En Espagne, le diable sur le banc des accusés

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Des associations catholiques multiplient les plaintes contre des artistes pour « atteinte aux sentiments religieux » ; des affaires qui pourraient amener Madrid à supprimer le délit de blasphème.

Par Sandrine Morel Publié aujourd’hui à 02h53

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LETTRE DE MADRID

Il y a fort longtemps, une jeune porteuse d’eau, lassée de grimper les rues escarpées de Ségovie, signa un pacte avec le diable : si celui-ci parvenait à faire venir l’eau jusqu’à la porte de sa maison avant le premier chant du coq, elle lui offrirait son âme. Mais la jeune fille, prise de remords, pria toute la nuit pour que le diable ne parvint pas à terminer l’aqueduc. Tant et si bien qu’une tempête se déchaîna. Et alors que le diable s’apprêtait à poser la dernière pierre à son ouvrage, le soleil se leva et le chant du coq retentit. La jeune fille fut sauvée et Ségovie gagna son aqueduc, que les habitants, par précaution, arrosèrent d’eau bénite.

Cette légende méritait bien une statue. C’est en tout cas ce qu’a estimé la maire de Ségovie, magnifique cité historique située au nord-ouest de Madrid. En octobre 2018, elle a donc annoncé avoir accepté le don d’une sculpture du diable réalisée par un artiste local, sans imaginer la polémique que cela soulèverait.

« Un débat ridicule »

Voyant les images de la statue – un diable dodu et rieur, tenant un téléphone portable à la main avec lequel il se prend en photo devant l’aqueduc –, deux associations catholiques de riverains se sont mobilisées. Alléguant que « le nom donné à la statue en latin (Segodeus) a un sens suggéré de Dieu de Ségovie” », et que la représentation du diable, « de manière cocasse » est « offensive pour les catholiques, parce qu’elle suppose une exaltation du mal », elles ont recueilli plus de 12 000 signatures sur le site de pétition en ligne Change.org contre l’installation de cette œuvre.

Pis, elles ont porté plainte devant la justice pour « atteinte aux sentiments religieux ». L’article 525 du code pénal espagnol punit en effet de huit à douze mois de prison ceux qui « pour offenser les sentiments des membres d’une confession religieuse, dénigrent publiquement, oralement, par écrit ou tout type de document ses dogmes, croyances, rites ou cérémonies… ».

Le tribunal a accepté la plainte et devra donc trancher la question, mais il n’a pas jugé bon de paralyser de manière préventive l’installation de la statue de bronze, de 1,70 mètre de haut, qui a eu lieu le 23 janvier.

Lors de l’inauguration, le sculpteur José Antonio Abella l’a décrit comme un « diable rapetissé, avec quelques années sur le dos et beaucoup de kilos en trop, et qui n’est pas parvenu à enlever aux Romains le mérite de la construction de l’aqueduc » et il a regretté la polémique. « Ce débat est ridicule, déclare au Monde M. Abella. Comment imaginer que cette statue va encourager le tourisme satanique, comme cela a été dit. Je ne m’y attendais pas. On m’a même insulté sur les réseaux sociaux… ».

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