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L’historien et journaliste argentin Pablo Stefanoni est membre du Centre de documentation et de recherche de la culture des gauches de l’université nationale de San Martin et rédacteur en chef de la revue latino-américaine Nueva Sociedad.
On a dit que la « vague rose » latino-américaine observée à partir de la fin des années 1990 réfère à deux gauches, l’une modérée ou sociale-libérale, et l’autre plus radicale et « populiste ». Etes-vous d’accord avec cette catégorisation ?
Nulle part ailleurs autant de pays d’une même région n’ont été à gauche en même temps. Un « climat d’époque », très critique du néolibéralisme, s’est instauré. Mais parler de « deux gauches » revient à émettre un jugement de valeur entre une gauche « gentille » et une gauche « méchante ». Or, les frontières qui les séparent sont ténues, et il n’est pas évident d’établir quel pays appartient à quelle catégorie. Evo Morales [président de 2006 à 2019] en Bolivie était sans aucun doute un représentant de la gauche populiste. Pour autant, sa politique économique a été considérée comme prudente, ordonnée et sans dépenses publiques excessives. A l’inverse, au Brésil, le Parti des travailleurs [PT] de Luiz Inacio Lula [da Silva, président de 2003 à 2011] a d’abord été catalogué dans le bloc de la « gauche gentille », avant d’être jugée populiste. Les manifestations de 2016 contre la présidente Dilma Rousseff [elle aussi membre du PT, qui succède à Lula] le présentaient même comme communiste.
En outre, les liens entre ces deux gauches ont toujours été très forts. Les présidents des différents courants ont fondé des espaces communs, à l’instar du Forum de Sao Paulo [au Brésil, qui, depuis 1990, rassemble des partis politiques et des organisations de gauche en Amérique latine] ou le Groupe de Puebla [composé de dirigeants progressistes latino-américains].
Que recouvre la notion de populisme en Amérique latine ?
Elle n’a pas la même connotation qu’en Europe, pas plus d’ailleurs que les termes « droite » et « gauche ». Il existe une tradition latino-américaine appelée « nationale-populaire », liée à un long passé anti-impérialiste – c’est-à-dire antiétasuniens – depuis les années 1920. Par ailleurs, le péronisme en Argentine, l’aprisme [du nom du parti révolutionnaire APRA] au Pérou, le varguisme [du nom du président Getulio Vargas, 1930-1945 et 1951-1954] au Brésil ont également produit des idées nationales-populaires et développementistes, modelant une manière de penser le rôle de l’Etat dans le développement économique. Ce sont ces traditions qui ont été réactivées lors de ce « tournant à gauche », et reprises par Evo Morales en Bolivie, Nestor Kirchner en Argentine, Rafael Correa en Equateur, Hugo Chavez au Venezuela. Les gauches d’Uruguay, du Chili ou du Brésil étaient moins traversées par cette tradition nationale-populaire.
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