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Odeta Catana / Rex Feat/REX/SIPA / Odeta Catana / Rex Feat/REX/SIPA
DécryptagesRéservé à nos abonnés
Entre 15 et 18 millions de citoyens de l’Est du continent vivent en Europe de l’Ouest. La Roumanie a perdu 20 % de sa population depuis 1989. Cette émigration, ininterrompue, qui touche aussi les élites, provoque une crise démocratique sur laquelle les populistes prospèrent.
C’est une absence insidieuse qui ne se perçoit pas aussitôt. A l’entrée de la ville d’Onesti, ex-fleuron pétrochimique de l’époque communiste, il y a certes d’abord la gigantesque zone industrielle qui rouille tranquillementdans un état de quasi-abandon. Mais il faut ensuite se promener plusieurs heures et discuter avec les habitants pour saisir l’étendue du fléau qui ronge cette cité, à l’image de tant d’autres, dans la Roumanie profonde : la fuite d’une grande partie de sa population.
Le soir venu, les rares fenêtres allumées des immeubles construits dans les années 1960 trahissent le nombre d’appartements vides. « Lorsque les compteurs d’eau ont été relevés dans mon immeuble, on s’est rendu compte que seuls une vingtaine d’appartements, sur soixante-cinq, étaient encore occupés », raconte un fonctionnaire de la mairie. Il se souvient de l’époque où « une fumée bleue » planait en permanence dans l’atmosphère, signe d’une activité aussi polluante que pourvoyeuse d’emplois. Cet âge d’or est révolu.
La grande bibliothèque est déserte ; le stade et la piscine sont fermés. Où sont passés les habitants ? « Ils sont partis », ne cache pas le maire, Nicolae Gnatiuc. La ville natale de la célèbre gymnaste Nadia Comaneci a perdu la moitié de sa population depuis 1990. Amorcé dès cette époque, le déclin d’Onesti s’est accéléré avec l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne (UE), en 2007, qui a ouvert les portes du marché du travail d’Europe de l’Ouest à une population en quête d’une vie meilleure. A la gare routière, des annonces de compagnies de transport égrènent les noms de ces eldorados, forcément situés à l’Ouest : « Allemagne, Belgique, Pays-Bas, France, Danemark… »
« Déclin sans précédent en temps de paix »
S’il est l’un des plus préoccupants du pays, le destin d’Onesti, au cœur de la Moldavie roumaine, région parmi les plus pauvres, n’est pas un cas isolé. Les estimations varient, mais toutes s’accordent sur le fait qu’au moins 3 millions de Roumains vivent actuellement à l’étranger. Pays de 23 millions d’âmes à la chute de Nicolae Ceaușescu, en 1989, la Roumanie n’en comptait plus que 19,7 millions en 2017. D’ici à 2050, ce chiffre devrait plonger aux alentours de 16 millions, selon l’ONU qui a placé la Roumanie parmi les dix pays risquant de perdre le plus d’habitants, d’ici à la moitié du siècle. A ses côtés figurent la Bulgarie, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Moldavie, la Serbie, l’Ukraine… Autant d’Etats d’Europe centrale et orientale où le déclin démographique s’apparente désormais à une menace existentielle.
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