Des ados humiliés tels des «esclaves» en Roumanie

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 Une opération de la police roumaine dans un centre d’accueil pour des adolescents allemands a donné lieu à de sordides révélations.

Des enfants humiliés tels des «esclaves», soumis à des «méthodes barbares» et des «traitements dégradants»: sous le choc, la Roumanie s’interroge depuis des révélations cette semaine sur les conditions de vie sordides que des adolescents allemands auraient endurées dans un centre d’accueil.

Opération de police

En rupture familiale, parfois toxicomanes, suicidaires ou délinquants, les pensionnaires âgés de 12 à 18 ans quittaient leur quotidien en Allemagne contre la promesse de trouver une voie vers la réinsertion sociale.

Un séjour de plusieurs mois à des milliers de kilomètres de leurs problèmes, en contact avec la nature bucolique de Viseu de Sus, une bourgade de 15’000 habitants, devait être le cadre d’«activités éducatives et récréatives» dans une région reculée du nord de la Roumanie, près de la frontière ukrainienne, selon le programme de la structure d’accueil nommée «Projekt Maramures».

Les familles d’une quinzaine de fermes des alentours percevaient 600 euros par mois – une somme importante dans l’un des pays les plus pauvres de l’Union européenne – pour accueillir certains de ces mineurs.

Violences rapportées

Mais c’est un tout autre tableau qu’ont dressé les autorités roumaines après une spectaculaire opération de police mardi des forces antiémeutes assistées d’un hélicoptère qui ont perquisitionné les lieux, où vingt adolescents étaient accueillis cet été, puis procédé à des interpellations.

Les jeunes auraient été soumis à des «tâches épuisantes, privations de nourriture, violences», selon le parquet qui évoque aussi la pose forcée d’un stérilet sur une adolescente.

Cinq suspects, dont le responsable allemand du centre âgé de 61 ans, ont été placés en détention provisoire.

La justice se serait mise en branle après la plainte d’un pensionnaire et le témoignage d’une famille d’accueil. Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent sur le fonctionnement du centre, qui accueillait des jeunes depuis une quinzaine d’années.

Seuls quatre mineurs, qui dénonçaient des violences, ont d’ailleurs été retirés cette semaine de la structure, les autres jeunes poursuivant leur séjour.

Lanceur d’alerte

«Quel esclavage?», s’est exclamée Jonelle Kooi, une pensionnaire interrogée ces derniers jours par la télévision roumaine. «On nourrit les vaches, les moutons: ce n’est pas la mer à boire. Et j’ai pris 11 kilos en trois mois, donc on mange à notre faim!» La mairie du village prend aussi la défense du «Projekt». «Les enfants étaient intégrés» et bénéficiaient d’un «soutien scolaire», a affirmé à l’AFP une employée municipale ayant requis l’anonymat. Les services sociaux roumains réalisaient les contrôles nécessaires avant chaque prise en charge, assure-t-on encore.

Le gouvernement allemand, qui finançait la structure, a assuré n’avoir, en 20 ans, «jamais entendu parler de problèmes». «Projekt Maramures» recevait jusqu’à 6000 euros de financement par mois et par mineur, selon les médias locaux. Lors des perquisitions, 137.450 euros en liquide ont été saisis au domicile du directeur.

«Le goulag des enfants»

Un homme pourtant avait lancé l’alerte il y a plus de douze ans. Vasile Dale, un journaliste originaire de la région, avait en 2006 publié un reportage intitulé «Le goulag des enfants».

«J’ai été choqué en parlant au responsable allemand», se remémore M. Dale, joint au téléphone par l’AFP. «Il avait pour slogan le travail te rend libre », une formule quasi similaire à celle inscrite à l’entrée des camps de concentration et d’extermination nazis. M. Dale, qui vit aujourd’hui au Danemark, avait notamment recueilli la parole d’un jeune fugueur. Il se rappelle également qu’en 2009 un autre mineur s’était enfui et qu’il avait été ramené par la police.

Selon lui, les enfants les plus «durs» étaient accueillis dans le centre lui-même, où les mauvais traitements auraient été infligés, les autres jeunes séjournant en familles d’accueil.

Le reporter estime que la protection de l’enfance en Roumanie a «fermé les yeux», car il s’agissait d’un établissement «sous tutelle de l’Etat allemand».

La Roumanie a déjà été profondément secouée cet été par l’affaire du meurtre de deux adolescentes, dans laquelle l’inaction de la police a été pointée du doigt.

Comment se fait-il qu’aucune des victimes présumées ne se soit plainte une fois rentrée en Allemagne? «Je pense que, vu leur passé, même si ces enfants avaient raconté des choses, les parents ne les auraient pas pris au sérieux», lâche M. Dale.

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