En Ethiopie, un climat de tension pèse sur les médias après les arrestations de journalistes au Tigré

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Les gens pleurent les victimes d’un massacre qui aurait été perpétré par des soldats érythréens dans le village de Dengolat, au nord de Makalé, la capitale du Tigray, le 26 février 2021.

Les quatre journalistes et traducteurs arrêtés au Tigré, cette province du nord de l’Ethiopie où l’armée fédérale mène une opération militaire depuis novembre 2020, ont été finalement libérés mercredi 3 mars. Mais ce dénouement ne risque pas d’alléger tout à fait le climat de tension qui pèse sur les médias travaillant dans ce pays de la Corne de l’Afrique. Fitsum Berhane et Alula Akalu, les traducteurs éthiopiens des correspondants de l’AFP et du Financial Times, avaient été arrêtés samedi 27 février à Makalé, la capitale régionale du Tigré, de même que le journaliste local Temrat Yemane.

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Lundi soir, la BBC faisait savoir que l’un de ses journalistes, Girmay Gebru, avait également été interpellé. Les quatre hommes étaient détenus dans une base militaire près de l’université de la ville. Les autorités éthiopiennes n’ont pas fourni d’explications sur les investigations les visant. « Les enquêtes [concernant les détenus] sont en cours, mais nous pouvons dire que nous avons déjà quelques preuves », avait indiqué le président de l’administration intérimaire du Tigré, Mulu Nega, sans apporter davantage de précisions.

« Mesures correctives »

Mais le tort des journalistes arrêtés semble avoir été surtout de collaborer avec des correspondants internationaux, lors de reportages sur les stigmates de cette guerre au Tigré, qu’Addis-Abeba mène en silence. Depuis le début du conflit qui oppose le gouvernement fédéral au parti dissident du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), les autorités éthiopiennes ont strictement restreint l’accès à la province pour les médias indépendants. De surcroît, Internet est coupé, rendant le travail d’enquête encore plus ardu.

Les nombreuses mises en garde de la communauté internationale à propos du désastre humanitaire et des possibles crimes de guerre au Tigré ont accentué la pression sur le premier ministre, Abiy Ahmed, pour laisser la voie libre aux journalistes. C’est ainsi que, le 24 février, le gouvernement éthiopien avait annoncé en grande pompe la permission donnée à seulement sept médias de se rendre à Makalé.

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« Après des mois de black-out de l’information, quelques journalistes sont finalement autorisés à aller au Tigré… pour être arrêtés », déplore Reporters sans frontières (RSF) sur son compte Twitter. Les Etats-Unis, par l’intermédiaire du porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, ont dit mardi avoir fait part à Addis-Abeba de leur « préoccupation » et de leur volonté d’obtenir des « explications ».

Les intimidations ont commencé dès l’arrivée des journalistes internationaux à Makalé. L’Autorité éthiopienne des médias précisait, le 25 février, que « les médias autorisés à se rendre au Tigré doivent travailler de manière professionnelle et respecter la charte sur la radiodiffusion du pays et la Constitution ». Tout en menaçant : « Dans le cas contraire, l’Autorité sera contrainte de prendre des mesures correctives. »

Le lendemain, Habtay Gebreegziabher, le président de la branche régionale du Parti de la prospérité – la formation d’Abiy Ahmed –, promettait d’identifier et de traduire en justice « les individus et les groupes impitoyables qui essaient de fournir de fausses informations aux équipes de médias qui ont mis les pieds au Tigré ».

Peur et impunité

Une clinique  pillée et vandalisée à Zana, est vue dans la région de Tigray, dans le nord de l’Éthiopie, le mardi 9 février 2021.

L’Association des correspondants de presse d’Afrique de l’Est note que ces méthodes font partie d’un « schéma inquiétant » en Ethiopie. Situé au 150e rang du classement mondial de la liberté de la presse en 2018, le pays était remonté à la 99e place en 2020. Couronné en 2019 du prix Nobel de la paix et loué pour avoir redonné du lest aux médias, Abiy Ahmed a finalement renoué avec la mainmise d’antan sur la presse.

Dans les semaines qui ont suivi le début du conflit, sept journalistes éthiopiens se sont retrouvés derrière les barreaux sans raison officielle. Plus récemment, le 19 janvier, le reporter de la chaîne de télévision Tigray TV Dawit Kebede Araya a été tué dans sa voiture à Makalé, dans ce que plusieurs sources décrivent comme un assassinat. Dans la foulée, Mulu Nega affirmait que les autorités compétentes mèneraient les enquêtes nécessaires pour faire la lumière sur ce meurtre. Rien n’a filtré depuis.

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Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une organisation américaine de défense de la presse, avait alors tiré la sonnette d’alarme, affirmant que « les questions laissées sans réponse sur le meurtre du journaliste Dawit Kebede Araya enverront un message de peur à l’ensemble de la communauté médiatique en Ethiopie et renforceront l’impunité dans les attaques contre la presse ». Un constat qui semble plus que jamais d’actualité.

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