En Espagne, une entreprise promet de l’or pour ouvrir sa mine d’uranium

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Pas de grande annonce ni d’OPA lancée ni même la publication de résultats financiers. Lundi 27 mai, les actions de la compagnie minière australienne Berkeley ont bondi de 35 %, sans explication apparente. Mais une telle envolée en une journée, c’est trop pour passer inaperçu. L’autorité boursière australienne, l’Australian Securities Exchange (ASX), a donc demandé des explications à la multinationale qui est cotée aux Bourses de Sydney, Londres et Madrid.

« Nous n’avons eu connaissance d’aucune information qui puisse expliquer [cette hausse] », a assuré Berkeley dans un communiqué, avant de glisser discrètement une hypothèse : la raison pourrait se trouver en Espagne, plus précisément en Castille-León, au cœur de la province de Salamanque, dans un petit village entouré de chênes centenaires, de vignes et de champs de blé, de quelques exploitations bovines et porcines et d’un centre balnéaire réputé. Retortillo et ses quelque 200 habitants auraient fait s’envoler la valeur boursière de la compagnie… en votant.

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La veille, aux élections locales du 26 mai, le Parti populaire (PP, droite) a en effet obtenu quatre des cinq sièges d’élus municipaux, ce qui lui permettra de reprendre le pouvoir aux socialistes, et – qui sait ? – de favoriser les intérêts de Berkeley. En effet, depuis des années, la compagnie minière australienne ambitionne d’ouvrir une mine d’uranium à ciel ouvert dans ce village situé à 40 kilomètres de la frontière portugaise. Et elle ne lésine pas sur les moyens pour convaincre, dans les hautes sphères comme chez les habitants du village, des bienfaits de son projet.

Pouvoir d’influence

Ce qui n’a cessé de nourrir les polémiques et a déjà donné lieu à plusieurs plaintes. C’est à l’ancien maire du village, le conservateur Javier Santamartina, que Berkeley a acheté le terrain sur lequel elle a construit ses bureaux, rapporte le quotidien El País. La compagnie minière a aussi embauché deux conseillers municipaux pour son nouveau siège, ce qui ne les a pas empêchés de conserver leurs fonctions.

Pour s’attirer les bonnes grâces des habitants, elle a fait construire un parc pour enfants et un circuit de santé pour les personnes âgées, et payé les travaux de la piscine municipale… Son pouvoir d’influence est tel qu’en 2015, après le changement de majorité à la mairie, le maire socialiste Lorenzo Calderón n’a tenu qu’un an. En 2016, il a démissionné, dépité de voir ses adjoints voter contre lui, aux côtés du PP, pour défendre les intérêts de Berkeley.

« Oui à la mine. Oui au travail. Oui au futur. » Une pancarte dans le village

Il faut dire que la compagnie promet de l’or aux habitants comme aux investisseurs. Elle garantit la production de près de 2 000 tonnes d’uranium par an, soit 10 % des besoins en Europe. Et elle assure qu’elle créera 400 emplois directs et 2 000 emplois indirects dans une région frappée par un chômage de masse, en particulier celui des jeunes, et par un exode rural dramatique… Ça marche : le village est couvert de pancartes « Oui à la mine. Oui au travail. Oui au futur ». Ailleurs, des affiches déposées par les écologistes alertent sur les dangers du projet.

L’association locale Stop Uranio (« Stop uranium »), opposée à la mine, a déposé plusieurs plaintes contre l’ancien maire conservateur, ses conseillers municipaux, dont certains nouvellement réélus, mais aussi contre le dernier maire socialiste pour « l’inaction de la mairie face à des infractions urbanistiques et environnementales présumées ». En cause, notamment : les 1 800 chênes centenaires taillés par la compagnie pour préparer le terrain de la possible future mine. L’association WWF Espagne a beau critiquer le projet en rappelant qu’en Europe « les mines d’uranium ont été abandonnées du fait de leur faible rentabilité et de risques pour la santé et l’environnement », le gouvernement régional de Castille-León a donné une autorisation environnementale au projet.

Lobbying à Bruxelles

En Europe également, l’opération de séduction a porté ses fruits. Pour jouer les lobbyistes à Bruxelles, la compagnie a embauché Manuel Lamela, cadre du PP qui fut proche de l’ancien ministre de l’agriculture conservateur Miguel Arias Cañete, avant que ce dernier ne devienne… commissaire européen à l’énergie et au changement climatique et ne signe, à ce titre, un rapport européen favorable à l’ouverture de la mine.

« Qui achètera de la viande produite près d’une mine d’uranium ? Qui ira au balnéarium ? » L’association Stop Uranium

Mais, pour que Berkeley ouvre cette dernière, il ne lui suffit pas d’avoir la mairie dans sa poche. Il lui manque l’accord du Conseil de sécurité nucléaire (CSN), qui a demandé plus d’informations sur le bâtiment industriel et la gestion des déchets, et l’accord définitif du ministère pour la transition écologique pour construire une usine de traitement de l’uranium.

« Qui achètera de la viande produite près d’une mine d’uranium ? Qui ira au balnéarium ? », se demandent les membres de l’association Stop uranium. Le futur maire, Eustaquio Martín Herrero, ne se pose pas ces questions : « La seule chose que je dis, c’est que, si l’entreprise présente les choses correctement, ça se fera. »

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