Entre la Chine et les Etats-Unis, « c’est seulement une trêve commerciale qui a été signée, pas la paix »

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Le président des Etats-Unis, Donald Trump, s’exprime devant le vice-premier ministre chinois, Liu He (à gauche), avant la signature de la première phase de l’accord entre les deux pays, à la Maison Blanche, le 15 janvier.
Le président des Etats-Unis, Donald Trump, s’exprime devant le vice-premier ministre chinois, Liu He (à gauche), avant la signature de la première phase de l’accord entre les deux pays, à la Maison Blanche, le 15 janvier. MARK WILSON / AFP

Pour Sébastien Jean, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), l’accord sino-américain, signé mercredi 15 janvier, marque un tournant. Les échanges commerciaux, autrefois régis par des règles multilatérales, risquent de dépendre davantage des rapports de force entre Etats.

Donald Trump a-t-il obtenu gain de cause ?

Le déficit des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine va sans doute se réduire grâce aux engagements d’achat pris par Pékin. Mais va-t-il se réduire avec l’ensemble des partenaires ? Rien n’est moins sûr. D’abord parce que la question du déficit courant est un problème macroéconomique qui résulte d’un déséquilibre entre l’investissement et l’épargne. Ensuite, on peut très bien imaginer que les Etats-Unis exportent vers la Chine ce qu’ils exportaient ailleurs. Ce qui ressemblerait à un jeu à somme nulle.

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Il n’est même pas certain que les objectifs d’achat fixés par l’accord soient atteints. Avant le début de la guerre commerciale, en 2017, les Américains exportaient 24 milliards de dollars [21,5 milliards d’euros, au cours actuel] de produits agricoles vers la Chine. Dans le nouvel accord, il faudrait qu’ils en exportent 16 milliards de dollars de plus chaque année. Cela risque d’être difficile, d’autant plus que le soja est la première denrée agricole américaine exportée vers la Chine, où la demande a récemment diminué à cause des abattages massifs destinés à éviter la propagation de peste porcine.

L’accord comporte-t-il des avancées importantes ?

La plupart des droits de douane additionnels imposés par les Etats-Unis ces deux dernières années restent en place. Les subventions industrielles chinoises massives accusées de distorsion commerciale ne sont pas mentionnées dans l’accord. Or, ce texte ne favorise pas la réindustrialisation des Etats-Unis. Au contraire, certaines dispositions qui protègent mieux la propriété intellectuelle ou bloquent les transferts forcés de technologie encouragent les entreprises américaines à s’installer en Chine. Et la procédure d’appel prévue en cas de différend ne repose sur aucun socle institutionnel. Elle ne prévoit pas de tierce partie. Cet accord marque une désescalade des tensions entre les deux pays, mais ne règle pas grand-chose sur le fond.

En forçant la Chine à s’approvisionner auprès des Etats-Unis, cet accord va-t-il pénaliser d’autres partenaires, comme les Européens ?

C’est un sujet de préoccupation important et légitime pour tous les partenaires commerciaux de la Chine. Les exportations agricoles du Brésil, de l’Argentine et de l’Australie risquent d’être impactées, de même que celles de Corée du Sud, de Taïwan et du Japon dans le secteur électronique. En Europe, c’est surtout l’industrie lourde et aéronautique qui est la plus exposée. L’accord comporte aussi un article sur les appellations d’origine contrôlée, qui pourrait être utilisé pour inciter la Chine à limiter la portée des concessions qu’elle vient de faire à Bruxelles sur ce sujet. Cela laisse à penser que les Américains n’ont peut-être pas renoncé à exporter du champagne californien en Chine. Enfin, si Donald Trump veut à nouveau brandir la menace de guerre commerciale lors de sa campagne électorale, ne risque-t-il pas de se tourner cette fois-ci contre l’Europe ? Cette crainte n’est pas sans fondement.

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