Économie et société: et si l’on repensait le modèle mauricien de «croissance» ?

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Réclamer un nouveau modèle économique n’est pas l’apanage des écologistes. La MCB, qui vient de lancer «Lokal is beautiful», s’inquiète des conséquences sociales et environnementales si l’économie actuelle est maintenue telle quelle.

Réclamer un nouveau modèle économique n’est pas l’apanage des écologistes. La MCB, qui vient de lancer «Lokal is beautiful», s’inquiète des conséquences sociales et environnementales si l’économie actuelle est maintenue telle quelle.

Le Fonds monétaire international (FMI), qui avait initialement prédit une croissance à 4 % pour Maurice en 2019, révise à la baisse ses projections. Les experts, dont la chef de délégation Mahvesh Qureshi, tablent à présent sur une croissance de 3,9 % pour cette année. Chiffre légèrement meilleur qu’en 2018 où le taux était de 3,8 %. C’est une déception pour le gouvernement qui, avec les grands chantiers infrastructurels dont l’ambitieux Metro Express, espérait enfin dépasser la barre de 4 %. Cette révision à la baisse des prévisions a été prise, selon le FMI, en raison d’une baisse attendue de la croissance mondiale. Celle-ci, qui devrait être de 3,5 %, a atteint son point culminant avec de possibles chocs à l’horizon. Dans ce contexte, plusieurs experts et institutions à Maurice plaident pour un changement de cap, une rupture avec le modèle économique existant, voire une forme de décroissance.

La décroissance, plus qu’un projet écologique, est une politique qui consiste d’abord à démontrer que l’obsession de croissance pour la croissance n’est pas «sustainable » (tenable) sur le long terme. Augmenter constamment la production de biens et services (Produit intérieur brut – PIB) ne réduit pas les inégalités. De ce fait, cela ne garantit pas forcément une meilleure qualité de vie pour les populations. Mais ce qui est en revanche certain, c’est que cette course effrénée vers la croissance conduit inexorablement à un épuisement des ressources naturelles. Terres agricoles, pétrole, gaz, bois, poissons…

Changement des habitudes de consommation

La décroissance prône ainsi un changement de nos habitudes de consommation en termes d’énergies, de matières premières et de déchets. Si l’idée fait son bonhomme de chemin dans certains pays nordiques, comme la Norvège, Maurice, qui est déjà limité en ressources et frappé par une baisse du taux de natalité, peine à mener cette réflexion. Pour Kugan Parapen, de Rezistans ek Alternativ, même si le miracle mauricien est toujours pris en exemple, le modèle est dépassé. «Il faut penser autrement qu’en termes de profits destinés à une poignée de conglomérats», estime l’économiste de gauche.

Tout le mal de la croissance repose sur l’endettement des États et des ménages. La théorie de la croissance continue, selon lui, est un leurre, surtout avec les enjeux liés au rythme de la démographie mondiale, qui devrait ralentir dans les années à venir. Le vieillissement de la population, couplé à la faible natalité, préoccupe déjà les autorités. Au même titre que les conséquences du dérèglement climatique.

Un sujet qui divise

Pour l’économiste Eric Ng, l’idée d’une décroissance est farfelue voire irrationnelle. «Le bien-être passe par la croissance, sinon comment va-t-on créer de l’emploi ou extraire des personnes de la pauvreté ?» Une utilisation contrôlée des ressources impliquera un contrôle étatique trop accru. Cette politique protectionniste constituerait un frein au développement. Eric Ng prône plutôt une croissance inclusive, qui donne des moyens à tous de s’en sortir. «Je ne parle pas de gratuité à tout-va ou d’assistanat mais de la création des emplois ou des moyens pour créer des entreprises.»

Il regrette qu’actuellement il soit difficile de réussir dans l’entrepreneuriat, en dépit du fait que les permis nécessaires sont obtenus dans un délai de cinq jours. La faute, dit-il, aux «business costs» qui demeurent exorbitants, aux interventions répétées du gouvernement mais aussi au favoritisme dans l’octroi de marchés publics.

Même les banques s’y mettent

Réclamer un nouveau modèle économique mauricien ou se soucier du développement durable n’est pas l’apanage des mouvements écologistes/gauchistes. La Mauritius Commercial Bank, qui vient de lancer «Lokal is beautiful», s’inquiète des conséquences sociales et environnementales si l’économie actuelle est maintenue telle quelle, avec une croissance annuelle du PIB de 3-4 % ; le revenu/habitant ne serait doublé qu’à l’horizon 2035, selon le rapport. Il soulève des interrogations pertinentes : «Maurice a-t-il les capacités de multiplier par deux d’ici quelques années les exportations industrielles, les arrivées touristiques et les activités financières à l’étranger ?»

Pour l’institution bancaire, il est impératif de repenser notre modèle de développement et le rendre inclusif pour que la prospérité soit bénéfique à l’ensemble du pays. Une prospérité durable, pour reprendre les termes d’Alain Law Min, Chief Executive Officer de MCB Ltd. «Cette étude est d’une importance capitale pour le pays. Nous souhaitons une collaboration de tous les acteurs pour réaliser de nouveaux modèles de développement. Nous voulons donner envie de collaborer avec les différentes parties pour faire avancer l’économie mauricienne.»

Le Groupe MCB, qui a présenté les résultats de cette étude commandée auprès du cabinet français Utopies, entend engager une réflexion autour de nos habitudes de consommation. «L’économie mauricienne se “carbonise” de plus en plus : si l’on comptabilise les émissions de CO2 liées à la consommation des Mauriciens, on réalise qu’entre 1970 et 2015 l’empreinte carbone globale a augmenté de 900 % à Maurice», peut-on lire dans cette étude.

Pour répondre aux nombreux défis, trois pistes sont déclinées : promouvoir le concept de «Fab Island» en favorisant une économie locale qui soit forte et dynamique. Une île plus «fabricante» avec des micro-usines, incubateurs, partenariats, start-up, entreprises.

Deuxièmement, la «Circular island», en produisant avec les ressources matérielles du territoire. Réparer, redonner de la valeur, recycler et réutiliser les déchets.

Enfin, créer de la valeur plutôt que des produits avec «Smart Island». Il s’agit d’un Business model basé sur la numérisation (Peer to peer, plateformes collaboratives, applications décentralisées basées sur la blockchain ou l’intelligence artificielle).

Le gouvernement n’a pas de philosophie

Si le secteur privé se dit prêt à engager le dialogue sur cette nouvelle vision économique et l’avenir de l’économie mauricienne, qu’en est-il du gouvernement ? Ils sont nombreux à regretter que le gouvernement n’ait pas sa propre philosophie de développement, se cantonnant à n’être qu’un «trend follower». Le modèle privilégié des gouvernements successifs ayant été Singapour.

«Maurice, étant une île tropicale, a sa propre spécificité», insiste Yan Hookoomsing, de la plateforme Aret kokin nou laplaz. Il trouve inadmissible que l’île ne cesse de se bétonner, avec la bénédiction de l’Economic Development Board. Pour lui, les chiffres concernant le Foreign Direct Investment (FDI – investissements directs étrangers) sont consternants. Les investissements dans le Real Estate Scheme (RES) représentent plus de 50 % du montant total des FDI. «C’est vendu aux retraités étrangers aisés. Il s’agit d’un one off. Comment cela est censé aider le pays ?»

Selon Yan Hookoomsing, face à la multiplication des projets immobiliers IRS, RES, PDS, IHS ou des smart cities, tout est sacrifié sans que le gouvernement ne prenne conscience des dégâts ; terres agricoles, plages, zones humides. «Il faut mettre fin à cette braderie et repenser toute la stratégie de développement», avance-til, pour que les générations futures ne se retrouvent pas pénalisées.

Le long terme, c’est de cela que le gouvernement devrait s’inquiéter. Pas des échéances électorales ni de polémiquer sur un taux, alors qu’il devrait avoir pour mission de repenser un modèle. Mais cela demande de think out of the (political) box…


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