« Erdogan et la politique de l’histoire en Libye »

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan prononce un discours à Ankara, le jeudi 2 janvier.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan prononce un discours à Ankara, le jeudi 2 janvier. AP

Le président Erdogan déploie des forces en Libye. Comme en Syrie ? Pas exactement. La Turquie a voulu s’impliquer dans la crise syrienne autant qu’elle a été victime de sa géographie. Erdogan fait le choix de l’expansionnisme en Libye et en Méditerranée pour garder le pouvoir. La politique de l’histoire est au cœur de sa stratégie internationale. Pour justifier une présence militaire en Libye, il convoque le passé ottoman.

En réponse à la question posée par l’opposition : « Qu’avons-nous à faire en Libye ? », il développe une lecture présentialiste du passé : les Ottomans sont de retour ; ils étaient attendus. C’est un empire à reconstituer, au moins dans les espaces conquis par les sultans. Plusieurs arguments sont développés.

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Le premier argument est anticolonial. D’une part, la Turquie se lance en Libye pour lutter contre un « nouveau Sèvres ». Signé en 1920, ce traité avait réduit l’Empire ottoman à un Etat croupion. Ankara mobilise le complexe de Sèvres, ô combien fondateur de la Turquie moderne, pour organiser une riposte en légitime défense face à un complot des puissances coloniales roum et leurs alliés d’hier (Chypre, la Grèce) et d’aujourd’hui (Israël, l’Egypte de Al-Sissi et les Emirats arabes unis). En 1912, les provinces libyennes furent cédées à l’Italie par un traité à Lausanne. C’est aussi à Lausanne que fut signé, en 1923, le traité fixant les frontières actuelles de la Turquie. Le président turc joue sur les résonances entre les deux Lausanne.

Le second argument est néo-ottoman. La Libye fut ottomane. Pourtant, la Libye, ce n’est pas la Bosnie, l’Albanie ou la Macédoine, le cœur de l’Empire dès le XVsiècle. Les Ottomans ne contrôlèrent la Cyrénaïque et la Tripolitaine que sur ses côtes, et tardivement : seulement à partir du milieu du XVIsiècle. Peu de temps : en 1711, une dynastie semi-autonome, les Karamanli, s’imposa. En 1835, les Ottomans reprennent le contrôle de la région. Ils y implantent, difficilement, une administration territoriale, qui se heurte à l’hostilité des pouvoirs locaux et de la Sanûssiya, la plus redoutée des confréries musulmanes au Sahara. Il n’empêche, c’est une présence ancienne, non assimilatrice, respectueuse de l’islam nord-africain. Bref, les Turcs connaissent bien la Libye et respectent ses populations.

« Renaissance de la puissance turque »

Le troisième argument est celui de la « renaissance de la puissance turque ». Il légitime l’expansionnisme, en mobilisant la mémoire collective d’un déclin accéléré par la défaite en Libye. La nation s’est forgée dans le « traumatisme de la peau de chagrin ottomane », selon la formule de l’historien Stéphane Yerasimos. La guerre balkanique de 1912 marque la disparition d’une domination vieille de cinq siècles en Europe. Elle coïncide avec l’effacement de la présence ottomane en Afrique du Nord. C’est le début de la fin de l’Empire. C’est aussi le début de la nation turque en armes. Les deux histoires se lient en Libye et se prolongent dans les Balkans. Elles s’incarnent chacune en un homme et en un combattant.

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