« En une décennie, le Brésil est passé du rêve à la dystopie »

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Directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (OPALC) de Sciences Po, Gaspard Estrada est politologue et s’intéresse particulièrement à la communication politique en Amérique latine.

Gaspard Estrada, en 2016.
Gaspard Estrada, en 2016. CAMILLE LEBOURGES

L’épidémie de coronavirus explose au Brésil. Le président Jair Bolsonaro, lui, nie la gravité de la crise et continue ses bains de foule, en rappelant qu’il est surnommé le « messie » sans pour autant « faire de miracle ». Comment en est-on arrivé là ?

Le Brésil vit un moment que l’on pourrait qualifier de dystopique. Alors que les problèmes s’accumulent sur les fronts sanitaire, économique, politique et sociétal, le gouvernement, totalement dépassé par les événements, paraît plus préoccupé de sa propre survie que de celle de ses concitoyens. Il est frappant de constater qu’une décennie auparavant ce pays semblait vivre un rêve : l’économie fonctionnait à plein régime, la pauvreté régressait, tout comme les inégalités. Considéré à l’époque comme le « champion des émergents » grâce au triptyque démocratie-croissance-prévisibilité, le Brésil semblait même destiné à occuper un rôle central dans les affaires de la planète.

Puis le rêve est devenu cauchemar. Les consensus politiques, économiques et sociaux ont volé en éclats. Si la destitution, fin 1992, de Fernando Collor de Mello [président depuis 1990] avait unifié le pays autour des acquis démocratiques, celle de Dilma Rousseff [présidente depuis 2011], en 2016, a mis à l’épreuve la démocratie brésilienne. Contrairement à ses prédécesseurs, M. Bolsonaro rejette ces normes du jeu démocratique, encourage la violence dans la rue ou sur les réseaux sociaux en adoptant la stratégie du déni face à la pandémie et en incitant ses soutiens à se radicaliser contre ceux qui ne partagent pas son avis.

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Quand, en pleine crise sanitaire, M. Bolsonaro dit « la Constitution, c’est moi », utilise-t-il le virus à ses propres fins ?

Absolument. Cette expression est symptomatique de sa conception du rôle de président : elle revient à dire que l’Etat lui appartient et qu’il peut l’utiliser à sa guise. Le respect de l’Etat de droit devient accessoire. C’est ainsi qu’il considère normal de soutenir la fermeture du Congrès et de la Cour suprême qui seraient de mèche avec l’opposition pour élaborer « un complot » contre lui. Dès lors, quoi de plus évident que d’intervenir de façon arbitraire dans la police et les services de renseignement, de mener une politique qui persécute les minorités, attaque les journalistes, censure la culture et tente de réduire au silence l’opposition ? Sans parler de sa politique étrangère, qualifiée de « diplomatie de la honte » par presque tous ceux qui ont officié comme ministres des affaires étrangères du Brésil depuis la fin de la dictature militaire [1964-1985].

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