En Inde, Narendra Modi pris à partie après l’exclusion de 2 millions de citoyens

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Des habitants vérifient que leur nom est présent sur le registre national de citoyenneté indien, à Pabhokati (Assam), le 31 août.
Des habitants vérifient que leur nom est présent sur le registre national de citoyenneté indien, à Pabhokati (Assam), le 31 août. Anupam Nath / AP

L’opération devait avoir valeur d’exemple pour le gouvernement de Narendra Modi, qui rêve de faire de l’Inde une nation exclusivement hindoue, faisant fi du sécularisme inscrit dans la Constitution depuis l’indépendance en 1947. Elle suscite une vaste controverse, car le recensement dans l’Assam, Etat du nord-est frontalier du Bangladesh, a abouti, samedi 31 août, à priver de citoyenneté près de 2 millions d’habitants.

Pendant quatre ans, sous la supervision de la Cour suprême, les autorités locales ont mené un vaste recensement de la population (33 millions d’habitants), dans le but de chasser les immigrés entrés en Inde pour fuir la guerre ou trouver des conditions de vie meilleures après l’indépendance du Bangladesh voisin (en 1971), pays à 90 % musulman. Les habitants de l’Assam ont dû produire la preuve de leur antériorité sur le sol indien – un travail difficile et aléatoire de rassemblement de documents très anciens (certificats de naissance, titre de propriété, etc.) – pour voir leur nom apparaître sur le registre national des citoyens (NRC).

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La proportion précise de musulmans et d’hindous déchus de la citoyenneté indienne n’est pas connue. Mais pour les représentants locaux du parti du premier ministre Modi, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), il s’agit d’un échec : ils espéraient voir deux fois plus de personnes exclues, principalement des musulmans. Ils estiment que le registre a intégré des immigrés bangladais illégaux qui ont falsifié des preuves et a exclu, à l’inverse, des « Indiens authentiques ». « Nous n’avons pas confiance dans ce NRC. Nous sommes très mécontents », a déclaré Ranjeet Kumar Dass, président du BJP dans l’Assam, à l’agence Press Trust of India.

Une opération « bâclée »

« De nombreuses personnes munies de faux certificats ont été inscrites » dans le registre « alors que des Indiens authentiques en ont été exclus », s’est-il emporté. Le ministre des finances de l’Assam, Himanta Biswa Sarma, affirme que « les noms de nombreux citoyens hindous qui ont émigré du Bangladesh en tant que réfugiés avant 1971 n’ont pas été inclus dans le NRC, parce que les autorités ont refusé d’accepter leurs certificats. Mais beaucoup d’autres noms ont été inclus par manipulation de données ». Le chef du gouvernement de l’Assam, Sarbananda Sonowal (BJP), assure quant à lui que les « citoyens authentiques » de l’Etat qui ne figurent pas dans le NRC recevront toute l’aide possible au cours des quatre prochains mois pour faire appel.

Les critiques émanent également d’autres partis. Prashant Kishor, vice-président du Janata Dal, une formation de l’Etat du Bihar qui a fait alliance avec le BJP, parle d’une opération « bâclée » qui « laisse des milliers de personnes étrangères dans leur propre pays ». Quant à la chef de l’exécutif du Bengale-Occidental – limitrophe de l’Assam et du Bangladesh –, Mamata Banerjee (All India Trinamool Congress, une formation transfuge du Parti du Congrès), elle demande au gouvernement Modi de « veiller à ce que les Indiens authentiques ne soient pas laissés pour compte ».

Le sort de ceux qui ne parviendraient pas à être réintégrés dans le NRC d’ici à la fin de l’année est très inquiétant. Interrogé par Le Monde, Asaduddin Owaisi, président du principal parti musulman du pays (All India Majlis-e-Ittehadul Muslimeen, Aimim), souligne que les parias sont « majoritairement pauvres » et qu’ils n’auront « ni le temps ni les moyens » de se rendre dans la plus grande ville de l’Assam, Guwahati, seul endroit habilité à délivrer des copies certifiées conformes de l’inscription sur une liste électorale, sésame indispensable à toute procédure d’appel devant la justice.

« Cette affaire est néanmoins un fiasco pour les nationalistes hindous, dont certains chefs de file prétendaient que les citoyens illégaux, les outsiders, comme ils les appellent, étaient plus de 5 millions, observe le chef de l’Aimim. Le ministre des sports du gouvernement Modi avait même parlé de 20 millions de migrants, on sait désormais que tout cela est faux. »

« Une nouvelle Afrique du Sud »

M. Owaisi espère que les juridictions ad hoc « examineront les requêtes avec compréhension » et soupçonne Narendra Modi de préparer un projet de loi qui réservera à l’avenir la citoyenneté indienne aux non-musulmans dans l’ensemble du sous-continent. « Enfreindre ainsi les droits fondamentaux chers aux pères fondateurs de l’Inde ferait de notre pays une nouvelle Afrique du Sud, avec un apartheid qui retirerait à tous ceux qui ne sont ni hindous, ni bouddhistes, ni sikhs, l’accès à l’éducation et à la santé, ainsi que le droit de vote », prévient-il.

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Ce dernier sujet reste une préoccupation majeure au sein du BJP, l’électorat musulman (14 % de la population indienne) ayant toujours été majoritairement favorable au Parti du Congrès et l’Assam étant l’un des Etats de l’Union indienne comptant le plus de circonscriptions à forte proportion musulmane, avec le Jammu-et-Cachemire, le Bengale-Occidental et le Kerala. La représentation politique des musulmans est pourtant devenue portion congrue aujourd’hui. La nouvelle Chambre des députés, issue des législatives du printemps, ne compte que 27 musulmans sur 543 sièges, soit 5 % de l’hémicycle.

Pour l’heure, Delhi reste avare de commentaires. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Raveesh Kumar, s’est contenté d’indiquer, dimanche 1er septembre, que le registre de l’Assam n’était pas issu d’un processus dirigé par l’exécutif mais était un exercice commandé et surveillé par la Cour suprême, un processus « équitable fondé sur des méthodes scientifiques ».

Sur le terrain, les témoignages des infortunés révèlent le drame des futurs apatrides. La publication du NRC a en effet, dans bien des cas, coupé les familles en deux. Abdul Samad Choudhury, 32 ans, petit-fils d’un soldat de l’armée britannique en 1942 puis membre du mouvement d’indépendance, raconte dans India Today que malgré des documents certifiant la présence de sa famille en Inde bien avant 1971, il a été évincé du registre avec trois frères et sœurs, tandis que sa mère et une autre sœur y figurent. Les documents fournis ont été jugés recevables pour les uns, insuffisants pour les autres.

Le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, s’inquiète de la situation. « Tout processus qui laisserait un grand nombre de personnes sans nationalité porterait grandement atteinte aux efforts menés dans le monde pour réduire le nombre d’apatrides », a-t-il déclaré dans un communiqué. Il a exhorté l’Inde à veiller à ce que personne ne se retrouve sans citoyenneté.

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