« En matière de gouvernance, les entreprises chinoises ont choisi l’absence de droit »

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Dans une tribune au « Monde », la juriste Isabelle Feng observe que si la responsabilité sociale des multinationales occidentales est devenue un sujet, celle de leurs concurrentes chinoises n’intéresse guère.

Publié aujourd’hui à 14h04 Temps de Lecture 4 min.

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Tribune. L’image de Jack Ma, le fondateur du géant chinois du e-commerce Alibaba, s’est trouvée récemment ternie en Chine même. Dans un communiqué adressé aux salariés de son groupe, il a déclaré le 11 avril que c’était « une chance énorme » de pouvoir travailler dans une entreprise qui pratique le « 996 », c’est-à-dire de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours sur 7. C’est l’horaire de travail en vigueur dans les entreprises de la big tech chinoise, où les heures supplémentaires sont rarement rémunérées, puisque « effectuées avec passion », selon Jack Ma.

Ces propos ont soulevé un tollé en Chine, surtout parmi les jeunes. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se sont multipliés sur les conditions de travail difficiles chez Huawei, Tencent ou JD. com. Bien que certains essaient de dédouaner Jack Ma en le mettant dans le même panier que le fondateur de SpaceX et Tesla, Elon Musk, un « workaholic » se vantant de travailler cent vingt heures par semaine, la différence est de taille : qu’un entrepreneur travaille jour et nuit pour sa propre entreprise est une chose, mais demander à ses employés d’en faire autant en est une autre.

L’excentrique PDG d’Alibaba a même franchi une ligne rouge juridique, car même dans un pays où les syndicats libres sont interdits, le code du travail prévoit que la durée légale de travail hebdomadaire ne doit pas dépasser quarante-quatre heures. Cependant, mis à part quelques articles de la presse officielle protestant contre les horaires surchargés aux dépens de la santé, les autorités ont jugé inutile de s’attarder sur le sujet. Après tout, pour paraphraser la célèbre métaphore de Deng Xiaoping (« Qu’importe qu’un chat soit blanc ou noir s’il attrape la souris »), peu importe que ses salariés travaillent huit heures ou douze heures par jour pourvu qu’Alibaba rapporte des bénéfices et porte l’étendard d’une Chine triomphante de la mondialisation. Le « 996 » du communiste Ma semble un lointain écho de l’économiste ultralibéral Milton Friedman, pour qui « la seule responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître son profit ».

La grande indulgence de l’Occident

Quand le Rana Plaza s’est effondré en 2013 à Dacca, les multinationales européennes et américaines ont été pointées du doigt pour la mort de milliers d’ouvriers bangladais qui y travaillaient, bien qu’elles n’étaient pas juridiquement responsables. Pour améliorer leur image, et surtout se conformer aux législations toujours plus strictes de leurs pays d’origine, ces multinationales se sont motivées à exercer leur « devoir de diligence » envers leurs fournisseurs dans les pays en voie de développement, surtout en matière environnementale et de droit de travail. Aujourd’hui, Apple tient à imposer son « code de conduite » dans ses usines chinoises, et les conditions de travail des ouvriers s’y sont indéniablement améliorées.

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