comprendre les enjeux du vote sur la « sécurité nationale » du Parlement chinois

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Des députés de l’Assemblée nationale populaire, le 28 mai.
Des députés de l’Assemblée nationale populaire, le 28 mai. Mark Schiefelbein / AP

La reprise en main de Hongkong par la Chine se poursuit. Jeudi 28 mai, Pékin a adopté une disposition visant à imposer à l’ex-colonie britannique une nouvelle loi sur la sécurité, jugée liberticide par les militants prodémocratie. Une mesure adoptée sous les applaudissements, en présence du président chinois, Xi Jinping, par la quasi-totalité des près de 3 000 députés de l’Assemblée nationale populaire. Et un épisode de plus dans la guerre que mène le Parti communiste chinois à ceux qui contestent son autorité au sein de ses frontières, nombreux dans cette région semi-autonome secouée par des manifestations régulières depuis plus d’un an.

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  • Quelle était la situation de Hongkong jusqu’à présent ?

En 1898, le Royaume-Uni et l’empire de Chine signent une convention qui cède Hongkong à la monarchie britannique pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans. Pour préparer la rétrocession du territoire à Pékin, prévue en 1997, un nouveau traité est signé en 1984. Celui-ci vise à protéger les acquis en termes de libertés individuelles et d’indépendance de la justice de cette région administrative spéciale, au moins jusqu’en 2047. C’est la naissance du principe « Un pays, deux systèmes ».

Contrairement aux habitants du reste de la Chine, les Hongkongais disposent actuellement d’une presse libre, de la liberté d’expression ainsi que de celle de manifester.

  • Que risque de changer ce vote ?

Le vote du Parlement chinois, jeudi, vise à imposer à Hongkong la mise en place d’une loi de « sécurité nationale », prévue dès 1997 dans l’article 23 de la loi fondamentale, la Basic Law, qui sert de mini-Constitution au territoire semi-autonome. Un article que le Conseil législatif local n’a jamais appliqué, car une grande partie de la population hongkongaise y voit une menace pour ses droits.

De fait, les Hongkongais ont été nombreux à se rassembler dans la rue pour montrer leur opposition aux tentatives du pouvoir central de reprendre le contrôle du territoire. Que ce soit en 2003, date du dernier essai de mise en œuvre du projet de loi de « sécurité nationale », ou plus récemment. En 2019, au terme de nombreux mois de manifestations, les Hongkongais ont ainsi obtenu l’abandon de la loi facilitant leur extradition vers la Chine continentale.

Jeudi, un mandat a donc été donné au Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire (ANP) chinoise pour rédiger un projet de loi qui sera ensuite incorporé dans la mini-Constitution.

Selon le projet soumis à l’ANP, cette loi devra « empêcher, stopper et réprimer toute action qui menace gravement la sécurité nationale, comme le séparatisme, la subversion, la préparation ou la commission d’activités terroristes, ainsi que les activités de forces étrangères qui constituent une ingérence dans les affaires » de Hongkong.

A ce stade, les détails de la mise en œuvre de ce programme ne sont pas connus, mais les opposants démocrates à l’influence de Pékin dans le territoire expliquent que la mesure risque d’ouvrir la voie à une régression sans précédent des libertés, notamment celles de manifester, de critiquer le gouvernement et le Parti communiste chinois ou encore de commémorer le massacre de Tiananmen. « C’est la fin de Hongkong », résume auprès de l’agence France-Presse (AFP) Claudia Mo, députée prodémocratie au Conseil législatif hongkongais.

D’autant que la disposition votée jeudi prévoit également d’autoriser des organes de sécurité chinois à ouvrir des antennes à Hongkong. « On changerait complètement de dynamique, explique Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique. Jusqu’à maintenant, ces organes de sécurité étaient très présents, mais de manière occulte, jamais officiellement. » Une manière de prendre directement en main le contrôle des activités des opposants – et de le faire savoir.

  • Pourquoi ce vote intervient-il maintenant ?

Selon Valérie Niquet, deux facteurs peuvent expliquer le vote empressé de cette mesure jeudi, annoncé seulement trois jours plus tôt.

D’une part, des élections législatives doivent avoir lieu en septembre à Hongkong. Seule la moitié du conseil législatif de la région est élue au suffrage universel, limitant de fait la possibilité d’un renversement de majorité (pro-Pékin à ce stade), mais une victoire des prodémocratie « porterait un réel coup à l’image de puissance que veut donner le Parti communiste au sein de ses frontières », analyse la chercheuse.

D’autre part, le coronavirus, s’il a empêché les manifestants de poursuivre leurs actions dans la rue du fait du confinement, a aussi suscité « une vague de mécontentement et de colère » ailleurs dans le pays, au point que la réaffirmation de la puissance du Parti communiste chinois devienne « sa seule porte de sortie de la crise », « sa stratégie de survie », analyse Valérie Niquet. Difficile pour le pouvoir central de continuer à tenir le pays avec une croissance en berne. Faire de Hongkong un exemple, « c’est aussi réaffirmer sa force ailleurs en Chine », poursuit-elle.

  • La communauté internationale peut-elle s’opposer à cette reprise en main ?

Les dés seraient-ils déjà jetés ? « Rien n’est encore entré en vigueur, nuance Valérie Niquet. Tout va dépendre de l’existence d’une réaction vive et coordonnée des autres Etats. »

Sans attendre le vote du Parlement chinois jeudi, l’administration de Donald Trump a ouvert la voie à des sanctions économiques contre Hongkong. « Aucune personne sensée ne peut soutenir aujourd’hui que Hongkong conserve un haut degré d’autonomie par rapport à la Chine », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, dès mercredi devant le Congrès.

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Concrètement, l’administration Trump peut désormais mettre fin au statut commercial préférentiel accordé à l’ex-colonie britannique. Ces mesures impliquent notamment l’exemption de visas, le régime de change fixe entre les dollars hongkongais et américains, mais aussi des lois favorables aux entreprises, notamment un système fiscal accommodant et une protection juridique qui n’existe pas en Chine. Un traitement de faveur qui a permis à Hongkong de rester la quatrième place financière mondiale, rivalisant avec Londres et New York. A ce stade, les déclarations de Washington restent à l’état de menace.

Le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont également réagi, estimant dans un communiqué commun que ce vote « entre en contradiction directe » avec la convention signée en 1984, « légalement contraignante et enregistrée auprès de l’ONU ».

Perdre le statut commercial préférentiel de Hongkong grèverait durablement l’économie chinoise, malgré le poids désormais modeste du territoire à l’échelle de la Chine (0,5 % de sa population et 2,7 % de son PIB). Car sa place financière joue un rôle essentiel comme porte d’entrée et de sortie pour les capitaux du pays, que ce soit pour les grandes entreprises chinoises, cotées à la Bourse de Hongkong, ou pour les familles les plus riches, qui y stockent une partie de leur fortune. En Chine comme ailleurs, l’argent reste le nerf de la guerre.

Le Monde avec AFP

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