Erin Kimmerle, exhumeuse de cadavres et d’injustices

0
114

[ad_1]

Le docteur Erin Kimmerle sur le site de l’excavation de la Dozier School for Boys, en Floride, en 2013, avec son collègue le docteur Greg Berg.
Le docteur Erin Kimmerle sur le site de l’excavation de la Dozier School for Boys, en Floride, en 2013, avec son collègue le docteur Greg Berg. Katy Hennig /USF Communications

Est-elle réelle ou déjà légendaire ? Passera-t-elle à la postérité pour ce qu’elle a fait, l’ignominie qu’elle a contribué à révéler, ou plutôt pour la fiction que cette histoire a inspirée, désormais installée au pinacle du roman américain contemporain. Lorsque nous avions rencontré l’anthropologue Erin Kimmerle, à Seattle, en février, elle venait y recevoir le Prix de la liberté et de la responsabilité scientifiques de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS). A l’occasion de son congrès annuel, la plus importante société savante du pays souhaitait récompenser sa découverte, quelques années auparavant, de plusieurs dizaines de tombes anonymes et non déclarées à la Dozier School for Boys, une maison de correction de l’Etat de Floride.

Lundi 4 mai, c’est pourtant dans la catégorie fiction que « l’école » a défrayé la chronique littéraire. L’auteur afro-américain Colson Whitehead a été honoré du prix Pulitzer de littérature pour son livre The Nickel Boys (éd. Doubleday, à paraître bientôt en français), récit librement inspiré de la terrifiante histoire de cet établissement pour garçons perdus. La scientifique y fait une apparition, dans le prologue, sous les traits du professeur Carmine. Mais ce sont bel et bien ses divers rapports, truffés de détails, et le travail opiniâtre accompli durant plusieurs années avec ses étudiants de l’Université de Floride du Sud (USF) qui ont fourni au romancier la matière brute de son récit.

Dans les charniers des Balkans

Avouons-le, nous avons cédé au cliché. Et peiné à déceler derrière la souriante femme blonde au regard azur et au jean destroy, assise dans un grand hôtel de Seattle, le « pitbull » de Dozier, celle qui pendant sept ans n’a rien lâché face à des administrations particulièrement récalcitrantes. Sans doute ses adversaires ont-ils eux aussi sous-estimé la combattante et sa voix fluette. De sa « gueule », ou plutôt de la terre et du passé qu’elle n’a cessé de creuser, sont pourtant sortis rien moins que cinquante-cinq cadavres. Cinquante-cinq jeunes garçons, noirs pour l’essentiel, auxquels elle a redonné sinon un nom, du moins un corps.

Les cadavres, Erin Kimmerle en avait déjà fait l’affaire de sa vie. Jeune diplômée, elle part dans les Balkans. En Bosnie, Croatie, Kosovo, elle exhume des charniers, s’opposant déjà aux pouvoirs locaux et aux réflexes claniques. De retour aux Etats-Unis, la fille du Minnesota, d’ascendance nordique – « une grand-mère libanaise, quand même » –, atterrit à l’USF. Policiers, procureurs ou légistes font appel à ses talents, notamment quand un cold case avive leur intérêt. « C’est incroyable le nombre d’homicides irrésolus dans ce pays, explique-t-elle. Et, dans certains cas, la science peut se révéler précieuse pour les résoudre, même quarante ans après. »

Il vous reste 66.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: