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GUILLAUME HERBAUT POUR “LE MONDE”
ReportageRéservé à nos abonnés
Voisins d’en face (1/2). A l’approche du Brexit, « Le Monde » a parcouru les régions côtières françaises et anglaises à la recherche de ce qui, depuis des siècles, rapproche ou éloigne les deux pays. Premier périple de ce côté-ci de la Manche, sur les côtes normandes.
Il n’y a là, au bord de cette plage déserte, ni musée ni mémorial. Aucune statue. Dans une Normandie pourtant championne de France de la mémoire, seule une humble « colonne commémorative » rongée par les vents salés fait face à l’horizon marin.
Cette colonne oubliée sur la plage d’Houlgate, ni les Français ni les Anglais ne viennent la visiter. Erigée « au souvenir du plus grand événement historique des annales normandes : le départ du duc Guillaume le Conquérant pour la conquête de l’Angleterre », elle marque, près de Dives-sur-Mer, le port du Calvados où une flotte de centaines de bateaux avait été rassemblée, le point d’embarquement du guerrier de Falaise prêt à devenir, au XIe siècle, le premier depuis les Romains, et le dernier à ce jour, à envahir l’Angleterre.
En ces temps de tentative de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), un voyage le long des côtes maritimes françaises et anglaises, à la recherche de ce qui rapproche ou éloigne les deux peuples, ne pouvait qu’être placé sous le double signe de Guillaume le Conquérant et du jour J. Deux batailles – Hastings en 1066, Normandie en 1944 – qui ont changé à jamais les destins de ces pays, et pour la seconde celui du monde.
Chacun de ces débarquements a son actualité. Du côté de 1066, l’annonce par le président Emmanuel Macron du prêt prochain par la France à l’Angleterre de La Tapisserie de Bayeux, l’inestimable broderie relatant la bataille d’Hastings, a été perçue comme un subtil coup diplomatique en prévision de la période post-Brexit et a d’ores et déjà un retentissement colossal auprès des Britanniques.
Du côté de 1944, la Normandie s’apprête à accueillir, le 6 juin, les commémorations du 75e anniversaire du jour J, en présence, comme tous les cinq ans, des chefs d’Etats et de gouvernements, mêlés peut-être pour la dernière fois à des vétérans. L’événement sera aussi marqué par la pose de la première pierre du futur mémorial de Ver-sur-Mer, où seront gravés les noms des 20 000 soldats d’outre-Manche tombés durant la bataille de Normandie.
Conflits incessants
A Bayeux, Antoine Verney, assis sous une carte des terres conquises par les Normands il y a près de mille ans, se réjouit de ces initiatives. « Nous sommes dans une relation profondément anglophile ici », prévient le directeur des musées de la cité normande, chargé à la fois de la tapisserie et du Musée de la bataille de Normandie. Le conservateur rappelle volontiers que Bayeux fut libérée dès le matin du 7 juin 1944 par les Britanniques « sans combats ni traumatisme », autrement dit sans être détruite par les bombardements aériens alliés, à la différence de presque toutes les villes de la région.
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