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Tribune. Les seize années du règne d’Angela Merkel ont été marquées par une transformation du monde à laquelle la chancelière allemande s’est adaptée au jour le jour, mettant en œuvre son exceptionnel talent pour recoller les morceaux après chacune des crises qui ont déferlé depuis son accession au pouvoir. Ce fut le cas de la crise financière des années 2010 consécutive à la débâcle des subprimes aux Etats-Unis, avec le sauvetage de la zone euro. Ce fut le cas, quoique d’une manière plus discutable (montée de l’AfD), avec la crise migratoire consécutive à la débâcle du « printemps arabe ». Ce fut encore le cas avec le Brexit et même avec la pandémie de Covid-19.
Autant de circonstances mettant à l’épreuve l’Union européenne, qui, à chaque fois, est sortie plutôt renforcée – du moins si l’on s’en tient à une vision court-termiste. En même temps, la chancelière a fait le dos rond face aux coups de boutoir de Donald Trump, restant fidèle à sa manière d’être : attendre, voir et faire les bons gestes le plus tard possible.
A-t-elle compris que l’élection de Trump en 2016 ne fut pas un accident de parcours mais le signe le plus visible à la fois d’une évolution profonde de la société américaine et celui d’un basculement du monde au profit de l’Asie, d’abord de la Chine ? Croit-elle qu’avec l’élection de Joe Biden on en reviendra au rassurant protectorat américain d’antan – au-delà de ses rites, comme la conférence annuelle de Munich sur la sécurité ? C’est maintenant aux candidats à sa succession que ces questions se posent et leurs réponses engageront, pour une large part, l’avenir de l’Europe et au-delà.
Redéfinir l’avenir de sa sécurité
Avec la crise financière de 2007-2008 et l’éclatement de la rivalité sino-américaine, le monde est véritablement entré dans le XXIe siècle. La doxa atlantiste du temps de la guerre froide est périmée, qu’on le veuille ou non. Les rapports de puissance de la géopolitique classique n’ont rien perdu de leur pertinence, mais la géoéconomie en a accru considérablement la complexité. Le combat contre le réchauffement climatique bouleverse les politiques énergétiques et soulève de nombreux défis technologiques. Les grandes puissances jouent de plus en plus avec l’arme des sanctions.
La tendance manifeste à la démondialisation est moins une réduction radicale de l’interdépendance qu’un combat sans merci en vue du contrôle de nœuds critiques liés à l’accès aux matières premières, aux produits stratégiques (comme les semi-conducteurs) et, plus généralement, aux chaînes d’approvisionnement.
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