En Inde, les intellectuels muselés par les nationalistes hindous

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Publié aujourd’hui à 13h03, mis à jour à 13h25

La lettre est arrivée le 12 juillet 2019. Sa destinataire n’est pas n’importe qui. Il s’agit de Romila Thapar, 88 ans, considérée comme la plus grande historienne et archéologue de l’Inde, auteure de plus d’une vingtaine d’ouvrages. Mondialement reconnue, elle a reçu le titre de professeure émérite de l’université Jawaharlal Nehru (JNU), à New Delhi, en 1993, deux ans après avoir pris sa retraite. A l’origine de la missive, l’administration de cette même université, lui réclamant son curriculum vitae afin qu’un comité puisse « évaluer son travail et statuer sur le maintien de son statut de professeur émérite ».

L’historienne a refusé. Dans sa réponse adressée à la direction, elle explique que ce statut lui a été attribué à vie et à titre honorifique sur la base de ses travaux passés. « Le mérite, ça n’est pas écrit sur les CV, et ça ne peut pas être annulé d’un trait de crayon, commente-t-elle aujourd’hui, huit mois après l’injonction, assise sur la terrasse de sa maison de New Delhi. Cette histoire n’a aucun sens, elle montre juste ce que le pouvoir actuel pense des intellectuels. » Le professeur émérite de physique théorique Ramamurti Rajaraman, 80 ans, a, lui, reçu une demande identique : l’université Jawaharlal Nehru a décidé de changer brutalement les règles et d’introduire une procédure d’évaluation de tout professeur émérite âgé de plus de 75 ans.

Graffitis exprimant la révolte des étudiants sur les murs de l’université Jawaharlal Nehru, à New Delhi, le 16 décembre 2019.
Graffitis exprimant la révolte des étudiants sur les murs de l’université Jawaharlal Nehru, à New Delhi, le 16 décembre 2019. Ishan Tankha

Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, Narendra Modi et les nationalistes hindous mènent une guerre sans relâche contre les intellectuels, universitaires, écrivains, journalistes, activistes et artistes indiens. La purge a démarré précisément à la JNU, où enseignait Romila Thapar. L’établissement, situé sur un immense campus du sud de la capitale indienne, a été fondé dans les années 1960 par Indira Gandhi, alors première ministre. Lieu de formation des élites, réputée de gauche, cette université a longtemps représenté un modèle jouissant d’une aura internationale : un espace de débats, de liberté d’expression et un pôle d’excellence dans les sciences humaines.

« Détruire les sciences humaines »

« On enseignait aux étudiants à penser par eux-mêmes, en toute indépendance. C’est cela qui est intolérable pour le parti au pouvoir et les nationalistes, affirme Mme Thapar. Et c’est pour cela qu’ils font tout pour démanteler la JNU. » « A vrai dire, poursuit-elle, ce n’est pas tant la JNU qu’ils veulent détruire que les sciences sociales et les humanités. La cible, ce sont les étudiants, les professeurs et les chercheurs de ces disciplines. Car, en Inde, il n’y a pas d’intellectuels de droite : c’est une spécificité de ce pays. »

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