En Lituanie, de l’autre côté du rideau de fer

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La journaliste et opposante biélorusse Olga Pauk, à Vilnius, le 26 mai.

En bordure de forêt, sur les grilles surmontées de barbelés et de caméras qui entourent le poste-frontière de Salcininkai, au sud de la Lituanie, vingt portraits, jeudi 27 mai, sont accrochés à la hâte. Vingt visages souriants parmi lesquels se dessine celui de Roman Protassevitch. Arrêté à Minsk après le détournement, quatre jours plus tôt, d’un avion commercial reliant Athènes à Vilnius, il est le dernier à avoir rejoint la cohorte des journalistes emprisonnés de l’autre côté, en Biélorussie. Organisée par l’ONG Reporters sans frontières (RSF), l’exposition éphémère a attiré deux gardes-frontières biélorusses qui longent ostensiblement, avec un chien, ce que chacun nomme ici le nouveau rideau de fer.

Lire le portrait de Roman Protassevitch : « Mon nom est sur la même liste que les gars de Daech »

L’ancienne république soviétique dirigée depuis 1994 par Alexandre Loukachenko est quasi coupée du reste du monde. Depuis l’affaire Protassevitch, l’Union européenne (UE) a interdit son espace aérien aux avions biélorusses et les compagnies aériennes européennes ont suspendu leurs vols. La voie terrestre, fermée depuis des mois à l’initiative de Minsk au prétexte de la pandémie de Covid-19, n’est plus accessible, au compte-goutte, qu’aux camions de marchandise, visibles à la sortie du village de Salcininkai.

« Maintenant, nos familles sont prisonnières », se tourmente Hanna Rusinava, correspondante en Lituanie de Belsat TV, une chaîne biélorusse indépendante basée en Pologne dont deux journalistes, à Minsk, ont été lourdement condamnées à deux ans de prison.

« Les Biélorusses n’ont plus, désormais, la possibilité de fuir s’ils veulent échapper au régime », s’inquiète Svetlana Tsikhanovskaïa. Elle-même exilée à Vilnius, la capitale lituanienne, la chef de file de l’opposition biélorusse, ex-candidate à l’élection présidentielle d’août 2020 privée de sa victoire, ne conteste pas la mesure prise par l’UE mais plaide pour « des évacuations d’urgence », un « corridor humanitaire », pour les opposants et les journalistes traqués sans répit par le pouvoir à Minsk. « La situation se détériore », insiste-t-elle, installée dans ses bureaux au sommet d’une tour. « Vingt-neuf journalistes et douze blogueurs sont aujourd’hui en prison. La dernière youtubeuse en liberté, Olga Takachouk, a été arrêtée la semaine dernière », affirme son conseiller Franak Viacorka.

2 142 Biélorusses accueillis en Lituanie

En neuf mois, après les grandes manifestations de protestation en Biélorussie contre la réélection forcée d’Alexandre Loukachenko, la Lituanie a accueilli 2 142 Biélorusses avec un visa humanitaire d’un an, dont 812 « permissions », une procédure allégée, selon les chiffres arrêtés au 27 mai fournis par le ministère de l’intérieur. A cela s’ajoutent « plus de 2 000 visas pour business » qui seraient également « factuellement humanitaires ».

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