérée comme étant une menace pour les thons et les requins qui se trouvent dans la région ?
La zone protégée a mis un terme à l’activité de pêche légale dans la région. Mais la pêche illégale continue, elle, de faire des ravages chez les requins et les thons. C’est très difficile de détecter les petits bateaux de pêche, surtout lorsque les patrouilleurs ont pour mission de surveiller plus de la moitié d’un million de kilomètres d’océan ! Mais des technologies modernes sont utilisées pour tacler le problème et une amende qui peut atteindre les Rs 4 millions est imposée à ceux qui sont pris en délit de pêche illégale. Mais la richesse des eaux des Chagos, en comparaison avec d’autres régions, fait que l’archipel sera toujours convoité.
Qui sont ceux qui peuvent accéder à l’archipel ?
L’accès est restreint et il nous faut un permis de la British Indian Ocean Territory (BIOT) Administration avant d’effectuer le voyage. Toutes les demandes pour les expéditions scientifiques doivent être approuvées par l’administration de la BIOT et un permis est délivré.
C’est donc possible que la présence humaine sur les îles ait contribué à augmenter les risques d’invasion des espèces…
Le plus souvent une île est visitée par des humains, plus grandes sont les chances que les espèces invasives y soient introduites. Par exemple, les rats et les souris sont arrivés des bateaux et des avions et les plantes invasives peuvent arriver grâce aux chaussures et aux équipements transportés. C’est le cas partout. Pour réduire le risque de propagation des nuisances, des plans de biosécurité doivent être mis en place afin que l’écosystème soit protégé.
Dans une vidéo publiée sur le site du CCT, il est mentionné que l’organisation adopte une position «neutre» au sujet du dossier «hautement controversé» qu’est la dépopulation des Chagos. Dépopulation décidée par le Royaume-Uni entre 1960 et 1970. Prenez-vous en considération tous les récents développements, quelle est votre position actuelle ?
Le CCT est une organisation qui milite pour la conservation de l’archipel des Chagos et qui est dédiée à cette mission. Nous ne sommes pas une organisation lobbyiste ou politique. Nous travaillons avec tous ceux qui ont à coeur la même mission.
Nous nous efforcerons de travailler avec la communauté chagossienne, comme nous l’avons fait pendant des années, que ce soit sur le plan de la recherche ou celui de la conservation de cet archipel unique. Nous voulons continuer à le faire. La question de droit de retour est une question gouvernementale. Et nous espérons que toute décision sera prise basée sur les informations scientifiques qui sont disponibles. Nous croyons que tout retour sur l’archipel doit être soutenu et nous sommes disposés à travailler avec la communauté des Chagosiens à ce sujet.
[ad_2]
Source link