« Entre idéalisme et scepticisme d’inhibition, il y a une voie pour l’Europe : celle d’un pragmatisme ambitieux »

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A deux mois de l’échéance du 26 mai, là où l’Europe se cherche un cap, nous en sommes à concevoir des stratégies visant à fragiliser l’adversaire plutôt qu’à construire des réponses, estime dans une tribune au « Monde » l’écrivain Jean-François Roseau.

Publié aujourd’hui à 14h39, mis à jour à 14h39 Temps de Lecture 6 min.

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« Que les uns se rassurent : les nations ont encore de beaux jours devant elles. Que les autres patientent : une Europe des nations est, à ce jour, la seule voie acceptable et la seule voie possible. » (Photo : devant le Parlement de Strasbourg, le 26 mars.)
« Que les uns se rassurent : les nations ont encore de beaux jours devant elles. Que les autres patientent : une Europe des nations est, à ce jour, la seule voie acceptable et la seule voie possible. » (Photo : devant le Parlement de Strasbourg, le 26 mars.) JEAN-FRANÇOIS BADIAS / AP

Tribune. L’Europe est prise entre deux feux. Mais ces feux ne sont pas ceux qu’on croit. Doit-on opposer les tenants d’une union plus étroite à ceux d’une coalition d’intérêts limités ? Exacerber l’antagonisme entre les défenseurs de la nation et les partisans d’une Europe fédérale ? Accréditer l’opposition entre souveraineté et prospérité comme s’il s’agissait de deux principes inconciliables ?

Ce sont là des débats essentiels, mais qui contournent la question à des fins trop souvent partisanes : nos nations, en effet, pèsent bien peu sur l’échiquier mondial et ont tissé entre elles des liens forts et pérennes qu’il serait vain de briser sans rien proposer en échange. Quant à l’ambition d’une Europe supranationale, elle n’est certainement pas pour aujourd’hui. Alors que les uns se rassurent : les nations ont encore de beaux jours devant elles. Que les autres patientent : une Europe des nations est, à ce jour, la seule voie acceptable et la seule voie possible.

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L’Europe, donc, est prise entre deux feux. D’un côté, le scepticisme : ceux qui ne voient rien d’elle en doutent légitimement. Ce sont les saints Thomas de l’Europe. De l’autre, l’idéalisme : les « gagnants de l’Europe » – comme on dit les « gagnants de la mondialisation » – s’empressent de célébrer « l’idée européenne » sans imaginer qu’elle ne soit pour d’autres qu’une lointaine abstraction. Il faut avoir voyagé pour comprendre les atouts de Schengen, étudié pour mesurer les avantages d’Erasmus, commercé pour percevoir les gains de la monnaie commune.

« Gilets » ou pas « gilets » ?

Mais qui peut dire, sans mauvaise foi, que chaque Européen a eu autant de chance ? Aux enfants de Pyrrhon, ce penseur grec dont l’histoire a retenu le nom comme père du scepticisme, il faut donner des preuves d’une Europe qui existe aussi pour eux. Aux héritiers de Platon, qui ont beau jeu d’encenser une idée, il faut peut-être dire que ce n’est pas corrompre l’Europe que d’attendre d’elle un visage et des actes. Si l’Europe est fragile, c’est qu’elle existe autrement qu’en idées, en chiffres et en concepts. Il est peut-être temps d’interroger nos dogmes.

Entre un idéalisme de béatitude et un scepticisme d’inhibition, il y a sans doute une voie : celle d’un pragmatisme ambitieux alliant la mise en œuvre d’un projet politique à la prise en compte de préoccupations pratiques. Pragmatisme ambitieux : mot creux, dira Pyrrhon qui réclamera des gages ; compromission, rétorquera Platon, fidèle à l’Europe des idées. Et l’un comme l’autre renoncera à l’action au nom du doute ou de l’absolu. Pourtant, ce pragmatisme, mis au service d’intérêts nationaux partagés, proposerait autre chose qu’un clivage périlleux, sinon artificiel, entre les forces du progrès et de la régression.

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