Dans la « capitale du Brexit », le départ de l’UE est devenu un non-événement

0
86

[ad_1]

Keith devant son kiosque qui vend The Sentinel, à Stoke-on-Trent, le matin du 31 janvier.
Keith devant son kiosque qui vend The Sentinel, à Stoke-on-Trent, le matin du 31 janvier. PHILIP HATCHER-MOORE POUR « LE MONDE »

Les boutiques du centre du quartier Longton à Stoke-on-Trent, dans le centre de l’Angleterre, sont plus vides qu’à l’accoutumée. « D’habitude, le vendredi, c’est le jour le plus chargé, mais là c’est d’un calme… », s’étonne Kiki Locker, esthéticienne de 25 ans, en tirant nerveusement sur sa cigarette sous le porche de son salon alors que tombe une bruine glacée. Pour la jeune femme au visage fardé et aux longs ongles orange, l’explication ne peut être que le coronavirus qui sévit depuis quelques semaines en Chine. « On ne parle plus que de ça. »

Le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui sera officialisé vendredi 31 janvier à 23 heures, heure de Londres, n’est plus un événement dans la ville qui s’était prononcée pour le « Leave » à près de 70 % lors du référendum de 2016. Un record pour une zone urbaine dans le pays, qui a valu à Stoke-on-Trent le surnom de « capitale du Brexit ». Mais, trois ans plus tard, alors que les médias nationaux font leurs unes sur le « D-Day », le journal local The Sentinel n’en fait même pas mention, préférant se focaliser sur les juteux profits d’un parking aux abords d’hôpitaux de la commune.

« J’ai juste envie que ça se termine »

« J’en ai juste marre. Ça a pris une éternité, là j’ai juste envie que ça se termine », souffle Kiki Locker, qui reste néanmoins favorable au divorce entre Londres et Bruxelles. Beaucoup d’habitants de Stoke-on-Trent partagent aujourd’hui ce constat. La ville, fusion de six communes, porte les stigmates de la désindustrialisation. Cet ancien bassin historique de l’extraction houillère et de la sidérurgie, dont les usines de céramique faisaient la fierté, est devenu l’une des régions les plus défavorisées de l’Angleterre. Le revenu moyen de ses habitants est nettement plus bas que la moyenne nationale et son taux de chômage de 5,3 %, alors qu’il atteint 3,8 % à l’échelle du Royaume-Uni. De nombreux bâtiments historiques sont désormais à l’abandon, les panneaux « à vendre » fleurissent sur les charmantes petites maisons de briques rouges, tandis que les magasins traditionnels ont laissé place aux établissements de paris et de jeux d’argent.

Alan Shakespeare, boucher à Stoke-on-Trent, le 31 janvier.
Alan Shakespeare, boucher à Stoke-on-Trent, le 31 janvier. PHILIP HATCHER-MOORE POUR « LE MONDE »

« On ne peut pas blâmer l’Europe pour le déclin industriel », tempère cependant Allan Shakespeare, longiligne boucher de 67 ans, installé dans le quartier de Longton depuis 1995. Pour lui, le soutien au « Leave » dans la ville est surtout lié à l’immigration. Et bien que le Royaume-Uni ne fasse pas parti de l’espace Schengen, le pécher originel de l’EU est, à ses yeux, l’abolition des frontières. Toujours convaincu du bien-fondé du Brexit en faveur duquel il a voté, il ne le célébrera pas ce 31 janvier. « Honnêtement, il n’y a pas vraiment de raisons. »

Même chez les partisans de l’autre camp, l’heure n’est plus au combat. « Je veux juste que l’on en finisse avec tout cela, que l’on sorte des limbes », peste Lottie Parry, 21 ans, étudiante à l’Université du Staffordshire. A l’instar de son camarade Daniel Suzuki, 23 ans, avec lequel elle organise vendredi une vente de gâteaux sur le campus, la jeune femme à la longue tresse châtain et aux yeux clairs s’était prononcée pour le « Remain ».

Lottie Parry, 21 ans, a voté pour rester dans l’Union européenne.
Lottie Parry, 21 ans, a voté pour rester dans l’Union européenne. PHILIP HATCHER-MOORE POUR « LE MONDE »

Lors des législatives du 12 décembre 2019, Stoke-on-Trent, ancien fief du Labour, a basculé dans le camp conservateur pour la première fois en 80 ans. « Quand le nouvel élu local [membre des Tories] est venu nous remercier pour son élection, je lui ai dit de remercier Jeremy Corbyn [le chef de file des travaillistes] », pouffe ce sexagénaire, qui a voté pour le « Leave », croisé jeudi soir devant le pub Duke William, dans le quartier populaire de Burslem. Entre deux bouffées de sa cigarette, il déplore l’absence de positions claires du leadeur de l’opposition sur le Brexit.

Avant le référendum de 2016, le divorce avec l’Union n’était pas dans les esprits des habitants de la ville, estime Kiki Locker. Mais il est devenu synonyme d’espoir… Avant de perdre tout son éclat, au gré de discussions perçues comme interminables entre Londres et Bruxelles. « Il fallait que les choses changent ici d’une manière ou d’une autre », fait valoir l’esthéticienne pour expliquer le soutien au Brexit. Et, pour elle, si l’engouement initial a disparu, l’espoir, lui, ne s’est pas complètement évaporé : « Mais il n’est pas exclu que je change d’avis dans les prochains mois. »

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: