En Biélorussie, le calvaire de la presse indépendante

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Nadezhda Kalinina, journaliste du média biélorusse TUT.BY, est accueillie par des collègues lors de sa libération de prison. Un groupe de journalistes, accusés de participer à la manifestation, ont été condamnés à 3 jours d’emprisonnement et libérés après un procès.

Il est un peu plus de 21 heures ce dimanche 13 septembre. La nuit est tombée à Minsk, clôturant une nouvelle journée de protestations massives contre Alexandre Loukachenko, l’autocrate qui s’accroche à son fauteuil présidentiel. Depuis le 9 août et l’annonce de la sixième élection du chef d’Etat avec un score digne d’un satrape (80 %), la foule se presse chaque fin de semaine dans les rues de la capitale, comme dans celles des villes de province, pour appeler au départ de l’usurpateur. Comme presque tous les dimanches, Alexander Vasukovich et Uladz Hrydzin, photoreporters, sont là pour immortaliser la colère de la population et la brutalité des forces de l’ordre.

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Ce soir-là, ils se posent dans un bar du centre de Minsk pour envoyer leurs clichés à leur rédaction quand, soudain, six à sept hommes en noir, cagoulés, font irruption à leur table, arrachant leur matériel, et les embarquent violemment à bord d’un fourgon de police. « Ils savaient précisément qui ils cherchaient », commente Alina Stefanovic, de l’Association de journalistes biélorusses (BAJ). Trois jours plus tard, à l’issue d’un procès truffé d’incohérences, Alexander Vasukovich et Uladz Hrydzin sont condamnés à onze jours de prison ferme pour « participation à un rassemblement non autorisé ». Estimant que les deux hommes ne sont, en réalité, coupables que d’avoir fait leur travail, les médias indépendants publient, en signe de solidarité, jeudi 17 septembre, des articles noir et blanc, illustrés d’un appareil photo barré sous lequel on lit : « Ici aurait pu être une photo. »

« Je me cache un peu »

« En ouvrant les nouvelles aujourd’hui, le lecteur voit une Biélorussie grise et uniforme. Le monde est gris autour d’elle, sa ville est grise. Tout est gris, terne et sans espoir (…) L’action d’aujourd’hui est symbolique. Elle montre quel genre de pays ce gouvernement nous prépare : interpeller, battre, faire pression sur des journalistes, des photographes, des artistes, des artistes, des médecins, des informaticiens – tous ceux qui ont plus d’intelligence et de conscience que la police antiémeute », commentait jeudi l’analyste politique Peter Kuznetsoff, sur Telegram. « Le journalisme indépendant dans la Biélorussie d’aujourd’hui est devenu l’une des professions les plus héroïques », ajoute-t-il.

C’est un fait, porter un gilet de presse en Biélorussie ne protège plus. Bien au contraire. Depuis le printemps et le démarrage de la campagne électorale, l’Association biélorusse de journalistes a recensé quelque 300 exactions des autorités à l’encontre de journalistes, allant de l’intimidation à l’emprisonnement en passant par la confiscation de matériel et le tabassage. « Ce qui arrive à la presse n’est pas complètement nouveau. Mais cela atteint une ampleur et une violence jamais vues », commente Alina Stefanovic.

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Rouslan Koulevich, journaliste pour le site Grodno Life, fait partie de ces héros de la révolution, régulièrement applaudis par les manifestants. « Ma femme et moi avons été arrêtés le 11 août, raconte-t-il. Nous étions réfugiés dans un magasin quand les forces antiémeutes sont arrivées. Les hommes portaient des masques et des tee-shirts noirs, pas d’uniforme. Ils criaient à tout le monde de se coucher en hurlant “salopes”. Quand j’ai dit que j’étais journaliste, ils ont répondu : “ah te voilà !” ». Face à la matraque qui se dressait contre lui, Rouslan Koulevich s’est protégé et a eu les deux mains brisées. Les policiers l’ont ensuite traîné dans le fourgon. « Ils riaient en disant “on en a eu un” », se souvient-il. Rouslan Koulevich a passé trois jours en prison. Sans soins, certains jours sans nourriture. Après cinq jours d’hôpital, il recommence à travailler. Malgré tout. « Je me cache un peu », avoue-t-il simplement.

Guerre de l’information

Catarina Andreeva, journaliste à Belsat TV, a elle aussi décidé de ne pas abandonner son poste, après quatre jours de détention au centre d’Okrestina, « parce que la révolution continue », dit-elle. Reporter pour Nacha Niva, l’un des plus anciens journaux biélorusses mais aussi l’un des plus oppressé par l’Etat, Natalia Loubneuskaya n’a, elle, pas encore la force de retourner sur le terrain. Après trente-huit jours d’hôpital, la jeune femme se remet de sa blessure à la jambe. Son genou a été troué par un tir de balle en caoutchouc lancé par des hommes en tenue de camouflage à quelques mètres d’elle, malgré son gilet bleu de presse.

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Dans la bataille qui oppose M. Loukachenko à son propre peuple s’ajoute ainsi une guerre de l’information. Après avoir refusé les accréditations de journalistes étrangers, l’administration présidentielle a réclamé, fin août, l’expulsion de dizaines de correspondants locaux, notamment de la BBC, et de CNN, mais aussi de médias français. Des « nervis aux ordres des ennemis de l’Ouest » accusés d’ourdir un coup d’Etat, selon le régime. « Les journalistes sont devenus une cible privilégiée. La raison est évidente : il s’agit de museler la presse indépendante », et ne donner voix qu’à la propagande d’Etat, observe une source diplomatique. Tous les appels à la raison et les réprimandes des ambassades et ministères étrangers ont, à ce jour, été vains.

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