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Les soutiens du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est de la Libye, ont frappé fort, à la veille d’un sommet international à Berlin censé relancer le processus de paix dans ce pays déchiré par la guerre civile. Samedi 18 janvier au matin, ses forces ont bloqué les principaux terminaux pétroliers du pays, pour paralyser économiquement le Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU à Tripoli.
Les pro-Haftar ont justifié leur action de blocage des ports de Brega, Ras Lanouf, Al-Sedra et Al-Hariga, expliquant qu’il s’agit d’un signe de protestation visant l’intervention turque dans le pays. Ils affirment en effet que les revenus pétroliers distribués par le GNA servent à payer des combattants venus de l’extérieur, notamment d’Ankara.
« Une logique de chantage »
L’arrêt des exportations d’or noir, qui représentent quasiment l’unique source de revenu pour les Libyens, est un acte lourd de conséquences pour le pays. Dans un communiqué, la Compagnie nationale de pétrole (NOC) a fait état de l’arrêt des exportations dans les ports dits du « croissant pétrolier », précisant que ce blocage provoquera la chute de la production du pays de 1,3 million barils par jour à 500 000. Le manque à gagner est évalué à 55 millions de dollars (49, 59 millions d’euros) par jour, selon la compagnie.
Le maréchal Haftar, qui mène depuis avril 2019 une offensive pour s’emparer de la capitale, est attendu dimanche à la conférence internationale sur la Libye organisée à l’initiative de l’ONU, de même que son rival Fayez al-Sarraj, chef du GNA. « Sarraj et Haftar seront à Berlin », a confirmé le ministre des affaires étrangères allemand , Heiko Maas, au quotidien Bild.
Pour Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye, le blocage pétrolier entre dans « une logique de chantage. Elle peut marcher. Mais il y a aussi le risque que Washington réagisse mal », prévient-il. « L’administration Trump est très opposée aux blocages des exportations du pétrole libyen », qui conduiraient à une hausse du prix du brut, a-t-il dit.
Risque d’internationalisation
Dans une interview à l’Agence France-Presse samedi à Berlin, l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, n’a pas exclu non plus des motivations politiques avant la réunion de Berlin, qui rassemblera la plupart des pays impliqués dans le conflit en Libye. « Son timing est – disons-le – un peu louche », a noté M. Salamé :
« Notre ligne est claire à l’ONU. Il ne faut pas jouer avec le pétrole parce que c’est le gagne-pain des Libyens. Sans pétrole, les Libyens meurent de faim ».
M. Salamé a en outre exhorté les autres pays à « cesser » leurs ingérences en Libye, où se mêlent appétits énergétiques pour les importantes réserves en pétrole que détient le pays, rivalités politiques et jeux d’influence. Ce point figure au centre du sommet de Berlin.
Entre l’arrivée sur le terrain de militaires turcs, la présence soupçonnée de mercenaires russes et l’afflux continu d’armes livrées par plusieurs Etats, la communauté internationale craint de voir le conflit en Libye dégénérer en « nouvelle Syrie » et de s’internationaliser davantage.
« Toute ingérence étrangère peut avoir un effet “aspirine” à court terme », a dit M. Salamé samedi à Berlin dans une allusion notamment au cessez-le-feu entré en vigueur le 12 janvier en Libye, à l’initiative de Moscou et d’Ankara. Le sommet de dimanche aura aussi l’objectif de « consolider le cessez-le-feu » encore fragile, avec un embargo sur les livraisons d’armes. « La conférence peut être un premier pas pour la paix en Libye », a dit le chef de la diplomatie allemande samedi.
Pression d’Ankara
Les deux camps rivaux en Libye observent depuis dimanche dernier une trêve, à l’initiative de Moscou et Ankara. Mais ils s’accusent mutuellement de « violations ». Malgré leurs intérêts divergents, la Russie et la Turquie se sont imposées durant ces dernières semaines comme des acteurs clé en Libye, au grand dam de l’Europe.
Samedi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui sera dimanche à Berlin, a de nouveau accentué la pression samedi, mettant en garde contre une résurgence des groupes djihadistes si le GNA venait à être renversé. « L’Europe fera face à une nouvelle série de problèmes et de menaces en cas de chute du gouvernement légitime libyen », a écrit M. Erdogan sur le site internet Politico.
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