En Italie, des alliances de raison dans un climat de guerre de tranchées

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Giuseppe Conte, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, à l’issue d’une conférence de presse, au temps de la coalition gouvernementale, le 15 octobre 2018.
Giuseppe Conte, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, à l’issue d’une conférence de presse, au temps de la coalition gouvernementale, le 15 octobre 2018. FILIPPO MONTEFORTE / AFP

Les sénateurs italiens sont priés d’interrompre leurs vacances. Lundi 12 août après-midi, lors d’une réunion au Sénat des chefs de groupes parlementaires, une étrange alliance s’est créée : Le Parti démocrate (PD, centre-gauche), le Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste anti-système) et le petit parti de gauche Libres et Egaux ont opté pour que la date du 20 août soit retenue afin que soit débattue la motion de défiance visant le président du conseil Giuseppe Conte (M5S). Face à eux, la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, Forza Italia (droite) et Fratelli d’Italia (extrême droite) ont plaidé en vain pour la date du 14, conforme à la volonté du ministre de l’intérieur de ne pas perdre de temps.

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Mais parce que la date du 20 n’a pas été votée à l’unanimité, la présidente du Sénat Elisabetta Casellati (Forza Italia) a tranché : les deux dates seront proposées aux élus ce mardi à 18 heures. L’établissement d’un calendrier dans la crise actuelle italienne est devenu autant un casse-tête qu’un lieu de batailles politiques.

Les réactions des chefs de groupe ont d’ailleurs donné un bon indice de la tension actuelle. Le chef des sénateurs du PD, Andrea Marcucci a dénoncé « un spectacle indigne et un passage en force gravissime » de la présidente du Sénat, arguant qu’une partie de ses troupes ne pourra revenir à temps dans la capitale, tandis que Massimiliano Romeo, le patron des sénateurs de la Ligue a tonné contre « une perte de temps » pour que certains « s’accrochent à leur fauteuil ».

La classe politique italienne est à cran dans cette période d’incertitude. Cette « crise de Ferragosto » (de la mi-août) a quelque chose d’irréel, à l’heure où, en cette semaine de l’Assomption, l’Italie tout entière est à la plage. Et nombreux sont les Italiens interdits devant ces parlementaires contraints d’abandonner leur parasol pour revenir en toute hâte dans la fournaise de Rome, plancher sur le destin de leur pays. « Il y a peu de précédents de ce type de crise à cette période dans l’histoire de notre République », relève Leonardo Bianchi, professeur de droit constitutionnel à l’université de Florence. Preuve du caractère tout à fait inédit de cette séquence politique, l’Italie n’a d’ailleurs pas connu d’élections à l’automne depuis… 1919.

Renzi « au centre du jeu politique »

Dans cette période de recomposition accélérée des forces politiques, deux fronts se sont donc dessinés ces dernières heures, suscitant des hypothèses que personne n’imaginait la semaine passée encore. La plus baroque d’entre elles est sans aucun doute cette alliance entre le PD et le Mouvement 5 étoiles, portée par l’ancien président du conseil Matteo Renzi.

Il y a encore dix jours pourtant, le ton était pourtant peu amène entre la formation de Luigi Di Maio et le PD. Le vice-président du conseil avait qualifié la formation de centre-gauche de « parti de Bibbiano », du nom de cette commune d’Emilie-Romagne théâtre d’une sordide affaire d’abus sexuels sur des mineurs retirés à leurs parents, et dans laquelle ont trempé des élus PD.

Cette proposition d’alliance de Matteo Renzi a reçu une fin de non-recevoir du secrétaire général du parti Nicola Zingaretti. La fracture est profonde entre l’ancien secrétaire général du PD et son successeur. Selon M. Zingaretti, un hypothétique gouvernement PD-M5S serait un cadeau fait à Matteo Salvini et laisserait « un espace immense » à l’extrême droite. Sa ligne est celle d’un retour rapide aux urnes, avec la conviction d’être armé pour une véritable bataille politique avec la Ligue.

« Renzi a peur de perdre son fauteuil », a raillé, lundi, Matteo Salvini, conscient des divisions de ses opposants. Le chef de file de la Ligue n’a sans doute pas tort. La majorité des parlementaires du PD à la chambre comme au Sénat ont été adoubés par l’ancien président du conseil. Le courant Renzi se verrait donc balayé du parlement en cas de nouvelles élections. A la tête du parti depuis mars, M. Zingaretti choisirait des élus en rupture avec le courant « renziste », plus libéral et moins marqué à gauche.

« Cette crise a fait revenir Matteo Renzi au centre du jeu politique », analyse Massimiliano Panarari, professeur à l’université Luiss de Rome. Selon ce spécialiste de la communication politique, la main tendue de l’ancien maire de Florence au M5S pourrait être un ballon d’essai pour créer une future formation centriste. Mais Renzi a dilapidé une grande partie de son capital politique et son nouveau parti serait crédité seulement de 2 à 3 % des votes selon M. Panarari.

Journée d’intenses tractations politiques

Pour le Mouvement 5 étoiles, l’équation est plus simple : il s’agit de faire jouer le temps institutionnel pendant quelques semaines ou quelques mois encore.

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Au sein du mouvement fondé par Beppe Grillo, « il y a à la fois la volonté de Di Maio de garder un rôle politique et une exigence des parlementaires de prolonger leur présence » poursuit M. Panarari. Avec 216 députés et 107 sénateurs élus en mars 2018, le mouvement populiste est nettement majoritaire aux chambres, représentant un tiers des parlementaires italiens. En cas d’élections anticipées, ce chiffre serait réduit de moitié selon les projections des instituts de sondage. Le parti risque progressivement d’être rayé de la carte politique du pays.

L’autre inconnue reste les choix à venir de Matteo Salvini. Lui qui demandait jeudi dernier « les pleins pouvoirs » aux Italiens doit désormais composer avec la droite. Si les scores de Forza Italia ont fondu lors des derniers scrutins (seulement 8,7 % aux européennes), il tient une cinquantaine de sièges au Sénat. Le leader de la Ligue a compris le poids d’une alliance avec Silvio Berlusconi dont il a capté de nombreux électeurs depuis l’an dernier, et qui reste malgré tout populaire dans les milieux d’affaires et la bourgeoisie du Nord. Reste que cette alliance aura du mal à résister aux turbulences sur le dossier européen. En tapant sur l’Europe, M. Salvini se présente comme un rempart contre l’axe franco-allemand et les technocrates tandis que M. Berlusconi a fait son grand retour au Parlement européen en juillet dernier.

Matteo Salvini profite d’un bain de foule lors de sa « tournée des plages italiennes », à Policoro, le 10 août.
Matteo Salvini profite d’un bain de foule lors de sa « tournée des plages italiennes », à Policoro, le 10 août. ALBERTO PIZZOLI / AFP

Ce mardi sera encore une journée d’intenses tractations politiques à Rome, suivies de loin par le président Sergio Mattarella qui pour l’heure garde le silence. Le chef de l’Etat ne s’exprimera qu’après le vote de la motion de défiance et, selon la Constitution, devra étudier toutes possibilités d’alliance pouvant déboucher sur un gouvernement avant d’éventuellement convoquer des élections. M. Mattarella dont l’autorité et le sens de l’Etat arrivent à réconcilier toute la classe politique dans ce climat de guerre de tranchées.

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