En Russie, censure des manuels scolaires qui ne « créent pas de fierté pour la patrie »

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Entre 2014 et 2018, la liste des ouvrages pouvant être achetés par les établissements scolaires russes a été réduite de 71 %, au profit essentiellement d’une maison d’édition détenue par un proche du chef du Kremlin.

Par Isabelle Mandraud Publié aujourd’hui à 04h58

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LETTRE DE MOSCOU

Le Kremlin garde la main mise sur ce que la jeune génération apprend sur les bancs des écoles russes, en censurant les manuels scolaires.
Le Kremlin garde la main mise sur ce que la jeune génération apprend sur les bancs des écoles russes, en censurant les manuels scolaires. ALEXEI NIKOLSKY / AP

La colère a saisi Igor Lipsits, professeur émérite à l’Ecole des hautes études économiques à Moscou. Le manuel qu’il a rédigé pour les élèves de 1re et terminale vient d’être retiré de la liste fédérale des livres scolaires, les seuls pouvant être achetés par les établissements, au motif que les questions soulevées et les exemples fournis dans l’ouvrage « ne contribuent pas à donner l’amour du pays ». Page 60 par exemple : l’évocation des files d’attente dans l’ex-URSS « ne crée pas de fierté pour la patrie ». Une hérésie aux yeux des censeurs.

Il y en a d’autres. Ainsi, page 256, la mention d’une étude en Ouganda sur l’épidémie de VIH « ne correspond pas à l’âge, et nuit à la santé mentale et au développement de l’enfant ». Et que dire de l’absence de référence à la « percée » économique contemporaine promise par le pouvoir ? Du manque d’intérêt pour le développement du « made in Russia » qui a pris le relais des produits importés, placés sous embargo en représailles aux sanctions ? Les experts de l’Académie d’éducation qui dépend du ministère et s’occupe de pédagogie, ont tranché. Retiré de la liste.

Après un tel couperet, la maison d’édition Vita-Presse a tenté de sauver le manuel en enjoignant à l’auteur d’apporter quelques modifications : établir une « présentation plus correcte de la situation économique actuelle » ; « exclure un certain nombre de sujets de discussions pouvant amener à un débat négatif et non constructif… » ; ajouter des informations « sur la percée économique » et faire valoir « le remplacement des importations comme l’une des orientations économiques modernes susceptibles de susciter chez les étudiants un sentiment de fierté ».

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Hélas, a répondu Igor Lipsits, cité le 6 février par le journal Kommersant, « je n’y arriverai pas, j’ai oublié comment écrire de telles choses depuis vingt-cinq ans et je n’ai pas envie de réduire mes compétences à du verbiage ». En colère, donc, il précise qu’il n’a aucune intention d’ajouter « des paroles joyeuses sur l’élan de l’économie et l’impulsion patriotique en faveur du remplacement d’importations ». Tant pis pour les canons du patriotisme érigé en mère-vertu par le Kremlin.

Le manuel Lipsits a-t-il été la cible d’un excès de zèle ? Il est loin d’être le seul, affirme au Monde Boris Grozovski, chroniqueur économique et spécialiste d’éducation, qui évoque « un nettoyage progressif des dernières zones de liberté dans les écoles » et tient en réserve toute une liste d’autres manuels cloués au pilori. « L’assaut, explique-t-il, a commencé au milieu des années 2000, puis il est devenu de plus en plus clair que l’Etat obligerait les enseignants à exposer l’histoire dans un sens favorable au régime actuel. »

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