En Algérie, la contestation reste forte après le retour du président Bouteflika

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La contestation restait forte à Alger après le retour du président Bouteflika, le 10 mars.
La contestation restait forte à Alger après le retour du président Bouteflika, le 10 mars. ANIS BELGHOUL / AP

Le président Abdelaziz Bouteflika a regagné l’Algérie, dimanche 10 mars au soir, après deux semaines d’hospitalisation en Suisse. Les Algériens qui attendaient d’en savoir plus au journal de 20 heures de la télévision publique n’ont finalement eu droit qu’à la lecture d’un communiqué laconique, sans autre image qu’un portrait du président.

« Tout au long de ces treize jours [d’absence à Genève], M. Bouteflika, candidat à la prochaine présidentielle du 18 avril, est resté très à l’écoute du mouvement populaire », a assuré de son côté le journal gouvernemental El Moudjahid.

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Seul le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, s’est à nouveau exprimé, sur un ton de plus en plus conciliant, assurant que l’armée « s’enorgueillit de son appartenance à ce peuple brave et authentique, et partage avec lui les mêmes valeurs et principes ». Contrairement aux habitudes, il n’a évoqué ni le président Bouteflika, ni l’élection présidentielle à venir.

Autre élément inhabituel : la télévision publique a organisé dans la soirée un débat où la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat a été ouvertement présentée comme « la cause de la crise ». Ce discours reste cependant largement dans la tendance qui consiste à incriminer le gouvernement, les hommes d’affaires et les partis du pouvoir. Elle était déjà présente dans les chaînes de télévision privées dont Ennahar, pendant longtemps canal privilégié du clan présidentiel.

Les étudiants mis en vacances

En réalité, plus de trois semaines après le début du mouvement de contestation, le pouvoir algérien n’a encore donné aucune réponse aux manifestants. L’effervescence s’est donc poursuivie ce dimanche (premier jour de la semaine en Algérie) avec notamment le lancement d’une grève générale, diversement suivie à travers le pays, et qui ne fait pas l’unanimité parmi les contestataires.

Dans le centre de la capitale, de nombreux commerces étaient fermés. « Les gens paniquent un peu », raconte Yasmine qui a dû marcher quelques minutes de plus que d’habitude pour trouver du pain, tandis que des centaines de lycéens ont défilé face aux forces antiémeute en scandant des slogans pour un changement de système politique.

La contestation la plus importante est venue des étudiants. La veille, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avait annoncé que les vacances de printemps débuteraient ce dimanche pour 1,7 million d’étudiants, alors qu’elles étaient initialement prévues du 23 mars au 4 avril.

Dans les allées de l’université des sciences et de la technologie Houari-Boumédiène d’Alger, la plus grande du pays avec 42 000 personnes, l’assemblée générale de la matinée a réuni beaucoup de monde. La colère y était palpable. « C’est une décision politique, pour affaiblir le mouvement qui est majoritairement étudiant. Sauf que ça va pousser les jeunes à manifester encore plus », dénonçait Arslan, 22 ans. « Ils voulaient réduire l’importance des cortèges. Les étudiants vont avoir encore plus le temps de manifester ! Que ce soit à Alger ou dans leurs régions d’origine », sourit Ilhem, 20 ans. « Ça prouve juste que le pouvoir a peur de nous », estime Sarah.

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« Cette grève, c’est la continuité de la marche »

A l’étage d’un bâtiment de béton, plusieurs enseignants sont réunis dans leur bureau, tout aussi remontés. « Je me suis senti insulté. Mettre tout un campus en vacances du jour au lendemain pour satisfaire la volonté d’une certaine intelligentsia, ça n’est pas normal ! », témoigne Riad, 42 ans. « On se croirait à l’époque du parti unique. Cette décision prouve le gouffre entre ceux qui prennent ces décisions et nos étudiants », lance Mouloud, son collègue.

Ces enseignants témoignent du même sentiment d’être méprisés par l’administration. « On voyait le ras-le-bol des étudiants arriver. Mais leur mobilisation nous a tous surpris. Nous les sous-estimions. Ce sont eux qui nous ont donné une leçon », explique Souhila, 33 ans. Tous sont prêts à venir assurer leurs cours le lendemain.

A Annaba, dans l’extrême est du pays, l’appel à la grève a également été suivi. Le centre-ville, habituellement si animé, était méconnaissable. Dans la quatrième métropole d’Algérie, la quasi-totalité des magasins et supérettes de l’hypercentre sont restés fermés toute la journée ou quelques heures. Les employés des établissements bancaires et publics tels que l’hôtel de ville, la succursale d’Air Algérie ou encore la bibliothèque centrale, ne sont pas allés travailler. Dans la matinée, les fonctionnaires de la direction régionale du Trésor public ont fait un sit-in devant leur bâtiment pour dire « non au cinquième mandat de Bouteflika ». « Ce n’est pas rien, raconte Nadir, un agent de 35 ans. Le Trésor public, c’est le noyau de l’administration. »

En laissant les rideaux métalliques abaissés, les Bônois (habitants d’Annaba) continuent à mettre la pression sur le gouvernement. « Cette grève, c’est la continuité de la marche », explique un épicier d’une cinquantaine d’années.

Rumeurs sur un report de la présidentielle

« Mais elle n’a rien d’officiel, tient à préciser un jeune vendeur d’un magasin de téléphones. Ce matin, j’ai voulu ouvrir mais comme j’ai vu que les autres étaient restés fermés, alors j’ai fait comme eux, je suis le mouvement. C’est ce que veut le peuple. » Finalement, il a repris ses obligations dans l’après-midi « parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire », assure-t-il.

Ces commerçants pensent que cette interruption du travail est un mal nécessaire pour faire définitivement plier le pouvoir. Ils ont conscience de perdre de l’argent mais « le pays d’abord », répètent-ils. D’autres – ils sont rares – ont fait le choix de ne pas suivre ce mouvement : la grande poste, la plupart des pharmacies, des gargotes, quelques épiciers et pâtisseries. « Tout le monde fait comme il veut, mais ce n’est pas Bouteflika qui va me payer », argue l’un d’eux qui tient un café sur le cours de la Révolution. Les commerçants devraient reconduire leur mouvement de cette manière jusqu’au jeudi 14 mars.

A Alger, le pouvoir ne donne aucune indication claire sur ses intentions, mais les rumeurs vont bon train sur un éventuel report de l’élection présidentielle et la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Sur la radio publique, un constitutionnaliste a souligné que si aucune disposition légale ne permet le report des élections, ceux qui ont la charge de garantir le respect de la Constitution peuvent l’envisager « pour répondre à la demande sociale ».

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

Depuis le 22 février, le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant l’élection présidentielle prévue le 18 avril.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise qui traverse le pays :

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Amir Akef (Alger, correspondance) , Zahra Chenaoui (Alger, correspondance) et Ali Ezhar (Annaba, correspondance)

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