Corruption lors des examens de conduite : entre Rs 3000 et Rs 15000 pour «faciliter» l’octroi d’un permis

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La corruption se déroule au grand jour lors des examens de conduite. Une enquête menée par Le Dimanche/L’Hebdo révèle que des moniteurs graisseraient la patte à certains examinateurs pour « faciliter » les évaluations de leurs poulains. D’autres instructeurs réclameraient de fortes sommes d’argent aux candidats en échange d’un permis de conduire, sans passer par les examens. Ces permis falsifiés, qui sont identiques aux originaux, ne sont pas enregistrés dans les fichiers de la Traffic Branch. La police met en garde les moniteurs véreux et les examinateurs qui se laisseraient corrompre. 

La corruption lors des examens de conduite est un sujet longuement évoqué dans le milieu des examens pour l’octroi d’un permis de conduire délivré par la Traffic branch de la police. Mais comment cela se passe-t-il ? Si des moniteurs d’auto-écoles attribuent cette forme de corruption à un laisser-aller suite à la « non-réglementation des tarifs réclamés par les instructeurs à leurs poulains », d’autres sont d’avis que c’est « l’argent facile qui attire ». Il y a, selon nos renseignements, plusieurs astuces employées par les moniteurs d’auto-écoles pour se faire un maximum d’argent sur le dos des candidats. 

Les fautes non considérées 

Cette fraude serait difficile à réaliser sans la complicité de quelques policiers ripoux.  « Dans la pratique, l’examinateur ne tient pas compte des fautes du candidat lors des épreuves, malgré la présence des road eye cameras dans les voitures pour lutter contre la corruption. Les fautes courantes commises par les candidats sont, par exemple, le non-respect de certains panneaux ou encore la vitesse. La somme réclamée par les moniteurs des auto-écoles aux candidats oscille entre Rs 3 000 et Rs 5 000. Aucune idée sur le montant perçu par l’examinateur », précise une source policière autrefois basée à la Traffic branch. Selon notre interlocuteur, les sommes d’argent sont généralement remises aux corrompus par des tierces personnes, comme des proches, après les heures de travail.

Permis falsifié pour Rs 15 000

D’autres moniteurs réclameraient de fortes sommes d’argent, allant de Rs 10 000 à Rs 15 000, à leurs élèves pour l’octroi d’un permis de conduire sans passer par des examens. Rien n’est laissé au hasard : dimension du document, couleur, texture, numérotation, le sceau de la force policière, ou encore la signature du gradé responsable de la livraison du document. Les données du document falsifié ne sont toutefois pas enregistrées dans les fichiers de la police. La supercherie peut être découverte que lorsqu’un des détenteurs d’un tel permis se rend coupable d’une infraction aux codes de la route et que le numéro de série de son permis de conduire est soumis à une vérification. Dans le cas contraire, ces derniers peuvent ne pas être inquiétés jusqu’à la fin de leur vie, car ledit document est en bonne et due forme.

« Package »

C’est une transaction connue de tous chez les moniteurs d’auto-écoles. Certains instructeurs travaillent sur un système de package, qui comprend un prix en gros « payable uniquement au début des sessions et incluant les ‘trasman’ lors de l’octroi du permis de conduire ». Un instructeur, sous le couvert de l’anonymat, indique que les montants réclamés aux candidats atteindraient les Rs 15 000, voire davantage. Cette somme comprend les frais de dépôt, ceux des cours et pour l’assurance de la voiture lors des examens de conduite. « Une dizaine de moniteurs basés aux centres d’examens de Port-Louis et de Curepipe s’adonneraient à cette pratique. Le montant est remis avant les premières sessions et en cas d’échec lors des examens, la somme d’argent du package pour faciliter les choses n’est pas remboursée », précise notre interlocuteur.

Permis
Les actes illégaux se feraient avec la complicité de certains policiers véreux.

Le comportement des candidats étudié avant les offres

Les moniteurs d’auto-écoles ne lancent pas leurs propositions à n’importe quel candidat. Ces derniers, qui sont très rusés, ont tendance à proposer leurs services à des candidats qui doivent impérativement obtenir leurs permis de conduire en vue d’étudier à l’étranger, ou encore aux personnes qui doivent contracter un travail dans l’immédiat nécessitant un permis de conduire. « Les instructeurs ont tendance à étudier les comportements des candidats avant de lancer leurs offres. Ils ne proposeront jamais leurs services à des avocats, ou encore à des personnes qui paraissent fauchées financièrement. Ils ont plutôt tendance à approcher ceux qui paraissent aisés financièrement et qui ont un besoin immédiat d’un permis de conduire », précise un examinateur.

