En Ukraine, le délicat retour des vétérans à la vie civile

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Collections de couteaux militaires et d’armes à air comprimé appartenant à Igor Kameristiy (50 ans). Ancien combattant de l’armée ukrainienne sur le front du Donbass où il a combattu dés 2014. Il est aujourd’hui invalide de guerre de 2eme catégorie. Houliaipole. Ukraine.

GUILLAUME HERBAUT POUR “LE MONDE”

Par Benoît Vitkine

Quelque 350 000 hommes et femmes ont combattu ces dernières années dans le Donbass. Leur retour dans la société ukrainienne, qui les perçoit souvent comme une menace, ne se fait pas sans difficultés.

C’est donc cela, un chien de guerre. Un corps rempli de ferraille, des jurons de caserne, des placards garnis de bouteilles et de viseurs de haute précision… Vladimir Vlasenko coche toutes ces cases, auxquelles on peut ajouter une femme prête à fuir dès que s’annoncent un visiteur et le douloureux déballage des souvenirs. Vladimir Vlasenko, 55 ans, gueule cassée et main atrophiée, a surtout connu plusieurs champs de bataille. Ancien du conflit afghan (1979-1989), auquel il a participé côté soviétique, militaire en retraite, il pensait rester à l’écart de la guerre qui s’est abattue sur son nouveau pays, l’Ukraine, en 2014. Cultiver son potager et ne pas prêter attention aux rumeurs du conflit qui débutait à une centaine de kilomètres de sa ville d’Houliaïpole, dans cette région du Donbass sur laquelle fondaient les séparatistes prorusses et leurs parrains de Moscou.

Vladimir Vlasenko, 55 ans, militaire de carrière ukrainien, à Houliaïpole, le 17 mars 2019.
Vladimir Vlasenko, 55 ans, militaire de carrière ukrainien, à Houliaïpole, le 17 mars 2019. Guillaume Herbaut pour “Le Monde”

Vladimir a tenu jusqu’en 2016, lorsqu’il est reparti pour prendre la tête d’un groupe de snipers. « Je sais ce que c’est la guerre, lâche l’ancien combattant dans sa cuisine proprette, trop petite pour son corps sans cesse en mouvement. Une médaille, et à côté de ça, du sang, de la merde et de la boue. Mais tout ça me perturbait trop. Les Russes ont pris la Crimée, le Donbass, et ensuite quoi ? C’est chez moi que j’allais faire la guerre contre eux ? En Afghanistan, j’obéissais aux ordres, là j’ai choisi d’obéir à ma conscience. »

Ces mots, simples ou recherchés, ils ont été prononcés dans des dizaines de foyers d’Houliaïpole, ville typique de celles qui ont payé un lourd tribut à la guerre : rurale, pauvre, située en Ukraine centrale où l’on parle le patois sourjik, mélange de russe et d’ukrainien… De villes comme Houliaïpole sont partis nombre d’engagés volontaires ; celles-ci ont ensuite été le vivier des six vagues successives de mobilisation imposées par les autorités jusqu’en juin 2015 (depuis, seuls les contractuels volontaires partent au front).

Des jeux pour enfants dans un parc d’Houliaïpole en Ukraine,  le 17 mars 2019.
Des jeux pour enfants dans un parc d’Houliaïpole en Ukraine,  le 17 mars 2019. GUILLAUME HERBAUT POUR “LE MONDE”

Archétype d’ancien combattant

Depuis qu’il est revenu chez lui, après une blessure reçue en mai 2017 et neuf mois passés à l’hôpital, Vladimir Vlasenko n’a trouvé aucun travail. « Les employeurs ont peur, on est vus comme incontrôlables. » A vrai dire, on ne le lui dit pas, mais on comprend un peu ces employeurs effarouchés. La guerre suinte de chaque pore de sa peau, elle brille dans ses yeux qui ne cessent de fureter. Quand il évoque l’avenir, Vladimir confie : « Je sais que je ne mourrai pas dans mon lit ; ma seule peur c’est de savoir si j’arriverai à cacher ma famille, le jour où ce sera nécessaire, et à trouver une arme à temps. »

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