Dans les prisons de la République démocratique du Congo, « des conditions de vie infernales »

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A Kinshasa, capitale de la RDC, l’entrée de la prison de la Makala en 2019.
A Kinshasa, capitale de la RDC, l’entrée de la prison de la Makala en 2019. ECPM 2019 © Adèle Martignon

Entre le 1er et le 13 janvier, vingt-cinq détenus sont morts à la Makala, la prison centrale de Kinshasa, la capitale congolaise, selon la Fondation Bill Clinton pour la paix. Selon l’ONG, ces décès ont été provoqués par une pénurie de nourriture et de médicaments.

Partout en République démocratique du Congo (RDC), la situation des centres pénitentiaires est alarmante. Dans un rapport publié en décembre 2019 et intitulé « Vers une mort en silence. Conditions de détention des condamnés à mort en RDC », l’ONG Ensemble contre la peine de mort (ECPM), qui s’est rendu dans dix établissements sur les quatre-vingt que compte le pays, dénonce la malnutrition, les mauvaises conditions d’hygiène et le manque d’accès aux soins que subissent les détenus congolais.

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Si la peine de mort n’est plus officiellement appliquée depuis 2003 en RDC, elle est toujours prononcée par les tribunaux. « Des centaines de condamnés à mort sont incarcérées dans des conditions lamentables », déplore Liévin Ngondji, avocat à la Cour pénale internationale et coauteur de cette enquête.

Quelle a été votre méthodologie pour établir ce rapport ?

Liévin Ngondji Nous avons fait des demandes officielles auprès des autorités gouvernementales, auprès du ministère de la justice et celui de la défense nationale, car de nombreuses condamnations à mort sont décidées par des juridictions militaires [une trentaine de groupes armés sévissent dans les Kivus, dans l’est du pays]. Nous avons ainsi pu accéder à dix centres pénitentiaires. A l’intérieur, nous avons montré nos autorisations en tant qu’ONG et les condamnés à mort nous ont été présentés. Nous avons pu leur parler librement dans une pièce où nous étions seuls.

Que vous ont-ils raconté ?

Depuis le 1er janvier 2020, dans la seule prison de la Makala de Kinshasa, il y a eu plus de 25 morts à cause de la malnutrition et des maladies [Les Nations unies ont fait état de 201 personnes décédées en détention en 2017 et 223 en 2018]. Pouvez-vous imaginer ce qui se passe dans des établissements de brousse situés au fin fond du pays ? Les détenus vivent dans la misère la plus sombre. Ils se retrouvent parfois à 500 dans une salle de 20 mètres sur 30 mètres [Construite en 1958 pour une capacité d’accueil de 1 500 personnes, la Makala comptait 8 500 détenus en 2018, soit un taux d’occupation de 560 %]. Ils dorment à même le sol et doivent se soulager dans des seaux. Leur nourriture se compose souvent d’un seul repas par jour à base de quelques haricots ou de feuilles de manioc. Certains se font apporter leur repas par leur famille, mais souvent les gardiens les gardent pour eux. Croyez-moi, ce sont des conditions qui sont indignes de la nature humaine.

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A l’exception de la prison de Luzumu, située dans la province du Congo central et dont la construction a été financée par l’Union européenne, les conditions de vie sont infernales. Elles sont en violation totale du droit congolais, du droit international et du sens de l’humanité.

La peine de mort existe toujours en RDC. Pourquoi n’est-elle pas appliquée ?

Depuis la colonisation, la peine de mort a toujours été utilisée comme un instrument de domination. Les colons l’ont employé contre les colonisés, Mobutu [au pouvoir de 1965 à 1997] contre les opposants politiques et Laurent-Désiré Kabila [à la tête du pays de 1997 à 2001] contre les groupes armés et les militaires. Le pays exécutait alors moins de prisonniers que la Chine, mais plus que l’Iran ou l’Arabie saoudite. Puis, sous la pression des mouvements abolitionnistes, Joseph Kabila [président de la République de 2001 à 2019] a réformé la justice pénale. Il a mis fin au régime de terreur de la justice militaire et a établi un moratoire sur la peine de mort. L’élection de Félix Tshisekedi en janvier 2019 pourrait ouvrir une nouvelle page.

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Depuis 2003, on n’exécute donc plus les condamnés à mort, mais il y a des condamnations à la peine capitale quasiment chaque jour. Les autorités pensent que si la peine de mort était abolie, cela entraînerait une hausse de la criminalité. Mais c’est faux.

Combien y a-t-il de condamnés à mort ?

Les autorités ne fournissent aucune donné officielle. Nous en avons identifié 510 répartis dans 10 prisons, alors qu’il existe 80 établissements pénitentiaires dans tout le pays. Nous sommes incapables de dire combien il y en a dans les 70 autres. Ce qui est incroyable, c’est que toutes les ONG et les institutions internationales ne dépassaient jusqu’à présent jamais le nombre de 300.

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Lors de notre enquête en pleine forêt de l’Equateur, dans un lieu quasiment inaccessible, nous sommes tombés sur la prison d’Angenga. Il s’agit d’un mouroir où nous avons recensé 269 condamnés à la peine capitale. Ils vivent à l’écart de tout, dans des conditions inhumaines. Certains pleuraient en nous racontant leur sort. D’autres ont appris lors de nos entretiens qu’ils étaient condamnés à la peine capitale : ils pensaient seulement avoir été jugés à des peines lourdes et espéraient sortir un jour. Deux personnes interrogées à Angenga
ont aussi raconté qu’elles auraient dû bénéficier de la grâce présidentielle mais que d’autres détenus liés à des milices avaient été libérés à leur place.

Quel est le profil des condamnés ?

Ils ont une quarantaine d’années et sont généralement condamnés pour insurrection lorsqu’ils sont militaires ou pour association de malfaiteurs et vol à main armée lorsqu’il s’agit de civils. Certains sont là depuis plus d’une quinzaine d’années. A Angenga, les détenus viennent de tous les coins du pays. La plupart ne savent pas pourquoi on les a amenés ici et leurs familles n’ont jamais été prévenues.

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Beaucoup racontent avoir été torturés pour signer des aveux. Certains ont été menottés ou affamés jusqu’à ce qu’ils avouent des crimes qu’ils n’avaient pas commis. Un détenu a raconté que des policiers lui avaient brûlé les fesses avec de l’essence puis l’avaient attaché deux jours à un arbre sans vêtement. J’ai aussi été très marqué par l’histoire d’un père emprisonné avec ses deux fils. Il assure qu’il était seul lorsqu’il a tué son voisin et que ses enfants n’ont rien à voir dans cette affaire. Mais personne ne l’écoute. Il n’a pas d’argent, pas d’avocat et reste en détention avec ses enfants.

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Il arrive aussi que des détenus disparaissent. On peut alors supposer qu’ils sont exécutés dans un cadre extrajudiciaire pendant des transferts. J’ai entendu dire que derrière ce que les autorités considèrent parfois comme des évasions [en mai 2017, 4 000 personnes se sont échappées de la Makala], il y a en réalité des exécutions en dehors de tout cadre légal. Les prisonniers vivent la peur au ventre.

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