Dans un Mali pauvre et en guerre, la peur du premier cas de coronavirus

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Une chercheuse effectue des tests sur le coronavirus dans le laboratoire de l’hôpital du Point G, à Bamako, le 19 mars 2020.
Une chercheuse effectue des tests sur le coronavirus dans le laboratoire de l’hôpital du Point G, à Bamako, le 19 mars 2020. MICHELE CATTANI / AFP

« On se prépare à tous les cas de figure possibles. » Le directeur du plus grand hôpital du Mali se veut pragmatique : si aucun cas n’a encore été déclaré dans le pays, les autorités essaient tant bien que mal d’anticiper le pire des scénarios. « Des millions » de vies sont en jeu si le monde n’est pas solidaire, notamment des pays les plus pauvres, a averti le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé le continent à « se préparer au pire », après l’annonce du premier mort en Afrique subsaharienne de la pandémie, au Burkina Faso, voisin du Mali.

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A Bamako, dès que l’épidémie a commencé à se propager hors de Chine, le docteur Ilo Bella Diall a fait rénover un bâtiment désaffecté de l’hôpital qu’il dirige au Point G, sur l’une des deux collines qui dominent la capitale, transformé en centre de confinement avec sept lits.

Un de ceux-là est équipé d’un respirateur. Un document interne consulté par l’AFP mi-mars et intitulé Plan d’action pour la prévention et la réponse au Covid-19 répertoriait un seul respirateur en stock au Mali. Mais le ministère de la santé a assuré lundi 23 mars disposer de 56 respirateurs et de 37 lits, alors que le premier ministre Boubou Cissé parlait d’une vingtaine de lits.

« Nous nous préparons au pire »

Selon le même document interne, le Mali ne dispose que de 600 litres de gel hydroalcoolique, malgré « un besoin de 500 000 litres », de 59 « thermoflash » pour prendre la température, alors qu’il en faudrait 20 000, de 2 000 kits de tests et de zéro caméra thermique adaptée. Des régions entières du Mali sont inaccessibles aux services de l’Etat en raison des violences djihadistes et des conflits intercommunautaires qui ensanglantent ce vaste pays sahélien depuis 2012.

« Nous sommes en train de nous préparer au pire », a concédé jeudi le premier ministre. Mais « les moyens que nous avons ne nous permettent pas d’être derrière chaque Malienne et chaque Malien », a-t-il ajouté. « Aujourd’hui, à nos défis désormais classiques s’ajoute celui de réussir la guerre contre le coronavirus », a lancé mardi le président Ibrahim Boubacar Keïta lors d’un conseil de défense.

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Cette guerre est d’abord celle de la sensibilisation. « Il faut communiquer pour que les Maliens prennent conscience de l’ampleur de la pandémie », dit Seydou Doumbia, doyen de la faculté de médecine de Bamako, où 143 tests du virus – tous négatifs – ont été effectués à la date de jeudi dernier.

Car la peur du coronavirus ne s’est pas encore emparée de Bamako : les verres de thé continuent d’être partagés, les mains de se serrer. Dans les bus et taxis collectifs, les clients se serrent toujours les uns contre les autres. Il faut entrer dans les hautes sphères du pouvoir pour voir des salutations au coude.

Le précédent Ebola

L’option du confinement est jusqu’ici écartée dans un pays dont l’économie dépend très largement du secteur informel, la majorité de la population gagnant un maigre pécule au jour le jour. « On n’a pas opté pour la quarantaine car on n’a pas les moyens de le faire », confirme un officiel du ministère de la santé.

A la faculté de médecine, M. Doumbia dirige le seul laboratoire de niveau de protection P3 – « les seuls capables de manipuler les microbes » – du Mali. Dans les enclaves confinées du laboratoire, financé par les Etats-Unis, treize chercheurs analysent sans relâche les échantillons, comme en 2014 lorsque le pays avait été touché par l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. « Hier, on a fini à minuit. Imaginez quand on aura le premier cas », lâche l’un d’eux, Amadou Koné. Trois autres laboratoires, d’un niveau inférieur, sont prévus pour suppléer celui-ci en cas de besoin.

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Lors de l’épidémie d’Ebola, le Mali avait enregistré six décès pour une dizaine de cas et la contamination avait été assez rapidement circonscrite. Mais face au coronavirus, « nos systèmes de santé ne sont pas prêts », a reconnu le ministre de la santé, Michel Sidibé, ancien patron de l’Onusida. En prévision, les frontières aériennes ont été fermées, les postes de douane terrestres sont contrôlés et toutes les écoles fermées.

Le Mali, 184sur 189 sur l’indice de développement humain de l’ONU, a sollicité ses partenaires financiers et « 30 à 35 » millions de dollars seront donnés ou prêtés à Bamako pour lutter contre le coronavirus dans « les jours et les semaines à venir », selon le chef du gouvernement. A l’hôpital du Point G, on n’attend que ça. « S’il y a les moyens, on pourra lancer des travaux très rapidement et augmenter nos capacités d’accueil », avance un cadre de l’hôpital.

Le Monde avec AFP

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