En Afrique du Sud, le rêve arc-en-ciel de l’opposition s’effondre

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Mmusi Maimane (à droite), le leader de l’Alliance démocratique, et sa prédécesseure, Helen Zille, lors d’une conférence de presse à Johannesburg, le 13 juin 2017.
Mmusi Maimane (à droite), le leader de l’Alliance démocratique, et sa prédécesseure, Helen Zille, lors d’une conférence de presse à Johannesburg, le 13 juin 2017. MUJAHID SAFODIEN / AFP

Ce ne devait être qu’une crise, c’est une hécatombe. En Afrique du Sud, l’Alliance démocratique (DA), formation d’opposition qui se voyait, à l’échelle des prochaines années, en « parti de gouvernement » susceptible de renverser la suprématie du Congrès national africain (ANC, au pouvoir depuis la transition démocratique en 1994), a explosé en direct et emporté dans le carambolage une série de notions ayant trait aux relations entre race et politique au pays de Nelson Mandela.

Mercredi 23 octobre, après une interminable réunion à Johannesburg de son comité exécutif fédéral, Mmusi Maimane, le leader de la DA, a démissionné de ses fonctions. Il avait perdu la bataille interne et se trouvait en sursis, de toute façon, depuis le scrutin national raté du 8 mai. Sa chute était programmée, mais pas cette réaction en chaîne. Athol Trollip, une des figures de proue de la formation, est venu lui aussi annoncer qu’il quittait ses fonctions de président fédéral. Quelques jours plus tôt, Herman Mashaba, le maire de Johannesburg, avait également démissionné avec fracas. Ces trois responsables ont aussi quitté le parti.

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Jeudi, dans la foulée, c’est toute l’architecture de la DA au Parlement qui s’est effondrée comme un immeuble en flammes lorsque Mmusi Maimane a fait part de sa décision d’abandonner aussi son siège de député, emportant à la fois le chef de son groupe et le « shadow cabinet ». Autant ces derniers pourront être remplacés rapidement, autant la structure centrale du parti est en crise. Des alliés de Mmusi Maimane, notamment des responsables provinciaux, risquent d’être marginalisés.

Main de fer

De plus, compte tenu de ses règles de fonctionnement, la DA, qui se voyait grimper dans des scores électoraux sans limite il y a encore un an, se trouve privée de dirigeants. Il a fallu faire appel à des avocats pour trouver une formule afin de nommer un intérim à la tête du parti, dont l’une des structures, le conseil exécutif fédéral, est tenue par une main de fer, celle de Helen Zille. L’ancienne journaliste a dirigé la DA dans le passé. Elle est surtout revenue à la tête de cette instance, dimanche, au terme d’une campagne éclair, marquant ainsi la victoire des anti-Maimane et déclenchant une rupture si importante qu’elle menace le parti d’éclatement.

Mmusi Maimane, dans un discours où perçait une émotion contenue, a passé en revue les « attaques [qu’il a subies] depuis des mois, sans relâche », menées depuis l’intérieur du parti. Il a aussi rappelé ce qu’il espérait réaliser à la tête de la DA. Il a admis l’échec des élections de mai et rappelé son espoir de voir triompher, au sein du parti, le modèle multiracial qu’il souhaite voir demeurer celui de l’Afrique du Sud. Mais cette débâcle est moins le produit d’une guerre interne que de contradictions irrésolubles et d’une transformation du climat politique.

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« One SA for All » (une Afrique du Sud pour tous), tel était le thème du projet élaboré à l’origine par Helen Zille. Il s’agissait de rassembler autour d’un programme politique toutes les composantes raciales de la société. La DA, alors, travaillait à briser son image de parti de Blancs. Quoi de mieux pour cela qu’un leader noir ? Il y avait plusieurs failles dans le raisonnement : d’abord, le problème ne peut se résumer à une question d’image ou de narration ; d’autre part, les fondamentaux de la DA, proches du libéralisme, avaient été brouillés. Que prévoyait de faire le parti avec la question sociale ? Pour ou contre l’Etat-providence (relatif) sud-africain ? Quelles seraient les valeurs communes, exactement ?

Dans un premier temps, pourtant, la stratégie a semblé fonctionner, attirant notamment les déçus de l’ANC, capables de voter pour la DA aux élections locales et qui allaient, espérait l’équipe de Mmusi Maimane, briser un tabou en faisant de même à l’échelle nationale. Le pur moment de grâce, ce furent les élections locales de 2016, un an après l’élection de M. Maimane à la tête du parti. La DA avait atteint 26,9 % et conquis, seule ou en coalition, des municipalités de première importance : Johannesburg, Tshwane (Pretoria) et Nelson Mandela Bay (Port Elizabeth).

Grande lessive

L’ANC avait senti l’onde de choc. A Port Elizabeth, un Blanc nommé Athol Trollip, désormais à la tête de la municipalité, faisait un discours mêlant anglais et xhosa. A Johannesburg et Tshwane, deux entrepreneurs noirs prenaient les mairies et promettaient de faire le ménage dans les comptes plombés par la corruption. Ce multiracialisme sur fond de grande lessive semblait la parfaite synthèse des ambitions. En réalité, cela n’avait fait que dissimuler des contradictions.

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Notamment celles entre les aspirations de l’électorat traditionnel, majoritairement blanc, et des nouveaux dirigeants. L’ANC semblait aux abois, mais aux élections générales de mai 2019, le parti sauvait les meubles grâce à la personnalité du président Cyril Ramaphosa, tandis que la DA se faisait corriger, redescendant aux alentours de 20 %. Ce revers n’est pas attribuable seulement à une réticence des électeurs noirs, mais à une hémorragie de Blancs préférant offrir leur vote à un petit parti reflétant leurs idées, le Freedom Front Plus (FF+), lequel oscille entre l’ultraconservatisme, l’extrême droite et la défense acharnée des intérêts de cette communauté.

Le FF+ est farouchement opposé à la réforme promise par l’ANC, qui prévoit que soit mise en place une politique d’expulsion sans compensation des terres, dont celles des Blancs. Il s’oppose aussi à toutes les mesures de discrimination positive, notamment dans le milieu des affaires. Ce sont des thèmes que, bientôt, la nouvelle équipe de la DA devrait reprendre à son compte, signifiant une dérive vers la racialisation de la politique.

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