« Entre le Liban et la Syrie, chacun ne fait qu’aggraver les problèmes de l’autre »

0
95

[ad_1]

Directrice de recherche émérite au CNRS, Elizabeth Picard est spécialiste du Liban et de la Syrie. Elle est notamment l’autrice de Liban-Syrie, intimes étrangers (Actes Sud, 2016).

Avec la crise financière au Liban, des restrictions drastiques frappent les retraits bancaires, et le dollar, jusqu’alors couramment utilisé, se fait rare. En quoi cette situation affecte-t-elle la Syrie ?

A partir de 2013, lorsque le conflit en Syrie s’est aggravé et internationalisé, de nombreux entrepreneurs syriens ont déplacé leurs activités et leurs avoirs bancaires au Liban, entraînant une nouvelle fuite de capitaux syriens vers les banques libanaises. Cet argent se retrouve aujourd’hui bloqué, tant pour les déposants et les entrepreneurs que pour les grands importateurs proches du régime. Dès lors, les sommes énormes nécessaires à l’importation de céréales, via les ports libanais de Beyrouth ou syrien de Lattaquié, sont inaccessibles. Cette situation contribue à étrangler le régime syrien, mais elle pèse aussi sur la population en détresse pour laquelle l’approvisionnement en blé est primordial.

Ce rôle de poumon financier pour la Syrie, tenu par Beyrouth, n’est pas nouveau…

A partir de la rupture de l’union douanière et monétaire entre les deux Etats, en 1950, le système bancaire syrien a commencé à s’atrophier. Dès 1960, des hommes d’affaires et des particuliers syriens se sont alors mis à placer leurs économies à Beyrouth, à y acheter des dollars ou obtenir des facilités de paiement. Au début des années 1970, un tiers des grandes banques libanaises étaient ainsi dirigées par des émigrés syriens qui avaient fui les politiques socialistes et de nationalisation dans leur pays. Dans les années 1990, un tiers des avoirs dans les banques libanaises appartenaient à des Syriens. Depuis l’arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad en 2000 et le processus de privatisation qu’il a impulsé, la Syrie n’a pas eu les moyens de développer les outils financiers nécessaires à une économie libérale. Beyrouth est donc resté une place indispensable.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Une spirale de violence menace d’enflammer le Liban

En quoi, à l’inverse, l’agonie de l’économie syrienne influe-t-elle sur le Liban ?

La paralysie des quelques entreprises qui ne sont pas détruites en Syrie et les entraves aux activités frauduleuses des hommes du régime constituent une perte incontestable pour les partenaires libanais, en premier lieu pour les banques. Dans la reconstruction du Liban entreprise par le premier ministre Rafic Hariri après la fin de la guerre civile [1975-1990], l’économie libanaise a été hyperfinanciarisée. Avec l’éclatement de la bulle spéculative et la fuite massive de capitaux vers des banques occidentales depuis septembre 2019 [et malgré l’interdiction des transferts à l’étranger à partir du mois d’octobre], des Libanais mais aussi des Syriens ont perdu leurs économies. L’argent généré par la corruption politique qui gangrène l’un et l’autre pays s’est aussi probablement évaporé. A ces problèmes, s’est ensuite ajoutée l’interruption de la circulation aux postes-frontières, depuis la mi-mars, au prétexte de la crise sanitaire liée au Covid-19.

Il vous reste 68.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: