Dans la région d’Idlib, « les gens ne savent plus où trouver refuge et des enfants sont morts de froid »

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Dans un camp à Sarmada, dans la province d’Idlib, le 17 février, vivent cette mère et son fils. Ils font partie des quelque 900 000 personnes déplacées dans le nord-ouest de la Syrie, depuis l’offensive de Damas pour reprendre le contrôle de la région.
Dans un camp à Sarmada, dans la province d’Idlib, le 17 février, vivent cette mère et son fils. Ils font partie des quelque 900 000 personnes déplacées dans le nord-ouest de la Syrie, depuis l’offensive de Damas pour reprendre le contrôle de la région. RAMI AL SAYED / AFP

La situation dans le nord-ouest de la Syrie « a atteint un niveau horrifiant », s’est alarmé, lundi 17 février, le secrétaire général adjoint des Nations unies (ONU) aux affaires humanitaires, Mark Lowcock. Selon les estimations onusiennes, quelque 900 000 civils ont été déplacés depuis le 1er décembre, essentiellement des femmes et des enfants. Lors d’une allocution télévisée, le président syrien, Bachar Al-Assad, s’est, lui, engagé à poursuivre son offensive dans la région d’Idlib, pour « libérer » l’ultime grand bastion tenu par les djihadistes et les rebelles. Des déclarations martiales qui laissent craindre une tragédie humanitaire.

Depuis le 1er janvier, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a enregistré la mort de 298 civils à Idlib et à Alep. En outre, dix installations médicales et dix-neuf centres d’enseignement ont été directement touchés ou affectés par des frappes.

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Depuis 2011, l’ONG Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) vient en aide aux populations touchées par la guerre en Syrie. Son président français, le médecin anesthésiste réanimateur Ziad Alissa, explique comment la région d’Idlib s’est transformée en piège pour les civils fuyant les combats.

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Quelle est la situation humanitaire actuelle dans le nord-ouest de la Syrie ?

Elle est tout bonnement catastrophique. Face aux bombardements de l’armée syrienne et de ses alliés – qui n’épargnent ni les civils ni les centres médicaux –, les habitants fuient massivement, avec les moyens du bord, pour ne pas mourir. On parle de dizaines de milliers de déplacés chaque jour.

Les structures d’accueil, où ils peuvent être en sécurité, sont saturées. Des camps de réfugiés sont mis en place à la hâte, mais, faute de moyens, ils manquent du nécessaire : pas assez de nourriture, pas de couvertures, les blessés ne peuvent être soignés… De nombreux civils se retrouvent contraints de dormir en plein air. C’est l’hiver et les conditions météorologiques sont rudes : des enfants sont morts de froid ces derniers jours.

Les gens ne savent plus quoi faire, où aller, où trouver refuge. Nous, humanitaires, sommes démunis : le nombre de personnes qui arrivent chaque jour pour trouver de l’aide dépasse largement les moyens dont nous disposons. Il est important de rappeler que cette zone du nord-ouest de la Syrie n’a plus de gouvernement : Damas n’en a plus le contrôle et aucun exécutif local n’est en place. Aucune instance ne gère donc les besoins de la population, ce sont les associations qui doivent assurer cette mission.

On a le sentiment que cela fait des mois que les ONG et les Nations unies mettent en garde sur la menace d’une catastrophe humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie. Comment expliquer qu’on en arrive là ?

C’est le même scénario qui se répète depuis plusieurs années, dès qu’une portion du territoire syrien est récupérée par l’armée. Oui, il y a eu des mises en garde, mais rien n’a été fait ou très peu. A la dernière réunion du Conseil de sécurité [de l’ONU, le 20 décembre 2019], la Russie et la Chine ont usé de leur veto pour bloquer l’extension d’un an de l’aide humanitaire transfrontalière. Heureusement, la France et d’autres pays proches de la Syrie ont obtenu un renouvellement de six mois de ce dispositif, donc jusqu’en juin. Mais ces batailles politico-diplomatiques freinent l’action concrète sur le terrain.

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Par ailleurs, l’acheminement de l’aide humanitaire nécessite une sécurisation des routes, ce qui n’est pas le cas en Syrie. Aucune différence n’est faite entre les groupes militaires, les équipes médicales ou les civils… On a même vu des convois onusiens pris pour cible ! Cette guerre ne respecte aucune des règles en vigueur. L’assistance humanitaire ne peut pas faire face aux besoins énormes sur le terrain, notamment pour ces aspects de logistiques sécuritaires.

L’UOSSM et l’ONU ont fait état de plusieurs attaques récentes contre des hôpitaux. Les civils et les humanitaires sont-ils de plus en plus pris pour cible ?

C’est un phénomène que l’on observe depuis le début du conflit, mais qui malheureusement prend de l’ampleur. Il y a eu pourtant des réunions multipartites, avec des garanties de la Turquie et de la Russie, sur la mise en place de zones de « désescalade de la violence » [dont la province d’Idlib faisait partie]. Et les associations humanitaires médicales ont communiqué leurs coordonnées GPS aux Nations unies. Malgré cela, les bombardements continuent. Pendant les dernières quarante-huit heures, les raids de l’armée dans la banlieue ouest d’Alep ont commencé en ciblant les deux hôpitaux de la région. C’est la politique de la terre brûlée.

Quand on vise des centres médicaux, naturellement on augmente le nombre de victimes en incapacitant les structures d’aide aux blessés. Mais on envoie aussi un message terrible aux populations en sapant leur confiance dans un pilier du quotidien, censé être épargné par la guerre. D’autant que les civils effrayés fuient généralement dans la précipitation et se trouvent d’autant plus vulnérables. En Syrie, cette politique de la terre brûlée a clairement une dimension psychologique. C’est une punition généralisée pour tous ceux qui ont osé dire « non » au régime.

« La plus grande tragédie humanitaire du XXIe siècle ne sera évitée que si les membres du Conseil de sécurité (…) dépassent leurs intérêts individuels », a fait valoir le secrétaire général de l’ONU pour les affaires humanitaires. Qu’attendez-vous de la communauté internationale ?

Aux Nations unies, on parle beaucoup, mais on ne réagit pas. Il n’y a pas eu l’amorce d’une réponse à la hauteur de l’enjeu humanitaire. On a aujourd’hui des témoignages sur la guerre, des images de ce qu’est le quotidien en Syrie… Personne ne peut ignorer la réalité du terrain.

La communauté internationale ne remplit pas son devoir à l’égard du peuple syrien. On n’est pas à la hauteur pour mettre un terme à la guerre par un cessez-le-feu ou du moins faire en sorte que les règles de la guerre soient respectées. On n’est pas à la hauteur pour gérer les conséquences de ce conflit en protégeant les populations déplacées dans leur pays. Enfin, on n’est pas à la hauteur pour aider les civils qui le souhaitent à trouver refuge à l’étranger, du moins à les accueillir dignement quand ils ont choisi de fuir la Syrie, on les laisse risquer une nouvelle fois leur vie sur des bateaux de fortune ou autre.

Début janvier, le président français, Emmanuel Macron, a réuni à l’Elysée les ONG actives en Syrie pour aborder la situation humanitaire dans le pays. Ce rendez-vous a-t-il fait bouger les lignes ? Des mesures concrètes ont-elles été prises ?

La France fait des efforts : elle s’est battue pour le renouvellement de l’aide humanitaire transfrontalière. C’est bien, mais il faut qu’on se prépare dès maintenant à faire face, en juin, à un nouveau veto des Russes et des Chinois. Paris offre aussi, à l’instar d’autres pays de l’Union européenne, un soutien financier aux associations humanitaires qui nous permet de continuer à travailler.

Malheureusement, nos besoins sur le terrain excèdent très largement les moyens dont nous disposons. On doit faire plus et on peut mieux faire. On espère un véritable cessez-le-feu dans la région et la mise en place d’une solution non militaire pour mettre un terme aux combats dans ces zones.



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