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Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, reçoit le prix Nobel de la paix, mardi 10 décembre, à l’aube d’une année décisive pour son pays, confronté à une périlleuse transition politique. M. Abiy, un réformateur de 43 ans, doit se montrer à la hauteur des espoirs suscités par son accession au pouvoir, en avril 2018, d’autant que sa popularité s’estompe lentement. Si elles ne sont pas reportées, les élections générales, prévues pour mai, auront lieu dans un contexte d’incertitude économique et de hausse des violences communautaires.
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D’où part l’Ethiopie ?
Ces dernières années ont été agitées. En 2015, un projet d’expansion des limites administratives d’Addis-Abeba a déclenché des manifestations massives en Oromia, la région environnant la capitale. Cette agitation a débouché sur un mouvement antigouvernemental plus large qui a entraîné une réponse brutale de l’appareil sécuritaire. Moins d’un an après le début des manifestations, le premier ministre de l’époque, Hailemariam Desalegn, a déclaré l’état d’urgence. Cela n’a toutefois pas suffi à restaurer l’ordre et M. Hailemariam a soudainement démissionné en février 2018.
La coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), a désigné M. Abiy pour le remplacer et organiser la transition d’un pouvoir autoritaire à un régime démocratique. La coalition espérait que l’ancien agent des services de renseignement et premier chef de gouvernement issu de l’ethnie oromo, la plus importante du pays, lui permettrait de maintenir sa mainmise sur le pays.
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Pourquoi les élections à venir sont-elles si cruciales ?
Les élections décideront très probablement de l’avenir de la transition politique éthiopienne.
Depuis 2005, date à laquelle l’opposition avait remporté près d’un tiers des sièges et dénoncé des fraudes – ce qui avait déclenché une violente répression –, aucun scrutin n’a été serré. En 2010, deux sièges seulement avaient échappé à l’EPRDF, et zéro en 2015. Mais les réformes de M. Abiy, avec la levée de l’interdiction pesant sur certains partis et la libération des prisonniers politiques, ont ouvert la voie à des élections disputées.
Le premier ministre a obtenu en novembre l’accord de l’EPRDF pour transformer la coalition en simple parti, nommé le Parti éthiopien de la prospérité. Cette modification controversée a cependant été rejetée par l’une des quatre composantes de l’EPRDF, le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), qui jusqu’à 2018 dominait la coalition. Le ministre de la défense, Lemma Megersa, un allié clé de M. Abiy, l’a aussi critiquée.
Le chef du gouvernement semble penser que le changement d’image de l’EPRDF aidera ses membres pour les prochaines élections et permettra de couper court à l’ethno-nationalisme. Mais il reste à voir si M. Abiy réussira à remporter les élections et, le cas échéant, à instaurer plus de pluralisme. « Comment relâcher un peu l’emprise sans perdre le contrôle ? C’est la grande question. Je ne pense pas qu’il y ait une recette pour y arriver », commente Tobias Hagmann, professeur à l’université de Roskilde, au Danemark.
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Abiy peut-il freiner les violences communautaires ?
La violence communautaire a été un problème persistant pour M. Abiy depuis son arrivée au pouvoir. A tel point que certains analystes jugent la situation trop tendue pour que des élections puissent avoir lieu en mai. L’ouverture décidée par M. Abiy a laissé libre cours aux vieilles rancœurs ethniques. Et en 2018, l’Ethiopie a été le pays comptant le plus de déplacés au monde.
La dernière éruption de violence date d’octobre. Jawar Mohammed, un défenseur controversé de la cause oromo, avait accusé le gouvernement d’avoir tenté de s’en prendre à lui, provoquant des manifestations anti-Abiy qui ont débouché sur des affrontements ethniques et la mort de 86 personnes en Oromia. Des témoins ont raconté que des nationalistes oromo avaient ciblé des non-Oromo ainsi que des Oromo qui refusaient de participer aux violences. « Cela peut être le signe avant-coureur d’atrocités de masse », a mis en garde Amnesty International.
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Comment faire pour ranimer l’économie ?
M. Abiy estime que relancer l’économie éthiopienne est essentiel pour ses chances de gagner les élections. Même si elle est l’une des plus dynamiques d’Afrique, sa croissance repose largement sur les dépenses de l’Etat ; et le gouvernement veut maintenant stimuler le secteur privé.
M. Abiy a dévoilé cette année un plan de réforme économique, décrit comme une « passerelle vers la prospérité », qui prévoit de s’attaquer à l’inflation, au manque de devises étrangères et au déficit des comptes courants. L’ouverture du secteur des télécoms aux compagnies étrangères, attendue pour 2020, sera un test crucial.
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Que signifie la stabilité de l’Ethiopie pour la région ?
En dehors de l’Ethiopie, M. Abiy a joué un rôle majeur de médiateur dans la crise au Soudan et a tenté de relancer un processus de paix moribond au Soudan du Sud.
Il a aussi tendu un rameau d’olivier au président érythréen, Issaias Afeworki, qui a abouti à la signature en juillet 2018 d’un accord de paix entre leurs deux pays. Cet accord est la raison principale de l’attribution du prix Nobel à M. Abiy. Mais le chef de gouvernement est depuis affaibli par la lenteur des progrès sur des questions capitales comme celle de la démarcation de la frontière.
A l’approche des élections, M. Abiy pourrait être contraint d’accorder moins d’attention à la politique étrangère éthiopienne, et donc à l’Erythrée. « L’Erythrée n’est pas une priorité pour l’Ethiopie en ce moment, observe M. Hagmann. L’Ethiopie a d’autres préoccupations de politique intérieure bien plus pressantes. »
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