Selon notre interlocuteur, les moniteurs ont tendance à « créer des mises en scènes » et étudient les probabilités avant de lancer toute proposition. « Les instructeurs savent lorsqu’un candidat va réussir ou échouer à ses examens de conduite, du fait qu’ils ont eux-mêmes appris ses performances de conduite pendant au moins quatre mois. Pour jouer aux plus malins, ils réclament de l’argent aux candidats afin de faciliter supposément les épreuves auprès des examinateurs. Chose qui n’est pas toujours vraie. Si le candidat passe ses examens, la somme est encaissée. En cas d’échec, le montant est non remboursable. Ce qui constitue une arnaque au grand jour », poursuit l’examinateur.

Jeff, un aspirant conducteur, se confie : «Mon instructeur m’a demandé Rs 5 000 pour faciliter mes examens»

Le Dimanche/L’Hebdo a mis la main sur un aspirant conducteur de 19 ans, qui va passer son examen de conduite pour la première fois dans le courant de la semaine prochaine. Il s’est fait approcher par son moniteur, il y a environ une semaine, pour déposer une somme d’argent en vue de faciliter ses épreuves. Il a refusé catégoriquement.

« Mon instructeur m’a demandé Rs 5 000 pour faciliter mes examens. Il m’a dit que le montant devait être remis à la veille des épreuves et qu’il allait faire le nécessaire avec les examinateurs pour me faciliter la tâche. J’ai immédiatement refusé, car une telle pratique est illégale. Lors des examens, soit j’obtiens mon permis de conduire  par mes propres efforts, soit j’échoue ! Hors de question d’obtenir quoi que ce soit dan lanvlop. D’ailleurs, en cas d’échec, je vais poursuivre mes sessions jusqu’à que j’arrive à maîtriser l’art de la conduite », a confié Jeff.

Notre interlocuteur entend également alerter les autorités concernant la proposition de son instructeur. « Une fois mes examens terminés, je vais  dénoncer, sous le couvert de l’anonymat, les agissements de mon moniteur à l’Icac et au CCID »,  précise-t-il.


Le DCP Mukhtar Din Taujoo, responsable de la Traffic Branch : «Les réclamations des moniteurs sont une fraude»

DCP Mukhtar Din Taujoo

Le responsable de la Traffic Branch, le DCP Mukhtar Din Taujoo, a fait ressortir que les réclamations des moniteurs des auto-écoles aux candidats pour l’obtention d’un permis de conduire est une fraude. Dans une brève déclaration à Le Dimanche/L’Hebdo, il a exhorté les victimes de corruption de rapporter tout cas à la police et a affirmé que des enquêtes suivraient.

« La police n’a aucune influence sur le comportement des moniteurs d’auto-écoles. Mais je demande aux victimes, ou à ceux qui ont des soupçons sur des moniteurs qui contournent la loi en réclamant des sommes d’argent aux candidats afin que ces derniers obtiennent leurs permis de conduire, de rapporter les cas à la police. Des enquêtes sérieuses s’ensuivront et les coupables seront punis », fait ressortir le DCP Mukhtar Din Taujoo.

Une fraude au grand jour

Des examinateurs de la Traffic Branch ont ensuite été sollicités. « Le candidat est appelé à débourser uniquement la somme de Rs 500 pour les frais des examens de pratique menant à l’obtention de son permis de conduire. Tout deal personnel entre le candidat et le moniteur, entre le candidat et l’examinateur, ou encore entre l’examinateur et le moniteur est qualifié comme étant une fraude hautement réprimée par la loi », explique un examinateur.

Une « perception » qui existe

Un autre policier de la Traffic Branch confie que les cas de fraude impliquant moniteurs et policiers n’est qu’une « perception ». « La perception est là depuis l’existence des examens pour l’obtention des permis de conduire ! Ceux qui réclament de l’argent aux candidats en leur promettant un permis de conduire. Mais ce ne sont que des escrocs, car ils ne retournent jamais l’argent s’il arrive que le candidat échoue aux épreuves et privilégient ainsi des mises en scène », explique notre source. 

Rotation des examinateurs

Les examinateurs basés à la Traffic Branch de la force policière doivent impérativement travailler sur rotation en alternant entre les centres d’examen de Port-Louis et de Curepipe, opérationnel depuis mars 2015, afin d’éviter  tout rapprochement avec les candidats ou moniteurs. C’est une recommandation de la commission anti-corruption (Icac). 


