« Depuis Indira Gandhi, il n’y a jamais eu une telle personnalisation du pouvoir »

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Défense des hindous face aux minorités intérieures et aux puissances étrangères, rejet des élites et concentration du pouvoir sont les principales expressions du « national-populisme » exercé par le premier ministre Narendra Modi, estime le chercheur.

Propos recueillis par Julien Bouissou et Brice Pedroletti Publié aujourd’hui à 12h59

Temps de Lecture 8 min.

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Spécialiste de l’Inde et du Pakistan, Christophe Jaffrelot est directeur de recherches au CERI Sciences Po et au CNRS. Par ailleurs enseignant à Sciences Po, il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Inde : la démocratie par la caste. Histoire d’une mutation socio-politique. 1885-2005 » (Fayard, 2005) et Inde. Nationalisme hindou, populisme et démocratie ethnique (Fayard, 352 p., 25 €).

Christophe Jaffrelot.
Christophe Jaffrelot. Tara Schlegel / Collection personnelle

Dans cette campagne électorale indienne, quels sont les thèmes abordés par le premier ministre, Narendra Modi ?

Depuis l’attentat du 14 février au Cachemire indien [qui a tué au moins 40 soldats indiens, revendiqué par un groupe islamiste basé au Pakistan] et les frappes aériennes qui ont suivi, le thème dominant est sécuritaire. Modi s’érige en protecteur des Indiens contre la menace extérieure pakistanaise, chinoise et islamiste – cette dernière recouvrant des cibles intérieures, les musulmans du Cachemire, de manière plus ou moins explicite. Sa campagne diffère de celle de 2014, où il avait mis en avant le développement économique et les créations d’emplois, domaines pour lesquels il n’a pas tenu ses promesses. Le seul thème de 2014 qu’on retrouve aujourd’hui, c’est la critique du Parti du Congrès, dont Modi dénonce le caractère dynastique et corrompu.

Selon vous, Narendra Modi incarne un national-populisme à l’indienne. Quelles en sont ses caractéristiques et comment se manifeste-t-il pendant ces élections ?

Le national-populisme de Modi s’exprime d’abord par le rejet des élites, notamment l’establishment du Parti du Congrès, au nom de la plèbe dont le premier ministre dit être issu – ce qui ne l’empêche pas de recevoir le soutien des milieux d’affaires ; deuxièmement, par sa défense des hindous contre les dangers que feraient peser sur eux les minorités et des puissances étrangères – cette dimension xénophobe expliquant qu’on parle ici de « national-populisme » ; troisièmement, par un style politique où l’homme fort, paré de vertus parfois surhumaines, entre en relation directe avec son peuple par toutes sortes de moyens de communication. Il faut remonter à Indira Gandhi pour retrouver une telle personnalisation du pouvoir. A l’époque, on parlait alors d’un « populisme de gauche » à la Perón [du nom du général et président argentin Juan Perón (1946-1955)].

Le premier ministre indien, Narendra Modi, en campagne électorale dans l’Etat du Gujarat (Inde), le 17 avril.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, en campagne électorale dans l’Etat du Gujarat (Inde), le 17 avril. AMIT DAVE / REUTERS

Est-ce l’idée même de l’Inde qui est en jeu dans ces élections ?

Oui, au sens où l’Inde s’est caractérisée par un métissage civilisationnel qui a donné naissance, en 1947, à un régime « séculariste », une épithète qui renvoie à une forme de multiculturalisme. Mais cette définition de la nation, héritée de Gandhi et Nehru, a toujours été contestée par une autre, ethno-religieuse, dans laquelle les minorités musulmanes et chrétiennes apparaissaient comme des pièces rapportées, des citoyens de seconde zone. L’Inde n’est d’ailleurs pas le seul pays à abriter deux variantes de l’identité nationale, l’une ouverte et l’autre fermée…

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