En Suède, les dreadlocks d’une ministre défrisent la chronique

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Amanda Lind, qui détient le portefeuille de la culture, est critiquée pour son CV de militante… et sa coiffure rasta. D’aucuns parlent même d’appropriation culturelle.

Par Anne-Françoise Hivert Publié aujourd’hui à 14h39

Temps de Lecture 3 min.

Amanda Lind lors de la réunion du nouveau gouvernement à Stockholm, le 21 janvier.
Amanda Lind lors de la réunion du nouveau gouvernement à Stockholm, le 21 janvier. DanaPress/Crystal Pictures

Quatre mois et demi que les Suédois attendaient la formation d’un gouvernement, depuis les législatives du 9 septembre 2018. Quatre mois et demi de tractations et d’incertitude, sous la menace d’élections anticipées. Et au bout du compte : on prend les mêmes et on recommence. A une exception près, avec la nomination d’une nouvelle ministre de la culture et de la démocratie, Amanda Lind, 38 ans, secrétaire du MP, Parti de l’environnement-Les Verts, depuis 2016. Et, surtout, la première ministre suédoise à porter des dreadlocks.

Pas d’une personnalité culturelle

Il n’en fallait pas plus pour embraser la Toile, même si, sur la photo officielle du gouvernement Löfven II, du nom du premier ministre social-démocrate, la
psychologue, élue municipale de Härnösand, à 400 kilomètres au nord de Stockholm, a sagement noué son imposante chevelure blonde en un chignon, enveloppé dans une écharpe noire. Peu importe : aux côtés des vieux routiers de la politique, aux coupes de cheveux disciplinés, la tignasse d’Amanda Lind détonne.

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C’est sur son CV, toutefois, que les critiques se sont d’abord concentrées : celui d’une militante, amatrice de jeux de rôle et de bande dessinée – pas d’une personnalité culturelle. De quoi hérisser le poil des intellectuels stockholmois. On lui reproche aussi l’hommage rendu aux ex-ministres de son parti, dont Mehmet Kaplan, responsable du logement et du développement urbain, forcé à la démission, en avril 2016, après avoir comparé les Israéliens aux nazis et s’être affiché avec des ultranationalistes turcs.

Amanda Lind s’est expliquée. Les collègues de sa ville de Härnösand, toutes tendances politiques confondues, ont fait l’éloge de ses compétences et de son engagement. Visiblement décidé à jouer cartes sur table, l’édile a même avoué avoir fumé du cannabis quand elle était jeune… Une offense sérieuse en Suède.

« Sauf qu’en tant que ministre on ne se représente pas soi-même. Mais la Suède. Et je ne pense pas qu’on puisse avoir une telle coiffure. » Rebecca Weidmo Uvel, polémiste de droite

Mais, au bout du compte, c’est son look de rastafari qui ne passe pas. Sur Twitter, la polémiste de droite Rebecca Weidmo Uvell a été une des premières à réagir, assurant ne pas avoir pour habitude de commenter le physique des gens. « Sauf qu’en tant que ministre on ne se représente pas soi-même. Mais la Suède. Notamment dans un contexte international. Et je ne pense pas qu’on puisse avoir une telle coiffure. »

Depuis, la discussion a pris un nouveau tournant. Avec ses dreadlocks, Amanda Lind est accusée d’appropriation culturelle. Dans une tribune du journal Aftonbladet, Nisrit Ghebil, une jeune artiste et communicante noire, a interpellé la ministre insinuant qu’une femme blanche, en position de pouvoir qui plus est, ne « doit pas porter une coiffure afro-américaine », surtout quand de jeunes Noirs, aux Etats-Unis par exemple, continuent d’être expulsés de leurs écoles pour être venus avec la même coupe.

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Outre-Atlantique, le débat n’est pas nouveau. En mars 2016, un étudiant blanc de l’université de San Francisco avait été pris à partie par une jeune femme afro-américaine qui exigeait qu’il se coupe les cheveux. Filmée, l’altercation a été visionnée plus de 4,5 millions de fois. Quelques semaines plus tard, le Canadien Justin Bieber, avec ses dreads blond platine, relançait la polémique. A Montréal, mi-janvier, un humoriste blanc a été, lui, banni de la scène d’un bar en raison de ses dreads, jugées racistes. Invitée de la matinale sur la radio P3, Amanda Lind a dû se justifier. Oui, la nouvelle ministre estime que l’appropriation culturelle est « un sujet de discussion important ». Non, elle n’a pas l’intention de se couper les cheveux, qu’elle porte ainsi depuis une vingtaine d’années. Mais elle espère « se montrer respectueuse, même à l’égard de ceux qui pensent que c’est une erreur ».

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Une tempête dans un verre d’eau ? Le sujet, en tout cas, inspire les chroniqueurs en Suède. Dans le grand quotidien Dagens Nyheter, Erik Helmerson s’offusque que la discussion autour de la coiffure de la ministre puisse être jugée « pertinente ». Pour son collègue du journal Aftonbladet, « la coiffure d’Amanda Lind n’est pas du vol. Tout au plus du recel. »

Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale)



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