Manoj Rajcoomar, secrétaire de la Driving School and Instructors Federation : «L’argent est remis aux policiers par des tierces personnes»

Le secrétaire de la Driving School and Instructors Federation, Manoj Rajcoomar, ne mâche pas ses mots. Selon lui, il y aurait « une mafia » dans le système. Il soutient que certains moniteurs font du profit sur la tête de ses poulains, en faisant 4 ou 5 examens par jour.

« Les instructeurs qui réclament de l’argent aux apprentis, c’est une pratique qui existe depuis toujours, mais qui ne peut être prouvée. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond lors des examens car certains candidats méritants n’obtiennent pas leurs permis de conduire », avance Manoj Rajcoomar. « Surtout au centre d’évaluation de Curepipe, où certains examinateurs font la pluie et le beau temps », allègue-t-il. 

Mais pourquoi Curepipe ? « Il est éloigné des quartiers généraux. Donc les examinateurs, en complicité avec les moniteurs, font ce qu’ils veulent », poursuit-il. Manoj Rajcoomar, confirme non seulement que des instructeurs réclament de l’argent aux candidats, mais que des proches des aspirants conducteurs approchent les moniteurs / examinateurs. Une dizaine de moniteurs, précise-t-il, serait trempés dans des magouilles entourant l’octroi des licences et « l’argent est généralement remis aux policiers par des tierces personnes afin de ne pas éveiller les soupçons ».


Entre 110 et 120 examens de conduite par jour : environ 40 % des aspirants conducteurs passent leurs examens

La Traffic Branch effectue environ 200 examens de conduite (orales, mais également l’aspect pratique pour les autobus, voitures, motocyclettes et camions) quotidiennement. Entre 110 et 120 examens pour voitures sont effectués quotidiennement dans les centres d’évaluation de Port-Louis et de Curepipe. Ces épreuves, qui se déroulent du lundi au samedi, débutent à 8 heures et prennent fin vers 15 h 15. Selon des renseignements, environ 40 % des aspirants conducteurs passent leurs examens de conduite. Des examens qui, pour rappel, sont répartis en deux phases, à savoir le road test et les parking and reverse tests. Les quelques 60 % des aspirants conducteurs qui « échouent » quotidiennement sont ceux qui ont flanché dans l’une de deux épreuves. Ils doivent s’inscrire de nouveau pour un autre examen à la Traffic branch. 


Professionnalisation des examens Daniel Raymond : «Le projet est en cours»

Daniel Raymond

En 2018, le ministère des Infrastructures publiques évoquait une professionnalisation des sessions d’apprentissage entourant l’octroi des permis de conduire. Dans la pratique, un « carnet d’apprentissage » doit être présenté par le candidat au moment de son inscription pour un examen au centre d’examen de Port-Louis, qui se situe aux Casernes centrales. Des heures d’apprentissage, fixes et variables dépendant de la maturité des aspirants conducteurs, devaient également être introduites. Dans une déclaration à Le Dimanche/L’Hebdo, Daniel Raymond, conseiller spécial en matières de sécurité routière au ministère des Infrastructures publiques, a fait ressortir que « le projet est toujours en cours ». 


Parmanund Bhadaye, président de l’Association des auto-écoles : «Il y a moins de pratiques frauduleuses»

Le président de l’Association des auto-écoles, Parmanun Bhadaye, ne dément pas qu’il a des pratiques frauduleuses. Pour lui, c’est la mise en opération des caméras dans les voitures et dans les centres d’examens, qui  est à l’origine de la réduction de la fraude impliquant examinateurs et moniteurs d’auto-écoles. 

 « Je ne vous dit pas qu’il n’y avait pas de fraude, mais depuis une dizaine d’années, il y a moins de pratiques frauduleuses », tonne Parmanund Bhadaye. Valeur du jour, poursuit notre interlocuteur, il y aurait « entre deux ou trois examinateurs et moniteurs qui proposent leurs services à des aspirants conducteurs ». 

Selon notre interlocuteur, ce serait « les examinateurs » qui auraient introduit ces pratiques illégales. Le montant réclamé lors de l’introduction de cette forme de fraude, précise-t-il, était de Rs 3 500. Mais au fil du temps, la somme réclamée a connu une majoration. « C’est la possibilité de se faire de l’argent facile qui attire les examinateurs et moniteurs à s’adonner à ces pratiques. Mais ces mœurs ont disparu graduellement en raison de la sévérité de la force policière lors des examens. Puis, il y a l’installation des caméras de surveillance dans les centres d’examens et dans les voitures, choisies au hasard par les examinateurs », précise Parmanund Bhadaye. 

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Defi Media

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