En Inde, la critique du pouvoir passe par les séries télévisées

0
135

[ad_1]

En évoquant le blocus du Cachemire, « The Family Man » et « Leila » se sont attiré les foudres de certains extrémistes hindous, qui préconisent une censure plus forte des plateformes vidéo.

Par Publié aujourd’hui à 09h23

Temps de Lecture 3 min.

Dans The Family Man, une employée des services secrets indiens (incarnée par l’actrice Priyamani) critique la répression des musulmans au Cachemire.
Dans The Family Man, une employée des services secrets indiens (incarnée par l’actrice Priyamani) critique la répression des musulmans au Cachemire. Courtesy Amazon

Alors que la propagande nationaliste hindoue a envahi depuis longtemps le cinéma de Bollywood, un nouveau phénomène a fait son apparition sur les plateformes de streaming : la critique de ces mêmes nationalistes hindous par des séries qui se moquent des frontières et défient la censure officielle.

Tout récemment, l’Association des volontaires nationaux (Rashtriya Swayamsevak Sangh, RSS) a piqué une colère à propos de The Family Man, un film d’espionnage en dix épisodes signé du duo indo-américain Krishna D.K. et Raj Nidimoru, en ligne sur Amazon Prime Video depuis le 20 septembre.

La RSS est un mouvement qui diffuse les préceptes de l’hindouisme radical dans des camps d’entraînement répartis dans tout le pays. Il a pour vitrine politique le Parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party, BJP), au pouvoir à New Delhi, et publie différents journaux, parmi lesquels l’hebdomadaire Panchajanya (« la conque », en référence à l’attribut principal du dieu Vishnou).

C’est un article de ce magazine qui a épinglé The Family Man, estimant que la série avait un gros défaut, celui de s’intéresser de trop près à la situation au Cachemire. Alors que les moyens de communication ont été coupés dans la province à majorité musulmane depuis le 5 août par le gouvernement Modi et commencent à peine à être progressivement rétablis, le journal de la RSS a dénoncé une scène du film représentant Lal Chowk (« la place rouge »), lieu symbole du centre-ville de Srinagar, capitale de l’État indien du Jammu-et-Cachemire.

« Nous avons des objections à faire à cette série (…). Ce type de contenu non censuré touche tout le monde, alors qu’il est dangereux. » Hitesh Shankar, rédacteur en chef de Panchajanya

On y voit une femme (l’actrice Priyamani) travaillant pour la National Investigation Agency (la CIA indienne) évoquer avec l’un de ses collègues espions (incarné par Manoj Bajpayee) l’oppression dont sont victimes les Cachemiris de la part de l’Inde. Le personnage féminin de la série laisse alors clairement entendre que la violence intrinsèque au mouvement indépendantiste du Cachemire n’a d’égal que celle de l’Inde et de son armée.

Une comparaison que la RSS juge insensée, puisque, au lieu de les considérer comme des criminels, elle donne ainsi raison, affirme le magazine, à ceux qui basculent dans le terrorisme. Et de généraliser : « Les séries véhiculent l’idée que le terrorisme n’est pas mauvais en soi. Dans la plupart des cas, le terroriste [comprendre le musulman] tombe amoureux d’une hindoue ou d’une chrétienne, laquelle lui exprime en retour son amour, malgré les difficultés que cela occasionne », dénonce Panchajanya.

Dans une interview à The Hindu, le grand quotidien de centre gauche de Madras, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire de la RSS, Hitesh Shankar, explicite le propos : « Nous avons des objections à faire à cette série et à quelques autres que je ne souhaite pas nommer pour le moment. Mon principal souci est que ce type de contenu non censuré touche tout le monde, alors qu’il est dangereux. » À ses yeux, il serait urgent de « surveiller » les plateformes de streaming et de mettre en place « des mécanismes qui empêchent ce genre de contenus d’arriver sur les écrans ».

La cité-État imaginaire d’Aryavarta

Compte tenu de la médiocrité de The Family Man, les extrémistes hindous ne devraient pas s’inquiéter outre mesure. « Dans l’univers de la vidéo à la demande, on manque toujours de temps pour finir de regarder les séries. S’agissant de celle-là, on peut s’en passer, à moins d’avoir huit heures à perdre », estime ainsi Ananya Bhattacharya, critique à India Today.

Ce n’est en revanche pas le cas de Leila, une dystopie proposée depuis le 14 juin par Netflix. Inspirée d’un roman du journaliste Prayaag Akbar, la série en six épisodes se déroule dans un futur proche, en 2049. Elle raconte l’histoire d’une mère à la recherche de sa fille disparue dans la cité-État imaginaire d’Aryavarta, où le fondamentalisme hindou régnerait en maître absolu. Le régime totalitaire qui y sévit n’a d’autre obsession que de traquer les enfants nés de couples mixtes (un père musulman et une mère hindoue ou le contraire), sous la férule d’un dictateur adepte des hologrammes et des statues à son effigie.

Après la reconduite au pouvoir triomphale de Narendra Modi, en mai, Leila comme The Family Man prouvent au moins une chose : tous les médias ne sont pas (encore) à la botte du pouvoir.

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: