En Tunisie, l’inconnue du vote féminin

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Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à s’être inscrites sur les listes électorales en 2019, mais l’ampleur de leur participation demeure incertaine.

Par Lilia Blaise Publié aujourd’hui à 18h00

Temps de Lecture 4 min.

Des femmes passent devant les affiches des candidats à l’élection présidentielle du 15 septembre à Tunis, le 2 septembre 2019.
Des femmes passent devant les affiches des candidats à l’élection présidentielle du 15 septembre à Tunis, le 2 septembre 2019. Zoubeir Souissi / REUTERS

Se rendront-elles aux urnes ? La participation des femmes est l’un des enjeux de l’élection présidentielle en Tunisie, dimanche 15 septembre. Elles ont été plus nombreuses que les hommes à s’inscrire sur les registres électoraux en 2019 (54 % des nouveaux inscrits). En 2014, un million d’entre elles était allé voter pour l’ancien président Béji Caïd Essebsi qui avait su séduire l’électorat féminin. Mais si leurs voix peuvent contribuer à faire basculer le scrutin, les dernières démarches de sensibilisation sur le terrain témoignent d’un manque d’intérêt des femmes pour le vote. Notamment pour des questions pratiques.

Exemple à Rjim Maatoug, un village de plus de 4 000 habitants dans le sud de la Tunisie. Nejia Ben Mbarek, 35 ans, regrette d’être mal informée. « Avec la charge du foyer, nous avons moins le temps que les hommes pour réellement suivre les débats ou les programmes des candidats », précise-t-elle. Pour celles qui, comme elle, vivent loin d’un centre de vote, la question d’aller déposer un bulletin dans l’urne se pose très concrètement. « Certaines font du stop, d’autres du covoiturage, mais globalement ce n’est pas facile, surtout quand on a la sensation que les politiciens n’ont rien fait pour améliorer notre quotidien », ajoute Nejia.

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La problématique du transport est récurrente dans les régions isolées. Anouare Mnasrri, présidente de la Ligue des électrices tunisiennes, une association qui défend le droit des femmes en politique, a proposé à l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) une cartographie des zones les plus vulnérables et un partenariat avec le ministère du transport pour emmener les femmes le jour du vote. « Beaucoup de politiciens profitent de ce handicap pour proposer des bus ou des voitures. Du coup, les femmes se sentent obligées de voter pour le parti ou la personne qui leur a donné le moyen de le faire, décrit-elle. Nous aimerions changer cela. »

Seulement deux femmes candidates à la présidentielle

Selon une étude de la Ligue, près de 75 % des jeunes et des femmes ne souhaitaient pas voter en janvier 2019, et plus de 60 % des femmes rurales n’étaient pas au courant des élections municipales en 2018. A l’époque, l’ISIE avait reconnu que près de 300 000 femmes rurales n’étaient même pas inscrites sur les listes électorales car elles ne disposaient pas de cartes d’identité nationale.

Outre le sentiment d’exclusion et la marginalisation géographique, le manque de représentation demeure un autre obstacle au vote. Seules deux femmes figurent parmi les vingt-six candidats à la présidentielle. Elles représentent 14 % des têtes de listes pour les législatives mais seulement 5 % au sein des listes même. Aux élections municipales de 2018, l’obligation de parité absolue avait permis la présence de 47 % de femmes dans les conseils municipaux. Mais, pour les législatives, l’impératif paritaire est plus souple.

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« Si on laisse le pouvoir d’appréciation aux partis politiques, on a toujours une mentalité stéréotypée qui reprend le dessus », commente Anouare Mnasrri. Cette année pour les législatives, la circonscription de Tataouine dans le sud tunisien est la moins bonne élève avec aucune femme en tête de liste. « La loi est finalement toujours moteur de changement pour imposer le respect du droit des femmes », ajoute Mme Mnasrri. Au sein des partis, elles sont nombreuses à dénoncer la violence politique ou le manque de prérogatives. Et même celles qui ont accédé à des postes importants ont dû s’imposer.

« Violence verbale ou psychologique »

Hella Ben Youssef Ouerdani, 46 ans, vice-présidente du parti tunisien Ettakatol et tête de liste pour les législatives, s’est engagée depuis la révolution pour accéder à des postes de décision dans son parti. « Il ne suffit pas d’avoir des femmes têtes de listes ou des femmes dans les conseils municipaux, les femmes doivent aussi être partie prenante des décisions. On le voit dans le classement du dernier Forum de Davos où la Tunisie est à la 119e place sur 142 en termes d’égalité hommes-femmes, même si elle est première dans le monde arabe », précise-t-elle.

« On subit forcément de la violence verbale ou psychologique quand on fait de la politique. Nous avançons en introduisant des quotas minimums dans les partis par exemple, mais il n’y a pas encore un engagement naturel en politique pour les femmes », ajoute-t-elle. En réponse à cette problématique et à la demande de la société civile, l’ISIE a introduit la sanction envers la violence politique dans la loi électorale et la violence de genre dans le contrôle et l’observation des élections. Les contrôleurs de l’Instance devront, par exemple, signaler dans leurs procès-verbaux si les affiches des candidates femmes sont plus déchirées que celles des hommes, et les propos violents envers les candidates.

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Si l’électorat féminin semble plus partagé qu’en 2014, l’une des deux candidates semble susciter un intérêt accru. Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre et ancienne membre du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, joue sur l’héritage bourguibiste et la défense du droit des femmes. Un meeting de précampagne à Tunis, dédié aux femmes, a attiré des militantes et des curieuses de différentes classes sociales et générations. Pour autant, en matière de droits des femmes, Abir Moussi reste ambivalente. La candidate anti-Ennahda a plusieurs fois affirmé être contre le projet de loi sur l’égalité dans l’héritage dans sa forme actuelle, présenté au Parlement par Béji Caïd Essebssi en février. « Même si, à titre personnel, je suis pour l’égalité » a-t-elle déclaré.

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